Otan
Au lendemain des décisions prises en Conseil pour l’admission de l’Allemagne occidentale dans l’Otan, l’attention se porte sur des débats de ratification en cours dans les divers pays intéressés et de l’issue desquels dépend la mise à exécution des Accords de Paris. Aux ratifications de la Grande-Bretagne et de la Norvège définitivement acquises, succèdent celles du Canada et du Luxembourg ; la Chambre belge s’est également prononcée pour les Accords de Paris à une large majorité. En France, après le vote de l’Assemblée nationale du 30 décembre 1954, le Conseil de la République doit en débattre, courant février, à une date non encore exactement fixée.
Comme il avait été prévu par les Accords de Londres et de Paris, les représentants des sept pays de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) se sont réunis le 17 janvier 1955 au Palais de Chaillot pour examiner le projet français de création d’une agence de production des armements. Le projet initial présenté à Londres a subi d’importantes modifications qui ont fait l’objet d’un nouveau mémorandum français en date du 6 janvier. Les responsabilités de l’Agence porteraient sur la standardisation des armements des sept pays, l’établissement de leurs programmes de fabrication et l’attribution des commandes correspondantes à chacun d’eux, la répartition des armements entre leurs forces et la coordination des investissements destinés à développer les industries de guerre. Après une période intérimaire qui s’étendrait jusqu’au 1er janvier 1956 et où les questions de production seraient traitées par deux comités distincts, le projet envisage d’instituer une autorité collégiale à caractère supranational qui, sous l’autorité du Conseil de l’UEO, connaîtrait de tout l’ensemble et permettrait de réaliser en Europe un véritable pool des armements. Seuls les aspects techniques du projet ont été jusqu’ici discutés par les experts, les implications économiques ou politiques ne pouvant l’être qu’au niveau des gouvernements. La délégation française était présidée par M. Alexandre Parodi, nouveau représentant de la France à l’Otan où il a remplacé M. Couve de Murville nommé au poste d’ambassadeur à Washington.
Les 24 et 25 janvier 1955, s’est également tenue au Palais de Chaillot une réunion sur la production de défense. Un Comité permanent avait été institué par le Conseil en mai dernier pour traiter de ces questions et le but de la conférence était de le mettre en contact avec les fonctionnaires nationaux ayant des responsabilités dans ce domaine. Les échanges de vues ont porté sur les problèmes de mobilisation industrielle, le maintien à un niveau élevé des capacités de production, la coordination des programmes et la standardisation des armements.
Le Service de l’information de l’Otan vient de procéder à la publication d’un remarquable rapport de Lord Ismay : Cinq années de l’Otan, ouvrage de documentation complète sur l’activité de l’Organisation dans tous les domaines depuis la signature du Traité. Ce même service avait organisé du 26 au 28 janvier 1955, sous la présidence de M. Willgress, représentant permanent du Canada à l’Otan, une conférence sur la politique d’information, qui groupait les représentants qualifiés des 14 pays. Le développement des liens culturels entre les diverses nations membres est apparu comme une nécessité vitale et d’intéressants échanges de vues ont porté sur les moyens à mettre en œuvre pour encourager une telle coopération, en particulier dans le domaine non militaire, conformément à l’esprit de l’article 2 du traité. Une résolution commune a été présentée au Conseil pour souligner l’importance de l’information des pays de l’Otan et éviter les trop strictes limitations financières qui en réduisent la portée.
Dans le domaine militaire, on sait l’importance des controverses engagées autour de la nouvelle stratégie atomique : les États sont appelés à repenser leur système de défense et la structure interne de leurs forces armées. Comme l’y autorise sa charte de commandement, le Commandant suprême allié en Europe (SACEUR) a pris divers contacts directs avec les membres des gouvernements. Le ministre de la Défense nationale Emmanuel Temple et les secrétaires d’État français aux trois armées [NDLR 2023 : Jacques Chevalier à la guerre, Henri Caillavet à la Marine et Diomède Catroux à l’air], assistés de leurs chefs d’état-major [NDLR 2023 : respectivement, Paul-Ély, chef d’état-major des forces armées ; Clément Blanc, Terre ; Henri Nomy, Marine ; Pierre Fay, air], ont été reçus à SHAPE à la fin de décembre. Le Président du Conseil belge, M. van Acker et les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, MM. Spaak et Spinoy, ont été également reçus par le général Gruenther le 10 janvier 1955. Enfin, le SACEUR a fait un voyage officiel à Copenhague du 20 au 22 janvier 1955 pour entretenir des problèmes de défense le gouvernement danois.
Une conférence plus technique s’est tenue au SHAPE le 21 janvier 1955 entre les représentants des états-majors français, américain et britannique. Elle avait pour objet l’étude des projets de réorganisation des grandes unités terrestres, de façon à dégager les grandes lignes d’une doctrine commune en fonction des divers projets nationaux.
Une visite officielle à Lisbonne, dans le courant du mois, de l’amiral britannique Michael Denny, commandant en chef de l’Atlantique-Est et commandant de la Home Fleet, a suscité quelques commentaires sur l’organisation de commandement dans cette zone. Il convient de rappeler, en effet, que la répartition des responsabilités à l’intérieur du commandement de SACLANT n’a pas trouvé encore sa solution définitive. La zone ibéro-atlantique qui s’étend au large du Portugal et du Maroc doit faire l’objet d’un commandement distinct. Elle avait été rattachée provisoirement au commandement de l’Atlantique-Est, exercé par un Britannique, et de qui relève la sous-zone Sud aux ordres de l’amiral français commandant la Marine au Maroc. Traversée par les lignes de communication vitales reliant l’Afrique française aux ports de la métropole, cette zone présente pour la France un intérêt analogue à celui de la Méditerranée occidentale. L’entrée en service prochaine des escorteurs dont les essais s’achèvent, doit normalement permettre à la Marine française d’y déployer des moyens de qualité. Ce fait nouveau, ainsi que l’importance du support logistique et des moyens de commandement dont dispose noire Marine au Maroc doivent normalement conduire les instances de l’Otan à réserver à la France, dans la zone ibéro-atlantique, une situation en rapport avec ses intérêts. ♦