Politique et diplomatie - Une force asiatico-africaine
Si l’on s’élève assez haut pour observer le cours des événements internationaux, on est conduit à constater que c’est dans la moitié méridionale de l’Ancien Monde que se joue la partie diplomatique, que s’affrontent les forces militaires, politiques, morales de l’Occident libéral et de l’Est marxiste. Cette moitié sud de l’Ancien Monde comprend, en effet, l’Asie non communiste (le continent et ses dépendances insulaires) et l’Afrique. Cette région correspond en gros au domaine jadis occupé et exploité par les Puissances coloniales, celles qui possédaient la maîtrise des mers, Grande-Bretagne et France au premier rang, capables de s’établir sur des côtes éloignées des métropoles et de pénétrer profondément à l’intérieur des terres. La seconde guerre mondiale a accéléré l’évolution déjà commencée vers la fin de l’ère coloniale : l’Asie et l’Afrique se sont émaillées de nouveaux États indépendants. Peuples divers par la race, les langues, la civilisation. Pourtant l’idée pouvait paraître séduisante de rassembler ces jeunes États en groupements fondés sur le régionalisme, sur une communauté d’intérêts ou sur des affinités religieuses et politiques.
Le régionalisme et la communauté de religion furent à l’origine de la Ligue Arabe. Le 22 mars 1945, le Pacte du Caire créait officiellement cette Ligue des États arabes indépendants. Affaiblie par de continuels différends inter-arabes et par les secousses intérieures auxquelles furent soumis les divers États, la Ligue traverse en ce début de 1955 une crise particulièrement grave. L’origine en est l’annonce de la conclusion prochaine entre la Turquie et l’Irak d’un pacte de sécurité. La conclusion du traité turco-irakien, après celle du traité entre la Turquie et le Pakistan, a pour objet d’inciter les autres États arabes à participer à un système de sécurité dont la Turquie serait le centre. Cet objectif qui se justifie pour des raisons militaires, la Turquie possédant sans conteste la plus forte armée du Proche-Orient, va directement à l’encontre des intérêts du Caire, où le colonel Abd el-Nasser tient à rester le pivot de l’alliance inter-arabe, et heurte de front les sentiments d’une importante partie de l’opinion publique arabe.
Un effort de regroupement a été tenté dans une autre direction par le Pakistan, en 1949. Le jeune État — sa création par le partage de l’Inde ne datait que de 1947 — se trouvait être le plus important des États musulmans, sa population de 80 millions d’habitants comptant 70 % de musulmans. Le Pakistan s’efforça de rassembler en un groupement organisé les États musulmans indépendants d’Afrique et d’Asie. Cette tentative, si elle avait réussi, aurait constitué une chaîne d’États, unis par une communauté culturelle, de la Libye à l’Indonésie. Mais les vues qui s’exprimèrent alors à Karachi ne tenaient pas suffisamment compte des réalités et surtout de l’exclusivisme arabe.
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