Union française - Les projets de réformes algériennes - La situation en Algérie et les opérations dans l'Aurès - Le terrorisme au Maroc - Accélération et durcissement des négociations franco-tunisiennes - L'industrialisation de l'Afrique noire - La situation politique au Vietnam - Nouveaux incidents entre catholiques et armée populaire au Tonkin
Afrique du Nord
Algérie
M. François Mitterand a exposé, le 5 janvier 1955, devant le Conseil des ministres, les grandes lignes de ses projets de réformes algériennes. Deux mesures ont été assez vivement critiquées dans certains milieux algériens et métropolitains : le projet d’intégration des cadres de la police algérienne dans ceux de la sûreté nationale et la modification du régime des communes mixtes. Il s’agit, en fait, d’une part, de renforcer l’autorité du gouvernement sur un service aussi essentiel que la sécurité et, d’autre part, d’assurer l’application du statut de l’Algérie qui prévoit la disparition des communes mixtes. On ne peut donc parler à propos de ces réformes de précipitation et de révolution, pas plus que d’une priorité accordée au politique sur l’économique. L’Assemblée algérienne sera consultée sur les projets du gouvernement.
Le choix récent d’une personnalité politique telle que M. Jacques Soustelle pour succéder à M. Roger Léonard semble indiquer que le gouvernement compte passer prochainement à l’exécution de son plan.
Un important engagement a eu lieu au début de janvier sur la frontière algéro-tunisienne ; il s’est soldé par trois morts et sept prisonniers chez les hors-la-loi, un mort et trois blessés parmi les forces de l’ordre. En Grande Kabylie, un audacieux coup de main a été tenté sans succès par une trentaine de bandits contre un poste militaire ; on a pu craindre un moment que cette action soit le signal d’une effervescence généralisée dans les montagnes kabyles : il n’en a heureusement rien été.
Dans l’Aurès, deux opérations de grand style ont été déclenchées coup sur coup : le 19 janvier 1955, l’opération Véronique lançait sur le massif plus de 5 000 hommes appuyés par des blindés et l’aviation ; l’opération Violette a suivi immédiatement, le 23 janvier 1955, dans le djebel Tiza : 6 bataillons de parachutistes et tirailleurs, 3 escadrons de blindés et des unités d’artillerie y ont participé, aidés par l’aviation.
La présence et l’action de l’armée française en Afrique du Nord se trouvent ainsi brillamment affirmées. M. Jacques Chevalier, ministre de la Défense nationale, a d’ailleurs rappelé, le 26 janvier 1955, que notre seule Armée de terre est actuellement représentée par 173 000 h en Afrique du Nord, et que l’armée d’Afrique allait pouvoir renaître avec ses troupes et ses effectifs traditionnels du fait des rentrées d’unités d’Indochine.
Maroc
Marocains, Français et même étrangers ont continué à tomber, victimes des terroristes et des contre-terroristes au Maroc. Les opérations de police et les arrestations opérées ont cependant provoqué une nette régression des attentats vers le milieu de janvier.
Il est clair que le Gouvernement juge impossible « d’ouvrir le dossier marocain » avant la conclusion des conversations franco-tunisiennes. En attendant, M. Francis Lacoste poursuit ses études et ses consultations malgré la lutte qu’il est obligé de soutenir « sur deux fronts » contre le terrorisme. Sa tâche reste toujours ardue, car aussi bien nationalistes que syndicalistes marocains proclament que le « drame marocain, qui est avant tout un problème politique, nécessite, et de toute urgence, le règlement de la question du trône ».
Tunisie
Le président Mendès-France s’est attaché pendant le mois de janvier à faire aboutir les négociations franco-tunisiennes. Des progrès sensibles ont été réalisés grâce à ses interventions répétées et à sa volonté inflexible d’aboutir. Néanmoins, il subsiste encore sur divers points un écart trop considérable entre les positions pour que l’accord soit prévisible à brève échéance. On a même pu envisager, pour la première fois depuis l’ouverture des négociations, la possibilité d’une rupture devant les difficultés qui ont surgi. Les principaux points d’accrochage sont, d’une part, les délais pour l’exercice effectif des pouvoirs de sécurité interne, d’autre part, le statut des zones militaires.
Un débat général doit avoir lieu à la Chambre des députés, le 2 février 1955 ; le Président du Conseil y sera sans doute amené à préciser les limites que le gouvernement n’entend pas dépasser dans le compromis, et peut-être même les délais qu’il se fixe pour aboutir… ou constater l’échec des conversations.
Afrique noire
Robert Buron, ministre de la France d’outre-mer, a défini, au cours d’une conférence de presse, les problèmes posés par l’industrialisation de l’Afrique. Il a montré que la découverte de nouvelles sources de matières premières dans les Territoires d’outre-mer entraînait la nécessité de développer sur place la production d’énergie, afin d’éviter les transports onéreux. De nouvelles constructions de barrages hydro-électriques sont à l’étude en Guinée et en Afrique équatoriale française (AEF).
La Conférence des Hauts-Commissaires d’Afrique Noire et de Madagascar s’est tenue le 14 janvier 1955 sous la présidence du ministre. Les problèmes de la fonction publique, les questions économiques, la décentralisation et le développement des municipalités ont été particulièrement évoqués à cette occasion.
Indochine
Au Vietnam, la situation politique n’a pas évolué au cours du mois de janvier. Le Président Ngo Dinh Diem continue à miser sur le soutien américain et laisse, semble-t-il, se développer librement une propagande anti-française qui veut éliminer les derniers vestiges de notre présence. La mise sur pied d’une armée vietnamienne de 90 000 h dotée d’armements modernes et le plan de réforme agraire élaboré par le gouvernement sud-vietnamien sont, aux yeux des États-Unis, les deux atouts majeurs qui doivent permettre de redresser la situation politique.
Cependant les intérêts français hésitent de plus en plus à s’investir aussi bien au Sud qu’au Nord, et les milieux d’affaires français songent à rapatrier les capitaux qu’ils possèdent encore sur place, si des garanties ne leur sont pas données ; dans une telle éventualité, il serait peu vraisemblable, étant donné le peu de confiance qu’inspire la situation politique, qu’ils soient remplacés rapidement, même par des capitaux américains.
De nouveaux incidents ont mis aux prises à Balang, au Nord-Vietnam, plusieurs milliers de catholiques et l’armée populaire. La Commission internationale de contrôle s’est rendue sur place pour enquêter, mais n’aurait pu entrer en contact avec la population de Balang, celle-ci ayant été déplacée au profit de paysans pro-viet-minh.
On apprenait le 28 janvier 1955 qu’une conférence, réunissant les ministres des Affaires étrangères français, britannique et américain, et portant sur l’Indochine, aurait lieu prochainement. ♦