Synthèse de l'intervention de M. l'ambassadeur de Pologne en France Jan Tombinski, le 23 juin 2004 à l'École militaire (Paris).
Conférence - La contribution de la Pologne à la construction politique et stratégique de l'Union européenne
La contribution politique de la Pologne à l’Union européenne
Les projets de construire en Europe un système de paix, de sécurité et de défense commune ont une longue histoire. L’un des premiers a été le plan de paix éternelle par la voie de la confédération européenne, selon la conception du roi de Bohème, Georges Podiébrad, au XVe siècle. Vient ensuite une longue liste de noms prestigieux, dont Victor Hugo qui écrivait : « Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie… » (1). Il ne faut pas non plus oublier le projet de fédération européenne proposé par le ministre français Aristide Briand. Les auteurs de certains projets envisageaient déjà la création de forces militaires européennes communes et, parfois même, de police commune. Nous y trouvons également des noms polonais, pour ne citer que le roi Stanislas Leszczynski, devenu prince de Lorraine après son abdication, qui était l’auteur d’un ouvrage (2) sur la paix universelle, grâce à une alliance éternelle de défense des États européens.
Émergence de l’Europe
La vision de l’Europe créée par les pères fondateurs avait surtout une dimension concrète, celle de la coopération économique ; mais ce projet était étroitement lié à l’idée-clé de toute intégration européenne : la paix et la stabilité sur notre continent. Il fallait du temps pour que l’Europe prenne une vraie dimension politique et connaisse son épanouissement. Comme disait Jean Monnet, « les idées naissent grâce aux gens ; perdurent grâce aux institutions ». Les réformes successives des institutions européennes ont permis d’approfondir et d’élargir le projet de l’Europe unie.
En 1952, le Premier ministre français, René Pleven, proposait la création de la Communauté européenne de Défense (CED). Deux ans plus tard, ce plan ainsi que le projet de Communauté politique européenne ont été abandonnés ; sans doute étaient-ils prématurés. L’idée de coopération politique européenne n’est réapparue qu’en 1970, mais c’est bien au sortir de la guerre froide qu’un réel besoin s’est fait sentir. La crise des Balkans a révélé une Europe incapable de relever les défis qui se posent à ses portes ; de fournir des réponses communes ; d’harmoniser ses politiques et de s’engager efficacement dans les crises. Ce n’est qu’en 1992 qu’est inscrit, dans le Traité de Maastricht, une obligation pour que l’Union se dote enfin d’une Politique européenne de sécurité commune (Pesc).
Après Maastricht
La France reste un acteur majeur de la construction de l’Europe de sécurité et de défense. Quant aux pays d’Europe centrale et orientale (Peco), il leur fallait d’abord résoudre les problèmes multiples tels que la reconstruction de leur souveraineté, la définition de la politique de défense nationale ; et ensuite seulement, se coordonner avec la politique de l’Union européenne. Consciente de certaines faiblesses de la sécurité collective et des alliances bilatérales qu’avait montrées la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne a donc dû reconstruire la stratégie de sécurité du pays et créer les instruments efficaces pour la réaliser. Ainsi est née la politique de défense de la Pologne. Notre adhésion à l’Otan en 1999 a marqué le moment historique de l’aboutissement de la réflexion sur le rôle de notre pays dans la sécurité internationale. L’Otan est, pour nous, le seul système de défense collective dans le monde démocratique qui permet de garantir la paix et la sécurité en Europe.
Nous essayons, avec l’héritage d’une expérience historique douloureuse, de souscrire au projet européen que nous soutenons pleinement. Nous sommes conscients que la Pologne est pratiquement le seul pays qui, parmi les nouveaux membres, a une importance dans le domaine militaire ; qui a une large tradition de politique militaire ; un pays où l’armée constitue un instrument de la politique nationale.
Les objectifs de la Pologne
Depuis l’année 1989, la Pologne joue un rôle actif dans la stabilisation et le maintien de la paix en Europe.
Le premier objectif de la Pologne est de retrouver de bonnes relations avec son voisinage. En 1989, elle a trois voisins : la Tchécoslovaquie, la RDA et l’URSS. Deux ans plus tard, ces trois pays n’existent plus.
