L'Europe doit-elle avoir une politique arabe ?
L’attitude des Européens à l’égard des Arabes et de la moderne « Question d’Orient » est dans l’ensemble plus passionnelle que rationnelle. Plus que les intérêts véritables de l’Europe d’aujourd’hui, ce sont encore des réminiscences historiques et des préjugés qui dictent les réactions de l’opinion publique européenne. Les Allemands ont à l’égard du peuple juif un compréhensible complexe de culpabilité qui ne peut pas ne pas influer sur leur politique à l’égard de l’État d’Israël. La guerre d’Algérie, qui a conduit des millions de jeunes Français à considérer l’Arabe comme un ennemi potentiel, a laissé dans leur âme de déplorables séquelles. Comme les Français, les Britanniques ont éprouvé l’humiliation dans laquelle s’est terminée pour leur corps expéditionnaire l’équipée de Suez. Avant même les Français, les Italiens ont expérimenté en Libye l’amertume d’une décolonisation manquée. Les Hollandais pour leur part se souviennent que le réveil islamique a joué un rôle décisif dans la perte de leur empire d’Insulinde. Les Belges eux aussi ont un passé de colonisateurs qui ne les prépare guère mieux que les autres Européens à entendre avec sympathie les considérations anticolonialistes et anti-impérialistes dont les Arabes aiment à assortir leurs légitimes revendications.
Il faut se rendre compte qu’il existe un fossé culturel entre la sensibilité arabe et la nôtre. La langue arabe affectionne les métaphores qui, traduites littéralement, paraissent à beaucoup d’Européens soit ridicules, soit outrées, soit insignifiantes. D’où des idées contradictoires répandues en Europe et selon lesquelles les Arabes manqueraient de maturité politique, seraient des rêveurs ou seraient agressifs ou les deux à la fois. Par contraste, les dirigeants israéliens, qui sont presque tous d’origine européenne, savent très bien présenter leurs thèses aux Européens. Nous nous comprenons, bien sûr, puisque nous sommes entre nous. Qui plus est, la diffusion des thèses israéliennes est admirablement servie par les journalistes européens.
Même au niveau de l’expression artistique le fossé culturel existe. Chacun connaît en Europe des chansons israéliennes, mais qui fredonne des chansons arabes ? Plusieurs films ont fait vibrer les Européens devant les exploits des héros des kibboutsim ; mais qui se souvient avoir vu illustrer à l’écran le sort pathétique des Palestiniens chassés de leur patrie ?
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