La Grande Muraille nucléaire du IIIe millénaire - Les remparts de la liberté
La Grande Muraille nucléaire du IIIe millénaire - Les remparts de la liberté (préface d'Hubert Védrine)
Voici un vibrant plaidoyer en faveur de la défense antimissiles. Le plaideur n’est pas le premier venu. Bernard Lavarini fut conseiller du Premier ministre de 1997 à 2002 et directeur de la prospective chez Thomson-CSF. Concepteur de la première arme laser française, le laser est son truc, truc prodigieux. C’est à la « Grande Muraille » américaine que son livre renvoie, beau modèle. La présentation de ladite muraille est en deux temps : le pourquoi, le comment.
Le pourquoi, c’est, bien sûr, la menace, grossie à la loupe de « l’obsession » sécuritaire, qui ne saurait tolérer que l’île américaine soit prise pour cible. Deux sortes d’ennemi : les petits pays nucléaires, soit quelque quarante possibles, dont éventuellement quelques fous ; les « colosses asiatiques », Chine d’abord, Inde ensuite. Face à ces menaces, la perspective de l’apocalypse nucléaire n’est pas opératoire, disproportionnée et amorale. D’où le projet, non plus de remplacer la menace nucléaire par la défense antimissiles, mais de combiner dissuasion par représailles et dissuasion par empêchement, glaive et bouclier. C’est ce dernier qu’on nous présente, le comment après le pourquoi.
L’idée du bouclier n’est pas nouvelle. Le président Reagan l’a poussée à l’extrême, lançant en mars 1983 son Initiative de défense stratégique (IDS). L’Initiative visait à contrer une attaque de 1 000 missiles, et 10 000 ogives protégées par un million de leurres. L’auteur était bien placé pour suivre le débat que l’IDS a soulevé en France. Ni François Miterrand, ni Jacques Chirac (celui-ci après volte-face) n’ont suivi les Américains dans cette voie. Aussi bien ceux-ci sont-ils revenus à de plus modestes ambitions. Aujourd’hui, c’est à une attaque de 20 missiles qu’on se propose de faire face ; mais l’hypothèse d’avenir reste de neutraliser une salve de plusieurs centaines d’armes.
C’est dire que l’entreprise reste gigantesque. L’auteur nous la décrit en détail. Des trois phases de la trajectoire d’un missile assaillant (propulsion, postpropulsion, atterrissage), la première est celle où il est le plus vulnérable. Encore faut-il l’attaquer à partir de l’espace, et vite (l’adverbe est faible) : c’est le domaine propre du laser. Les programmes américains sont ici très clairement exposés. L’ensemble des satellites guetteurs devraient être opérationnels en 2011. Les satellites tueurs, que Bernard Lavarini appelle « forteresses armées » seront au nombre de 24 ; les énormes problèmes que pose leur mise au point, notamment en matière d’optique, pourraient être résolus en 2020. Le système intégral devrait être en place en 2025.
Et la France, et l’Europe ? L’effort à consentir n’est pas à la portée de la France seule. Pourtant, le flou qui entoure actuellement la doctrine dissuasive française incite à doubler notre petit glaive d’un solide bouclier ; mais celui-ci doit être européen. Nos alliés ne sont pas prêts à accepter la protection de notre arme nucléaire ; leur proposer la réalisation commune d’une défense antimissiles pourrait être un moyen de les apprivoiser et d’ouvrir la voie à l’Europe puissance que l’auteur appelle de ses vœux. Question majeure : combien ça coûte ? Réponse : 500 euros à payer par chacun des 450 millions d’Européens. Est-ce peu, est-ce beaucoup ? À vous de juger. ♦