Allemagne réunifiée
Retrouver de bonnes relations avec cette Allemagne réunifiée a demandé un grand travail de maturation pour la Pologne. C’était un sujet délicat du fait de l’histoire ; et un débat national était ouvert dès 1989 sur les moyens de retrouver de bonnes relations avec ce pays. Aujourd’hui, l’Allemagne et la Pologne entretiennent d’étroites relations : le Corps d’armée Otan, constitué de forces polonaises, danoises et allemandes, et stationné au nord-ouest de la Pologne, prouve bien que l’histoire n’est pas une fatalité.
Voisins à l’Est (Ukraine, Moldavie, Russie)
On craignait des revendications de toute part. Il fallait réussir à surmonter cette grande charge historique. Il n’y a plus aujourd’hui de tentatives de revendications nationales.
Après 1989, aucun parti polonais n’a réclamé le retour en Pologne de régions enlevées par Staline. C’est la preuve que la question des frontières et la révision territoriale ne sont pas un sujet sur lequel on peut faire de la politique en Pologne en 1989. Cela illustre bien la maturation de nos élites politiques. La Pologne n’est pas une menace pour ses voisins mais au contraire, elle se veut productrice de sécurité.
Pays de l’Europe centrale, la Pologne participe aussi aux initiatives régionales telles que le Conseil des pays de la mer Baltique, le Groupe de Visegrad, le Partenariat régional, l’Initiative centre-européenne. Grâce à cette expérience, nous pouvons contribuer à la politique européenne de stabilisation régionale. La coopération avec nos voisins constitue également un instrument de promotion et du renforcement des standards européens de démocratie et des droits de l’homme, à travers l’expérience de la transformation de pays nouveaux membres.
La contribution stratégique de la Pologne à l’Union européenne
C’est pourquoi la Pologne s’inscrit pleinement dans le projet de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), approuvée par les partenaires le 12 décembre 2003 au Sommet de Bruxelles. La Pologne partage les préoccupations du président Jacques Chirac : « il faut donner à l’Europe de la défense des moyens à la mesure des défis… L’autonomie stratégique de l’Europe doit reposer sur une analyse commune des menaces et l’identification des moyens d’y répondre ». La Pologne entend contribuer activement à l’aboutissement de ce projet. Nous étions engagés dans les travaux de la Convention et nos amendements ont été souvent acceptés par les partenaires. Les Polonais ont participé à la mission militaire de l’Union européenne Concordia en Macédoine. Nous contribuons considérablement à la mission de police en Bosnie-Herzégovine. Nous voulons, en tant que membre de l’Union européenne, participer à la relève de la Sfor en Bosnie-Herzégovine. Actuellement, presque 4 000 Polonais participent aux différentes missions en cours, soit : 2 500 hommes en Irak, 100 en Afghanistan, 500 au Kosovo, 300 en Bosnie, 240 observateurs au Liban et 360 dans le Golan.
La Pologne et la PESD
J’aimerais maintenant évoquer deux aspects de la Politique européenne de sécurité et de défense.
Premièrement, l’Europe doit se doter des capacités et des moyens de réaction rapide en cas de crises, afin de défendre des intérêts définis ensemble, par tous les membres de l’Union européenne. Cette dernière est, de façon légitime, un acteur majeur et ambitieux sur la scène internationale. Son projet de PESD doit donc être réalisé afin qu’elle soit crédible et efficace ; qu’elle puisse d’une façon autonome, intervenir au maintien de la paix et des valeurs de l’Union, à la prévention des conflits et au renforcement de la sécurité internationale, là où l’Otan ne veut ou ne peut agir. Une telle Union va contribuer au renforcement du partenariat stratégique avec les États-Unis. Il est indispensable de retrouver la notion de force et d’efficacité, mais accompagnée du sentiment d’un véritable lien transatlantique. Pour comprendre notre point de vue je voudrais rappeler que la vision polonaise de la défense reste différente de celle de la France. La France, avec ses ambitions de jouer un rôle primordial dans la politique globale, dispose des instruments indispensables, parmi lesquels les forces de dissuasion nucléaire, qui lui donnent un sentiment d’indépendance dans le domaine de la sécurité. Pour la Pologne, la défense collective reste le garant le plus important de la sécurité.
