La question d’un Myanmar nucléaire mérite d’être débattue dans la communauté scientifique et les cercles stratégiques internationaux. Les perspectives qu’elle ouvre pour le Sud-Est asiatique et plus généralement l’Asie causeraient des bouleversements sécuritaires importants dont l’impact serait fort sur la sécurité internationale.
Ambitions nucléaires du Myanmar et implications internationales : une analyse prospective
Burmese nuclear ambitions and their international implications: a look to the future
The prospect of a nuclear-capable Burma merits debate within the scientific and international strategic communities. Irving Lewis looks at the effect it would have on South-East Asia, and Asia in general, the major security problems that would arise and the considerable impact it would have upon international security.
L’attention soutenue dont bénéficient les crises nucléaires iranienne et nord-coréenne ne devrait en aucun cas occulter les évolutions stratégiques en cours dans d’autres pays. C’est l’objectif de la réflexion qui suit que de corriger le tir en s’intéressant à la tentation nucléaire du Myanmar. Partant de la récente décision du régime en place dans le pays de lancer un programme nucléaire civil avec l’aide de la Russie, elle veut montrer que même s’il ne faut pas préjuger des véritables intentions des généraux au pouvoir à Naypyidaw, des motifs d’inquiétude existent ; et dans une logique prospective, tirer la sonnette d’alarme sur les bouleversements stratégiques et sécuritaires qu’occasionnerait un Myanmar frappant aux portes du club nucléaire.
Pour ce faire, l’analyse procédera en deux temps. Une première partie essayera de lever le voile sur les véritables ambitions nucléaires du gouvernement militaire en place à Naypyidaw. Deux visions opposées y seront exposées : la première selon laquelle il n’existerait aucune raison de s’inquiéter du programme nucléaire du Myanmar dont la finalité ne peut être que pacifique, vu l’engagement du pays tout au long de son histoire indépendante en faveur de la non-prolifération et du désarmement ; et la deuxième selon laquelle il y aurait au contraire des raisons de se méfier d’un tel programme qui ne ferait que masquer l’existence d’une volonté réelle de prolifération et un programme parallèle, secret, destiné à accéder à l’arme nucléaire avec notamment le soutien de la Corée du Nord. Une deuxième partie s’attachera à évaluer les implications internationales d’une prolifération nucléaire du Myanmar qui remettrait en cause la politique nationale actuelle, « de s’abstenir d’acquérir des armes nucléaires ». Il sera montré que sur le plan stratégique, on risque d’assister à une redéfinition des rapports de force entre le pays et ses voisins immédiats, le Bangladesh et la Thaïlande, mais aussi entre l’Inde et la Chine et entre cette dernière et les États-Unis. Ensuite on observera que sur le plan sécuritaire, le scénario d’une cascade de prolifération qui verrait les autres pays de l’Asie du Sud-Est se lancer, eux aussi, dans des programmes nucléaires militaires pour répondre à la menace supposée de leur voisin, ne devrait pas être écarté même s’il est impossible de le prédire avec certitude.
Sur les ambitions nucléaires du Myanmar
Quelles sont les véritables ambitions nucléaires du Conseil d’État pour la paix et le développement (State Peace and Development Council - SPDC), l’organe qui dirige le Myanmar depuis qu’il a décidé de conclure un accord de construction d’un réacteur nucléaire avec la Russie ? Officiellement, les motivations qui sous-tendent un tel programme sont pacifiques, l’objectif étant de fabriquer des isotopes médicaux pour les hôpitaux du pays. A priori, rien de quoi inquiéter donc. Mais derrière un programme nucléaire civil de façade, on peut suspecter la volonté du régime de se lancer dans un programme militaire clandestin. S’il ne s’agit à l’heure actuelle que de pure spéculation, l’hypothèse ne devrait toutefois pas être écartée aussi rapidement.
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