L'Armée de terre
Le succès que remportent les colloques organisés par le club « Participation et Progrès », que dirige Pierre Pascallon, ne se dément pas. On y fait salle comble, on y refuse du monde ! Ainsi en alla-t-il pour celui-ci, tenu à Paris en avril 2004 et dont ce livre regroupe les actes. Après la Marine et l’Armée de l’air, voici l’Armée de terre, et le troisième tome d’un ensemble, Les armées françaises à l’aube du XXIe siècle ; 47 intervenants ont animé le colloque.
La première partie de l’ouvrage traite de la stratégie. C’est peu de dire que celle-ci a évolué : elle est en révolution. Le général Duburg, qui œuvre à la Délégation aux affaires stratégiques (Das), constate que « la guerre n’est plus un moyen rationnel de la politique ». Xavier Raufer peint le nouveau visage de la menace : floue, multiforme, elle est plus inquiétante que la bonne grosse menace d’antan, encore que celle-ci fut infiniment plus prodigue en massacres que ne l’est celle-là. Le général Bezacier, maître ès doctrine, rappelle que le politique, toujours, commande au militaire, que l’irruption armée est facile et brève, la stabilisation difficile et longue. Une fois de plus, le principe est aisé, l’art difficile. On ne voit pas, ainsi que l’ont souligné plusieurs intervenants, que la lucidité du politique se soit affirmée au Kosovo, dans l’Est du Congo, ou en Côte d’Ivoire. Les militaires y ont fait leur travail… Et après ? Question désagréable mais pertinente que le militaire, à la veille de son engagement, se doit de poser au politique. On se souvient, non sans amertume en pensant à l’Irak, que cette question est au cœur de ce qu’on a appelé la doctrine Powell, du nom du Secrétaire d’État américain de l’époque.
La deuxième partie présente les « capacités ». On notera, au passage, l’efficacité de nos forces « prépositionnées » dans cinq bases judicieusement disposées, à Dakar, Abidjan, Libreville, N’Djamena et Djibouti.
Dans la troisième partie, on examine les ressources humaines (expression vicieuse par laquelle on désigne aujourd’hui les personnes). La tâche n’est pas mince, pour recruter une armée de professionnels. Elle ne s’arrête pourtant pas là : la « fidélisation » des recrutés, puis leur reconversion, demandent d’autres efforts. Ainsi apprend-on que la Défense doit payer durant trois années ceux de ses libérés qui sont au chômage.
La conclusion est plus qu’une conclusion : c’est l’avenir de l’Armée de terre que l’on imagine. L’évolution prévisible des équipements fait rêver. Le projet le plus spectaculaire est sans doute le Félin, combinaison des multiples prothèses indispensables au fantassin de demain. Manquent ici deux précisions : quel est le poids de cet appareillage, est-il supportable sous un climat torride ? La postface du général Thorette, chef d’état-major de l’Armée de terre, est celle d’un vieux troupier retour à l’humain… le plus humain. ♦