Deuxièmement, la Pologne, avec son potentiel et son expérience, a l’ambition d’être un partenaire créatif de la politique européenne de défense. C’est pourquoi nous voulons participer activement aux projets réalisés dans le cadre de la PESD, tels que la coopération structurée, l’Agence de l’armement, les groupements tactiques, le Collège européen de sécurité et de défense. Avant de devenir membre de l’Union européenne nous avions déjà proposé notre contribution au projet European Headline Goal. Malheureusement, nous n’avons jamais reçu de réponse de la part de l’Union européenne. Afin d’être un partenaire solide, la Pologne réalise un effort important dans la transformation et la modernisation de ses capacités nationales.
Les citoyens des dix nouveaux pays membres se prononcent pour une Union européenne forte et des institutions et des politiques communautaires solides, puisqu’elles peuvent assurer la solidarité matérielle et politique dont ces pays, éprouvés par l’histoire, ont tant besoin. Tout en affirmant l’importance de l’Otan pour la sécurité de l’Europe, ils se prononcent pour l’armée européenne (d’après l’Eurobaromètre 2003, cette option est soutenue par 78 % de Polonais) et pour une politique étrangère indépendante (74 % de Polonais). Si l’Union cherche à rendre possible l’unité de l’Europe et la réalisation d’un projet politique européen, c’est auprès de ces nouveaux arrivants qu’elle pourra trouver le soutien et le souffle nécessaires.
La Pologne et la dimension orientale de la politique européenne (Ukraine, Moldavie et Fédération de Russie)
Chacun des acteurs régionaux dispose d’un large éventail d’action ainsi que de différentes possibilités de coopération avec ses partenaires internationaux. Ces forums sont très utiles afin d’identifier les problèmes régionaux susceptibles de déstabiliser l’Europe, comme la sécurité de ses frontières de l’Est et du Sud-Est. Il est important de développer, dans le cadre de l’Union, le dialogue avec ces forums régionaux. Dans le domaine de la politique régionale, la Pologne souhaiterait mettre l’accent sur la coopération transfrontalière et interrégionale qui favorisent la création des projets lancés par les collectivités locales et les ONG. Cela constitue un facteur important du processus de la création de la société civile. L’activité de la Pologne dans ce domaine a été appréciée par le Conseil et la Commission européenne.
Il faut noter que la discussion interne sur la participation de la Pologne dans le projet de l’Europe de la défense a été très constructive. À l’époque des transformations des années 1980, il n’était pas évident que la coopération avec les nouveaux pays à l’Est de la Pologne puisse se développer sans problème. Ainsi, s’agissant de l’Ukraine ou de la Lituanie, on pouvait craindre par exemple des désaccords sur le territoire et les minorités ; mais les élites politiques ont fait preuve d’une sagesse politique et d’une maturité historique. Ce succès nous a encouragés à participer activement à la création de la sécurité européenne.
La stratégie politique de l’Union européenne ainsi que ses relations avec les voisins doivent constituer l’élément additionnel de la PESD. L’un des défis de l’Union européenne élargie c’est la nouvelle politique de voisinage ; c’est-à-dire la construction, autour de l’Europe, de l’espace de stabilité, de paix et de prospérité. Le défi stratégique majeur pour la Pologne c’est l’Europe de l’Est. Nous sommes témoins d’un processus visant à définir l’avenir géopolitique et de civilisation de cette région. Pourtant le problème interne en Biélorussie, le conflit non résolu de la Transniestrie et enfin le déficit démocratique en Ukraine prouvent que la politique des Européens à l’égard de cette région n’est pas suffisamment efficace.
L’adhésion des nouveaux membres a engagé une réflexion sur le futur des relations avec les nouveaux voisins de l’Union ; on en trouve déjà son reflet dans le projet Wider Europe (3).
La Pologne estime que le complément de l’intégration de l’Europe de l’Est serait le partenariat durable avec la Russie ; profitable aussi bien pour l’ensemble de l’Union européenne qu’individuellement pour ses membres. La Pologne souhaite développer sa coopération avec la Russie en ce qui concerne les domaines d’intérêts communs.
