Politique et diplomatie - La politique extérieure yougoslave après les entretiens de juin
Dans la compétition à laquelle se livrent l’Occident et le monde soviétique, deux résultats auront une importance décisive. Le premier : quel sera le degré de cohésion politique, de stabilité économique, d’équilibre social que conserveront, au cours des années, l’un et l’autre bloc. Le second : quel sera le succès rencontré par l’une et l’autre coalition dans la partie que chacune s’efforce de gagner en emportant l’adhésion des gouvernements et des peuples qui n’ont pas encore choisi de se ranger dans l’un des deux camps. L’enjeu que constitue la masse des populations dont les gouvernements prétendent demeurer dans une position intermédiaire est important : presque toute l’Asie du Sud-Est (Afghanistan, Inde, Birmanie, Indonésie) ; une bonne partie des pays du Proche-Orient et, virtuellement, certains des États indépendants d’Afrique noire ; en Europe, enfin, la Yougoslavie, dont nous analyserons, en fonction des événements récents, la politique extérieure.
Deux rencontres internationales ont, à nouveau, porté l’attention sur l’attitude de la Yougoslavie. Le 2 juin, était publié, au terme d’entretiens soviéto-yougoslaves, un communiqué dont toutes les capitales ont souligné l’importance. Le 27 juin, un autre communiqué était publié à Belgrade, à la suite d’une conférence qui, depuis le 24, réunissait les trois ambassadeurs de France, des États-Unis et du Royaume-Uni et le Sous-Secrétaire d’État aux Affaires étrangères de la République Fédérative de Yougoslavie, M. Prica.
Analysons d’abord ce dernier communiqué : L’échange de vues entre le Ministre yougoslave et les trois ambassadeurs « s’est déroulée dans une atmosphère de cordialité et de confiance mutuelle ». Il semble que ce ne soit pas là simplement la formule habituelle utilisée dans de tels communiqués. Les relations entre la Yougoslavie et les Occidentaux restent placées sous le signe de la confiance réciproque. Le communiqué poursuit que les quatre gouvernements ont reconnu que les problèmes internationaux en suspens devaient être résolus au moyen « de solutions pacifiques basées sur le respect et la reconnaissance du droit de tous les États à l’indépendance, à l’égalité, à leur propre défense, individuellement et collectivement, en conformité avec la Charte des Nations Unies ». L’indépendance et l’égalité mentionnées ici, sont les principes fondamentaux affirmés par le communiqué publié à l’issue de la conférence de Bandœng le 24 avril dernier. Ils l’avaient été auparavant par la déclaration commune de la Chine et de l’Inde du 28 juin 1954, qui énonçait cinq principes de coexistence et ils ont été repris dans le communiqué soviéto-yougoslave du 2 juin, puis dans la déclaration commune que M. Nehru et le maréchal Boulganine ont signée le 22 juin à Moscou. La reconnaissance du « droit des États à leur propre défense individuelle et collective » conformément à la Charte des Nations Unies, est, de la part de la Yougoslavie, une affirmation nouvelle de la légitimité de l’alliance militaire balkanique fondée sur le droit de défense individuelle et collective. L’article 5 du Traité de l’Atlantique nord, signé à Washington, le 4 avril 1949, se réfère également à l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui constitue le cadre juridique dans lequel doit jouer l’assistance collective organisée par le Traité. L’article 51 de la Charte prévoit que, dans le cas où un membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de Sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales, les États intéressés peuvent exercer le droit de légitime défense individuelle ou collective. Cependant la Yougoslavie persiste à considérer l’OTAN comme un bloc idéologique auquel elle se refuse à adhérer. Le « droit de chaque nation de se défendre individuellement ou collectivement », conformément, à la Charte des Nations Unies, est également affirmé dans le communiqué final de la conférence Afro-asiatique de Bandoeng. C’est le cinquième des dix principes sur lesquels s’est accordée la Conférence. Toutefois la conférence de Bandoeng ajoutait immédiatement un sixième principe ainsi conçu : « Refus de recourir à des arrangements de défense collective destinés à satisfaire les intérêts particuliers des grandes puissances quelles qu’elles soient. » Une telle réserve ne figure pas dans le communiqué du 27 juin.
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