Il y a un an, l'auteur, qui connaît parfaitement le Japon dont il parle la langue, nous avait informés sur l’évolution de la diplomatie de ce pays. Ici, il aborde le thème encore plus délicat qu’est la politique de sécurité du Japon ; il résume ces réflexions par la formule, à notre avis heureuse : « réponses d’hier, interrogations d’aujourd’hui, questions de toujours ». En fait, il faut bien être conscient qu’avec 1 % de son PNB, le pays du Soleil Levant a un budget militaire équivalant presque à celui de la France.
Le Japon et sa défense
« Il n’existe aucun lien nécessaire entre la géographie des États et leur comportement international, il n’en demeure pas moins que des rapports existent et qu’ils peuvent aider à comprendre leurs actions extérieures » (1). Placé dans un contexte géopolitique particulièrement difficile, le Japon n’est pas épargné par les inquiétudes. Il oppose son homogénéité de « nation tribu » et de « société État » aux trois mastodontes qu’il a, aux XIXe et XXe siècles, affrontés dans la guerre. Il garde ses distances vis-à-vis d’une Chine continentale dont il craint les espaces et les profondeurs. Celle-ci, civilisation mère, jalouse le Japon, fils ambitieux, devenu bien encombrant en raison même de ses succès, alors qu’elle aurait bien voulu le réduire à l’état d’apanage. Il jouxte les immensités sibériennes d’une Russie en proie à de graves désordres et avec laquelle il entretient des relations malaisées et sporadiques : dialoguer avec un Russe correspond, selon un adage nippon, « à grimper dans un arbre cueillir des poissons ». Le Japon mène avec les États-Unis, après une guerre féroce et une paradoxale lune de miel, la vie d’un vieux couple, traversée de psychodrames ; il a trouvé dans l’Amérique son contraire et sa complémentarité.
Le pays du Soleil-Levant est au cœur d’une zone de conflits potentiels : la péninsule coréenne divisée en deux, Hong Kong bientôt rattachée à la Chine continentale, enfin Taiwan que cette dernière, appuyée sur sa conception d’« une seule Chine », entendait absorber. Les convulsions possibles de pays déshérités, des Philippines au Bangladesh, constituent également autant de menaces sur ses voies de communications maritimes. L’archipel est encore hanté par les images de la défaite de 1945, celles d’un Japon sorti tout droit de l’enfer de Dante, exsangue. Il était expansionniste, militariste et implacable ; le rictus guerrier évoquait la transgression nippone dans la violence et la déviance et traduisait aussi ce qu’il avait de plus dur et de détestable dans l’orgueil et l’ethnocentrisme. Ce Japon autoritaire n’est plus ; il est, depuis cinquante ans, un membre de la « communauté des nations de démocratie effective » (2) qui, n’ayant pu ou voulu traduire son pacifisme institutionnel en neutralisme, ne pourra éluder la forme et le rôle qu’il entend assigner à ses forces armées.
Deux principes, trois règles : un pacifisme irréversible ?
Les principes figurent dans l’article 9 de la Constitution démocratique de 1946 : la renonciation à la guerre interdit tout recours à la force et au réarmement. Certains s’interrogent toutefois sur l’authenticité et la pérennité du ralliement du pays du Soleil-Levant à ces principes qui demeurent l’expression de la défaite et d’une volonté étrangère. Pour les armes nucléaires, l’archipel s’en tient à trois règles : « non-fabrication, non-possession et non-introduction » qui traduisent son aversion bien compréhensible envers ce type d’armes.
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