L’intervention en Irak
La Pologne se manifeste comme partenaire important de l’Europe de la défense avec notre présence en Irak. C’est le conflit irakien qui a propulsé notre pays sur le devant de la scène internationale. Bien qu’il y ait eu des divergences sur l’intervention militaire, la Pologne a pris sa décision. Les structures juridiques, administratives et militaires, ainsi que les moyens logistiques de notre pays ont permis de prendre cette décision dans un délai très bref. Visiblement, « notre » secteur de 80 000 kilomètres carrés, à majorité chiite, composé des contingents de 24 pays, de 9 000 hommes, est efficacement commandé depuis presque un an par un général polonais. La coopération avec la population irakienne autour de notre zone est bonne et, ce qui est très important, ne provoque pas d’actes d’agression ni de vengeance. La présence de la Pologne est appréciée par les différents observateurs internationaux. Pourtant je me souviens encore du scepticisme français, voire de l’ironie de la presse française qui commentait notre décision. Aujourd’hui, notre expérience en Irak peut contribuer au projet européen. Le potentiel de la Pologne, pays qui va compter parmi les partenaires désirant construire l’Europe de la défense, a été évoqué par le ministre de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie, lors de sa dernière visite en Pologne les 2-3 mai 2004.
Conclusion
On voit bien que le rêve d’une Europe dont la sécurité serait éternellement assurée est depuis des siècles présent dans la pensée politique européenne. C’est un rêve entièrement légitime. Aujourd’hui la mise en œuvre du projet de la Politique européenne de sécurité et de défense connaît une dynamique extraordinaire. La Pologne se dote des instruments et des moyens lui permettant de participer pleinement à ce projet. Nous ne voulons pas rester un observateur passif. Nous avons l’ambition de devenir un partenaire créatif et crédible.
Questions
Vous n’avez pas évoqué dans votre exposé un problème qui semble pourtant essentiel pour l’avenir : l’Union européenne est bâtie sur l’entente franco-allemande. C’est une donnée qu’il faut prendre en compte. Il s’agit d’une réalité politique. Que pensez-vous du concept de coopération renforcée autour de l’Allemagne et de la France ? (4)
Personne ne conteste l’entente franco-allemande et son rôle moteur dans la construction européenne ; il faut seulement s’assurer que cette entente est bien tournée vers l’avenir. Car l’Europe ne se développe pas uniquement sur un axe Paris-Berlin. Par exemple, la Grande-Bretagne a aussi sa place et fait partie de ce noyau dur européen. En matière de politique de défense, la Grande-Bretagne et la France ont des capacités bien supérieures à la moyenne européenne. L’Allemagne n’a pas la même vision de la défense que la France et la Grande-Bretagne. Pour l’Allemagne, l’aspect militaire n’est pas un instrument politique, contrairement aux deux autres. En matière de politique de défense, l’Union européenne piétinera encore longtemps si des accords ne sont pas trouvés entre la France et la Grande-Bretagne.
En ce qui concerne les coopérations renforcées, il s’agit là d’une politique déjà acquise, et que soutient le gouvernement polonais. Désormais, le défi consiste à unir autour de cette politique des pays qui ont une vision différente de la défense. Il est nécessaire de veiller à ce que cette coopération renforcée reste au sein de l’Union européenne dans son ensemble et ne soit pas l’apanage d’un groupe restreint de pays.
Vous avez parlé d’une « communauté de destin États-Unis/ Europe » ; ce qui suppose aussi une communauté du pouvoir d’orienter ce destin ? À cet égard, êtes-vous satisfait de la façon dont il est conduit ? Comment le faire évoluer ?
La construction politique de l’Europe peut-elle amener à un rééquilibrage entre États-Unis et Europe ?
Enfin, pensez-vous que l’engagement de la Pologne en Irak est un premier pas vers la PESD ou plutôt qu’il s’agit d’un aboutissement qui, à terme, pourrait la gêner ?
La Pologne n’est pas satisfaite de la façon dont est dirigée la communauté de destin États-Unis/Europe. Les États-Unis sont une grande puissance qui ne se soucie pas des intérêts des autres puissances. Nous devons développer un débat afin qu’ils voient dans l’Europe un partenaire viable. C’est grâce à la construction d’une PESD efficace que les États-Unis et l’Europe pourront avec succès franchir ce cap.
