Le général Paul Arnaud de Foïard, fidèle auteur de la revue, est mort cet été. La rédaction a jugé opportun de publier l’hommage prononcé par le général Georges Longeret à ses obsèques le 10 août 2005.
In memoriam - Paul Arnaud de Foïard
In memoriam - Paul Arnaud de Foïard
Mon général, mon cher Paul,
En ce jour à la fois douloureux et porteur d’espoir de l’adieu, c’est pour moi un honneur et une fierté de retracer l’exceptionnelle carrière qui a été la tienne et que j’ai pu connaître à ses débuts.
Tu étais étudiant à Nîmes, préparant le concours d’entrée à l’École spéciale militaire Saint-Cyr lorsque tu es entré dans la Résistance et as décidé de rejoindre l’Afrique du Nord en 1942. À la sortie de l’École militaire de Cherchell, nommé aspirant, tu choisis de servir au Régiment de Marche de la Légion étrangère. Affecté au 3e Bataillon, tu participes comme chef de section au débarquement en Provence de la 1re Armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny. Dès les premiers engagements devant la trouée de Belfort, tu es blessé et cité. Très vite, tu te révèles un magnifique combattant, à la fois exemplaire et entraîneur pour tes légionnaires, mais aussi manoeuvrier et plein de sang froid face à un ennemi qui se bat farouchement sur chaque position. À la fin de la campagne d’Allemagne, tes faits d’armes sont soulignés par l’attribution de trois nouvelles citations à l’ordre de l’Armée et de la Médaille militaire.
Après un stage à Coëtquidan, tu reviens au Régiment, devenu entre-temps le 3e Régiment étranger d’infanterie et dirigé au Maroc sous les ordres du prestigieux colonel Olié. Nous nous retrouvons au 3e Bataillon qui se prépare à partir pour l’Indochine où il débarque début juin 1946.
Chef de section à la 11e compagnie basée à Sadec, tu opères dans une région aquatique, où les bandes vietminh sont très agressives, harcelant les postes et les convois avec toujours plus de mordant.
Le 22 janvier 1947, alors que tu participes à l’escorte d’un convoi, ce dernier tombe dans une très forte embuscade. Malgré deux blessures, tu parviens, grâce à ton indomptable énergie, à tenir tête et à échapper aux assaillants jusqu’à l’arrivée des renforts. Le 14 juillet 1947, tu es promu chevalier de la Légion d’Honneur. En septembre, notre bataillon rejoint le Tonkin où il tient pendant huit mois les postes du sous-secteur de Gialam, à l’ouest d’Hanoi, tout en participant à des opérations dans le delta du fleuve Rouge. Début 1948, tu es volontaire pour servir à la première compagnie parachutiste de Légion étrangère en Indochine, mise sur pied par le Régiment et placée sous les ordres du lieutenant Morin. À la tête de la 1re section, tu participes à plusieurs interventions, en particulier sur la Route coloniale n° 4. Tu es à nouveau cité pour l’assaut d’un village fortifié le 16 mai 1948. Mais, peu après, une sérieuse alerte médicale déclenche ton rapatriement sanitaire.
Grâce aux soins appropriés, à ta robuste constitution et à ton moral élevé, tu peux reprendre le service en 1952. Tu es alors nommé capitaine à la tête d’une compagnie d’instruction du 1er Régiment étranger d’infanterie, à Sidi-Bel-Abbès, où tu prends ensuite les fonctions de rédacteur en chef de Képi Blanc pendant un an. En 1955, tu rejoins le 4e Régiment étranger d’infanterie au Maroc. Tu commandes une compagnie qui devient la 6e compagnie portée, engagée dans des opérations au Maroc et en Algérie qui te valent deux nouvelles citations à l’ordre du Corps d’armée. Instructeur à l’École spéciale militaire en 1955, tu es admis à l’École supérieure de guerre en 1960. Tu reviens à la Légion étrangère en 1962, puis, après un court séjour à l’état-major de l’Armée de terre, tu reçois le commandement du 2e Régiment étranger de parachutistes de 1965 à 1967.
Promu général de Brigade en 1973, tu commandes ensuite la 1re Brigade parachutiste pendant deux ans. Affecté au Secrétariat de la défense nationale, tu reviens aux troupes aéroportées en 1976 pour assumer le commandement de la 11e Division parachutiste et de la 44e Division territoriale à Toulouse. Enfin, nommé général de corps d’armée, tu prends la direction de l’Enseignement militaire supérieur de l’Armée de terre. Tu quittes ce poste en septembre 1981, admis en 2e section après 39 années de service. Tu es alors élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur.
À ce moment de ta carrière, loin de « poser le sac », tu multiplies tes activités. Tu peux enfin t’occuper pleinement de ta famille et aménager le domaine du Lavaÿ où tu as choisi de t’installer, ici à Nérac. Tu peux aussi trouver le temps d’approfondir des questions qui t’intéressent depuis longtemps : les problèmes généraux de défense, ceux de notre société en devenir, de l’intégration européenne, de la mondialisation. En outre, une intense quête spirituelle te conduit à développer ta culture chrétienne et l’étude des autres religions. Mais tu ne te contentes pas d’étudier et de réfléchir, tu mets en forme ta pensée dans de nombreux articles publiés principalement dans une publication de haut niveau : la revue Défense Nationale (1).
Ainsi mon général, non seulement tu as été un magnifique soldat qui a su devenir un chef brillant, formé à l’école du général Olié, mais tu n’as pas cessé de t’exprimer sur les problèmes de notre temps. Tu es aussi resté très fidèle à tes anciens camarades, en particulier au sein de l’association des Médaillés militaires, de celle des anciens du RMLE/3e REI, de l’Union nationale des parachutistes et de l’amicale des Légionnaires parachutistes. Tes éminents services ont été soulignés par ton élévation à la dignité de Grand Croix de l’Ordre national du Mérite en 1996. Il y a trois mois, tu avais l’insigne honneur de porter la main du capitaine Danjou lors de la cérémonie de Camerone à Aubagne.
Mon cher Paul, au nom de tous tes camarades, particulièrement ceux de la Légion étrangère et ceux de notre promotion de Saint-Cyr, la Veille au Drapeau, je t’adresse un au revoir ému et fraternel. J’exprime aussi à ton épouse, Catherine, à tes enfants et petits-enfants, toute notre affection dans votre épreuve. Pour ta famille et tes amis, tu resteras présent dans nos pensées et dans nos cœurs. Sur les routes de l’avenir, tu demeureras un compagnon dont le souvenir sera une lumière et un réconfort. ♦
10 août 2005, Église Saint Nicolas de Nérac
(1) Octobre 1973 : « Armement nucléaire tactique et dissuasion » ; mai 1980 : « Autres propos sur la dissuasion nucléaire » ; décembre 1980 : « Autres propos sur la dissuasion : l’avenir » ; octobre 1987 : « La dissuasion, mythes et réalités »; juillet 1988 : « Évolution du métier des armes » ; janvier 1990 : « Le serpent de mer du service militaire » ; mai 1991 : « D’une défense à l’autre » ; décembre 1997 : « De la mise sous tutelle de l’Europe » ; novembre 1999 : « Libéralisme et humanisme » ; mai 2001 : « Lettre ouverte à nos amis américains » ; mai 2002 : « Délabrement de la défense nationale » ; mars 2003 : « Spiritualité et mondialisation » ; juillet 2003 : « Irak : urgences d’après-guerre » ; décembre 2003 : « Agonie d’une civilisation ».