L'opinion publique française n'a peut-être pas suivi avec toute l'attention désirable les négociations qui se déroulent depuis bientôt deux ans, à Madrid, et qui prolongent celles de Belgrade, toutes deux dérivant de l'Acte final d'Helsinki. L'auteur traite ici de ce sujet, et en particulier de la proposition française pour une Conférence sur le Désarmement en Europe. Les opinions qu'il présente n'engagent, bien entendu, que lui-même et ne sont en aucune façon le point de vue d'un quelconque organisme officiel américain.
Ajoutons que cet article est publié simultanément à Bonn, dans la revue Europa-Archiv, et à Londres, dans la revue World Today. Sur ce sujet important et difficile, nous renvoyons nos lecteurs ci deux articles de notre revue qui ont déjà traité de ce sujet : « Mesures de confiance et de sécurité en Europe » par Jean Klein (octobre 1980) et « Le projet français de Conférence de Désarmement en Europe et la réunion de Madrid » de Jean Dehaime (novembre 1980).
Un mandat pour une Conférence sur le Désarmement en Europe (CDE) pourrait encore sortir de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) lors de sa prochaine réunion à Madrid, en novembre 1982. Depuis le début des sessions tenues à Madrid, en novembre 1980, on a progressé lentement mais de manière substantielle vers l'élaboration de ce mandat. Pour en comprendre le sens, il faut examiner ses origines et son évolution.
C'est en mai 1978 que le Président de la République française de l'époque, M. Valéry Giscard d'Estaing, a fait pour la première fois la proposition de réunion d'une CDE, lors de la session spéciale des Nations Unies sur le désarmement. Dans des mémorandums envoyés par la suite aux trente-cinq pays participant à la CSCE et à l'Albanie, la France a proposé une CDE en deux phases. Dans la première seraient négociées de nouvelles mesures destinées à renforcer la confiance (MDC), s'appliquant aux forces classiques aériennes et terrestres, par exemple la notification à l'avance de certaines activités militaires (1). À la différence des quelques mesures de confiance prévues par l'Acte Final d'Helsinki de 1975, qui sont presqu'entièrement volontaires et qui ne s'appliquent qu'à une bande de deux cent cinquante kilomètres du territoire européen de l'Union Soviétique (ainsi qu'à l'Anatolie turque en plus du territoire européen de ce pays), les nouvelles mesures de confiance proposées par la France seraient obligatoires et vérifiables ; elles auraient une signification militaire et seraient applicables de l'Atlantique à l'Oural. Dans la deuxième phase de cette CDE, on chercherait à négocier des limitations et des réductions des forces classiques aériennes et terrestres, en particulier de celles qui sont équipées d'une capacité offensive majeure, chars, artillerie, avions de chasse.
En proposant une CDE (2), le gouvernement français a insisté sur plusieurs considérations. C'est en Europe que l'on trouve la plus grande concentration de forces classiques. Le déséquilibre entre l'Est et l'Ouest dans le domaine de ces forces est en faveur du Pacte de Varsovie et pourrait provoquer un conflit allant, par escalade, jusqu'à une guerre nucléaire. Les négociations de bloc à bloc sur la réduction mutuelle et équilibrée des forces (MBFR), menées à Vienne, excluent les États neutres et non-alignés (NNA). Ne couvrant qu'une étroite zone située en Europe centrale, elles ne tiennent pas compte de la mobilité des matériels militaires modernes. L'expérience acquise avec les mesures de confiance d'Helsinki a montré qu'il était possible de mettre en œuvre de telles mesures, mais aussi que celles qui existaient étaient insuffisantes en raison de certaines caractéristiques telles que la nature discrétionnaire des notifications. Les armes nucléaires sont exclues de la CDE en application de trois considérations de principe établies de longue date par les Français :
Des propositions revues et corrigées
Le travail de Madrid
Les conditions soviétiques
Les chances d'un mandat