Il faut que l’Union européenne soit capable d’agir. C’est seulement à partir de là qu’un rééquilibrage des forces entre l’Europe et les États-Unis sera possible.
L’engagement de la Pologne auprès de l’Otan est un renforcement de la PESD car il est nécessaire d’avoir plusieurs partenaires. L’expérience des Polonais en Irak et en Afghanistan ne peut que renforcer la PESD. La construction d’une défense européenne suppose dans un premier temps l’acquisition d’une expérience pratique. Or la meilleure expérience est toujours obtenue sur le terrain.
Quelle est la position de la Pologne en ce qui concerne les frontières européennes (entrée de la Turquie et de la Russie) ?
Quelle est en particulier la position actuelle de la Pologne envers l’enclave russe de Kaliningrad ?
L’élargissement de mai 2004 marque la réunification de l’Europe, mais elle doit maintenant regarder vers le Sud. La Méditerranée fait partie de l’Europe. Ne doit-elle pas trouver des solutions (proches de l’adhésion) pour ouvrir la coopération avec le Sud (notamment avec le Maghreb) ?
La Turquie se trouve depuis quarante ans dans un processus d’adhésion à l’Union européenne. Celle-ci a pris des engagements qu’elle doit honorer. Cependant, le problème réside dans la capacité des États candidats à opérer les changements internes indispensables, en particulier structurels pour l’entrée dans l’Union européenne, ce qui peut prendre du temps.
Quant à la Russie, il s’agit là d’un pays qui n’est pas demandeur pour intégrer l’Union européenne. Le moment n’est pas encore venu de traiter de son cas.
L’enclave de Kaliningrad a été, il y a deux ans, un sujet brûlant de l’actualité. Aujourd’hui, il s’agit d’un débat imposé. Des engagements ont été pris de la part de la Russie et de la part de l’Union européenne. La Pologne est le premier investisseur dans la région. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’enclave de Kaliningrad est un territoire russe et c’est donc à la Russie de trouver des solutions à ce problème.
La Russie et la Turquie doivent rester des partenaires de l’Union européenne. Prenons garde de ne pas pousser la Turquie vers l’islam.
La dimension méridionale de l’Union européenne, n’a pas été traitée dans l’exposé dans la mesure où c’est la dimension orientale de l’Europe qui intéresse d’abord la Pologne. Bien entendu, la Pologne ne conteste en aucun cas le caractère primordial de la dimension méridionale de l’Union européenne. Les divers instruments qui ont été mis en place en Europe centrale lors de la transition démocratique peuvent servir de modèle et s’appliquer au Sud. L’essentiel est d’avoir les capacités pour se modifier de l’intérieur et pour changer toutes les structures internes. L’Union européenne doit probablement repenser sa politique envers le Sud dans la recherche d’une plus grande efficacité.
La Pologne considère-t-elle que la politique de défense est une question de souveraineté nationale ou pense-t-elle que cette politique doit être un pilier communautaire à part entière ?
Où se situe la Pologne dans la vision qu’elle a de la politique de défense ? Partage-t-elle la vision française ou la vision allemande ?
La Pologne a adopté le Traité constitutionnel. C’est donc une question tranchée. La politique de défense requiert l’unanimité dans les décisions d’orientation et la majorité qualifiée dans certains cas. La question est maintenant de savoir comment s’appliqueront ces règles à l’entrée en vigueur, prévue pour 2009, sans attendre cette date pour s’y préparer. La Pologne souhaite que des engagements et des contributions communes soient pris dans le cadre du triangle de Weimar (5).
Par ailleurs, la Pologne n’a pas les mêmes traditions historiques que la France, la Grande-Bretagne ou même l’Allemagne, mais elle se situe peut-être plus dans la vision allemande concernant les engagements militaires. Ce raisonnement s’appuie sur l’idée que, si un pays n’a pas les moyens, ni les appuis nécessaires dans la société, pour déployer des forces dans le monde, alors il ne doit pas s’engager. Il faut rester prudent. C’est un raisonnement personnel.
