Cet article est une suite logique aux réflexions de l’ingénieur en chef de l’armement Laurent Barthélémy, exposées dans le texte précédent.
Stratégies navales et programmes de navires de combat
L’évolution du contexte géostratégique conduit la plupart des pays du monde, et spécialement les puissances grandes ou moyennes, à redéfinir leur posture de défense. Dans l’article précédent, Laurent Barthélémy résume les grandes tendances que l’on peut actuellement observer dans l’évolution des stratégies navales en se limitant volontairement aux cas des États-Unis, de la Russie et de la France. Nous nous sommes fixé comme objectif de prolonger cette réflexion en essayant d’identifier et de décrire de manière très simple, voire élémentaire, les conséquences les plus importantes, sinon les plus probables, qu’il est possible de discerner concernant les programmes de navires de combat.
Nous évoquerons tout d’abord la problématique générale des programmes d’armements futurs, en mettant en évidence la spécificité de ceux concernant les navires. On résumera ensuite les invariants, mais aussi les nouvelles données sur les besoins, puis les conséquences sur l’orientation des grands choix, ainsi que sur l’évolution technique des différents types de navires. On essayera enfin de dégager certaines lignes de conduite dans la préparation des décisions de lancement et les méthodes de management des programmes concernés. Par ailleurs, compte tenu de l’étendue du sujet, nous nous concentrerons essentiellement sur les questions telles qu’elles se posent actuellement à la France, encore qu’il soit évidemment possible de généraliser sans difficulté la plupart d’entre elles.
La problématique d’aujourd’hui des programmes d’armements futurs
La démarche rationnelle voudrait que soit d’abord définie la politique de défense, puis les missions des différentes armées, enfin les moyens humains et matériels pour remplir ces missions. Dans la pratique, la mise en application de ce schéma de référence se heurte à des difficultés considérables ; au-delà des itérations nécessaires mettant en jeu différents domaines (politique, stratégique, opérationnel, technique, économique…), c’est bien la dimension temporelle qui constitue l’obstacle majeur : la phase de développement d’un programme d’armement complexe s’étend couramment sur dix ans, celle d’utilisation sur vingt ans, voire plus. Il n’est pas faux de prétendre que, en moyenne, les armements actuellement en service dans le monde ont été conçus il y a vingt ans ; d’où l’importance de ce que l’on dénomme couramment la prospective technico-opérationnelle (PTO), destinée à fournir aux autorités les éléments permettant de prendre à chaque instant les décisions optimales dans l’orientation des études et des programmes, tout cela dans un contexte de pression budgétaire : la disparition de l’affrontement Est-Ouest pousse les opinions publiques à réclamer « les dividendes de la paix », alors même que les facteurs d’instabilité tendent à s’aggraver de par le monde, rendant les menaces plus incertaines et plus diffuses.
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