Le Secret Service, l'histoire cachée d'une agence secrète
Philip Melanson, professeur de science politique à l’université du Massachusetts, écrit avec le journaliste Peter Stevens l’histoire fascinante d’une agence secrète américaine peu connue, le Secret Service. Les deux auteurs racontent de manière presque épique les débuts de la première agence secrète américaine.
Celle-ci a été inspirée par les méthodes et les affaires du célèbre détective Pinkerton en 1861 puis par Lafayette C. Baker ; mais le véritable acte de naissance de cette agence gouvernementale a été le 5 juillet 1865, avec William P. Wood à sa tête et avec pour mission première de restaurer la confiance dans la monnaie nationale et de protéger l’approvisionnement en argent du pays. À cette période existait déjà une forme de guerre économique, en particulier avec les faux-monnayeurs, principale cible de cette nouvelle « agence de renseignement » dont l’originalité consistait à être placée sous l’autorité directe et unique du Département du Trésor. C’est en 1869 que cette jeune agence a été transformée par Whitley, ancien lieutenant-colonel de l’armée de l’Union et inspecteur au bureau des impôts sur le revenu, en une véritable administration moderne luttant aussi contre la fraude, parfois contre l’immigration clandestine ou protégeant les Trésors nationaux.
La deuxième mission propre au Secret Service est une mission de protection, en particulier du Président. Ce deuxième visage de l’agence, très contesté au départ, s’est imposé à la suite de l’attentat du 16 février 1898 contre le Maine, événement qui força le Congrès à voter un budget d’urgence et à autoriser le Secret Service à protéger le président Mc Kinley. Événement déclencheur de réforme organisationnelle ou de prise de conscience politique en matière de sécurité, au même titre que le 11 septembre 2001 pour le président Bush et son Département de la Homeland Security. Pendant la guerre de Sécession, comme pendant la guerre hispano-américaine ou la Première Guerre mondiale, cette agence gouvernementale a également rempli des missions de renseignement militaire et de contre-espionnage. Ce n’est que le jeu des tensions politiques et bureaucratiques qui a empêché le Secret Service de devenir l’équivalent de la CIA, du FBI ou une agence regroupant toutes ces missions. La tâche de protection du Secret Service n’a été rendue permanente qu’en 1951, après d’âpres luttes. En effet, J. Edgar Hoover, directeur du FBI (fondé en 1908 avec un noyau d’agents du Secret Service) et proche du président F.D. Roosevelt, avait tenté de faire passer le Secret Service sous la tutelle du ministère de la Justice afin que le FBI absorbe les pouvoirs du Secret Service.
Cependant, les grandes crises du Secret Service ont surtout été l’assassinat du président J.F. Kennedy et, plus récemment le bras de fer avec le procureur Starr qui, lors de l’affaire Lewinsky, avait, contrairement à l’éthique du Secret Service, cité à la barre plusieurs agents pour les pousser à faire des révélations sur la vie privée du président Clinton. Cet événement a entraîné une crise d’identité liée aux difficiles rapports au politique, à un cruel manque de personnel (2 700 agents) et de moyens (par exemple pour lutter contre de nouvelles menaces de type biologique, neurotoxique, missiles).
Les deux auteurs préconisent donc un changement de formation, de méthodes, de procédures et de statut. En particulier, ils soutiennent l’idée du président George W. Bush selon laquelle le passage du Secret Service au sein du grand ministère de la Sécurité nationale serait une bonne chose. Cette dernière idée n’est pas une innocente réforme institutionnelle, qui part, en outre, du présupposé totalement erroné selon lequel la délinquance financière (sur des bons du trésor, des cartes de crédit, de la fausse monnaie…) n’est pas liée au terrorisme (susceptible de chercher à effectuer un attentat contre le Président ou une autre personnalité ou institution symboliquement forte) alors que l’étude d’Al-Qaïda nous a bien montré l’imbrication croissante entre certains réseaux de délinquance financière et le terrorisme.