Que pensez-vous des chances d’approbation de la Constitution par le peuple polonais ?
L’approbation de la Constitution européenne s’avère être un problème beaucoup plus délicat que la conférence intergouvernementale elle-même ! C’est un problème qui touche autant la France que la Pologne. Pour le moment, les autorités polonaises ne se sont pas encore prononcées sur le mode de ratification référendaire ou parlementaire de la Constitution. Pour la Pologne, il y aurait beaucoup plus d’avantages à passer par le mode parlementaire dans la mesure où cette Constitution est très difficile à expliquer à la population.
Pensez-vous que, pour les Peco, l’accès à la monnaie unique se fera en bloc ou successivement ?
L’adhésion à la zone euro ne se fera pas d’un bloc. En effet, chaque pays a pris ses propres engagements sur la manière de préparer ses finances publiques. Pour la Pologne, l’accès à la zone euro se situe vers 2010.
L’adhésion à la zone euro constitue en Pologne un débat important. L’entrée dans la zone euro soumet les pays à de nombreuses règles drastiques. On peut se demander s’il ne vaut pas mieux, dans un premier temps, stimuler la croissance nationale afin que la Pologne augmente son volume économique et qu’elle entre ainsi plus forte dans la zone euro. ♦
Propos recueillis et synthèse réalisée par Bertranne Fraisse
Initiatives régionales auxquelles participe la Pologne
Conseil des États de la mer Baltique (CEMB)
Composé de 11 pays : Allemagne, Danemark, Estonie, Finlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pologne, Russie, Suède et Commission européenne.
Lancé en 1992 par l'Allemagne et le Danemark, il regroupe des pays proches de la Baltique situés à l'Est et à l'Ouest de l'Europe, afin de coordonner une coopération régionale d'abord économique, puis politique.
Le Groupe de Visegrad (V4)
Composé de 4 pays d'Europe centrale : Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Hongrie.
Historiquement, le groupe de Visegrad trouve son origine en 1335, lorsque les rois tchèque, polonais et hongrois se rencontrèrent dans la ville hongroise de Visegrad.
Le V4 moderne a commencé lors d'un sommet des chefs d'État ou de gouvernement de Tchécoslovaquie, Hongrie et Pologne dans la ville de Visegrad le 15 février 1991, afin de mettre en place des coopérations entre ces trois États (qui allaient devenir quatre avec la partition de la Tchécoslovaquie), en vue d'accélérer le processus d'intégration européenne.
Partenariat régional
Résultat d'une rencontre, à Vienne, entre les ministres des Affaires étrangères de six pays centre-européens : Autriche, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Slovénie et République tchèque. Le projet du partenariat régional est né sur la proposition de l'Autriche qui, dans la première étape, veut soutenir cinq pays candidats sur leur chemin vers l'Union européenne et, dans la deuxième étape, développer la coopération régionale au sein de l'Union.
Initiative centre-européenne (ICE)
Composée de 17 pays : Albanie, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Biélorussie, Croatie, Hongrie, Italie, Macédoine, Moldavie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Ukraine et Yougoslavie.
Initiée par l'Autriche, la Hongrie, l'Italie et la Yougoslavie en novembre 1989 à Budapest sous le nom d'Initiative quadrilatérale, dans le but de faciliter la transition en Hongrie et en Yougoslavie, elle s'est élargie à l'Est à partir de 1990, et prend le nom d'Initiative centre-européenne en 1992, pour une coopération politique, technique, économique et culturelle.
(1) Extrait du discours prononcé le 21 août 1849 lors du Congrès de la paix.
(2) Entretien d’un Européen avec un insulaire du Royaume de Dumocala, 1752.
(3) NDLR - Titre du texte de la présidence grecque traitant des perspectives européennes après l’élargissement (www.eu2003.gr/en/articles/2002/12/19/1281).
(4) Les questions ont été regroupées et synthétisées, de même que les réponses de M. Tombinski.
(5) Lancée en 1991, la relation dite du triangle de Weimar exprime la volonté d’associer la France à la réconciliation germano-polonaise, en raison de la référence que constitue la réconciliation franco-allemande. Le triangle de Weimar a donné lieu depuis lors à des rencontres annuelles des ministres des Affaires étrangères.