1 000 devises de l'Armée de terre
Certains collectionnent les tabatières ou les boîtes de camembert. Le major Faou, qu’on imagine obstiné puisqu’on ne peut trouver nom plus breton, a mis à profit son poste au Service historique de l’Armée de terre (SHAT) pour collectionner, lui, les devises des unités grandes et petites de l’Armée de terre. Il les présente en deux parties, la première classée par armes et services, la seconde (moins pratique à consulter, sauf pour les philologues) par ordre alphabétique. L’auteur a fouillé les tiroirs pour en extraire des formations enfouies dans la mémoire, occasion de se souvenir de la « 536e compagnie supplétive militaire » et de rendre hommage à ceux qui combattirent dans leurs rangs, et pour certains y laissèrent leur vie.
Qu’en dire, après qu’un professeur à la Sorbonne ait tout dit ? Jacques Frémeaux montre en particulier la signification de la devise, à la fois rattachement au passé et affirmation d’une personnalité collective. Il y découvre souvent « une pointe de jactance », et aussi le fait que « la plupart sont très conventionnelles ». En somme, estime le préfacier universitaire, on aurait pu trouver mieux. Il est vrai que certaines devises ne manquent pas de prétention, comme l’« Invincible » du 19e RI et que d’autres sont vraiment valables, pour employer l’expression classique, pour la durée de la guerre et au-delà, comme le « Toujours partant » du 1er BCP (Bataillon de chasseurs à pied). Si on adopte parfois un ton familier, à l’instar du « Et roule Albert » en honneur au 2e RIC (Régiment d’infanterie coloniale), l’humour est assez rare, à l’exception du maniement du calembour dans « je panse donc je suis » des muletiers ou « Les Halles bardent » d’un dépôt de munitions. Quant au « Trom Xua Snoc », cri de ralliement au 8e Rpima (Régiment parachutiste d’infanterie de Marine), laissons le lecteur en deviner la clé !
Allons, ne soyons pas trop sévères pour nos devanciers qui ont inventé ces devises, en les puisant fréquemment à partir d’un fait d’armes ancien ou du vocabulaire des troupiers. On déniche des styles, la rigueur de la Légion, le panache des cavaliers et – allez savoir pourquoi – le goût des dragons pour le latin. Cette langue dite morte est pourtant souvent mise à contribution, au point de s’apparenter parfois au texte d’une version pour élève des classes littéraires : accrochez-vous à votre Gaffiot pour traduire le langage de cette compagnie mixte des essences : « Salamandra Auxilium et Miles Nutrisco Et Extinguo » ! Ailleurs, on emploie plus modestement le breton ou la langue d’oc, ou bien il arrive qu’on invoque Allah. N’alourdissons pas le présent texte par trop de longues citations, mais on sait aussi rester sobre, témoin le « Et toc » d’un bataillon de chars de combat.
Hélas, il ne faut pas confondre devise et refrain. Dommage pour les chasseurs, mais il est vrai que Lavauzelle n’est pas spécialisé dans les ouvrages égrillards. ♦