Propos de M. Javier Solana, Haut Représentant de la Politique étrangère et de sécurité commune (Pesc), à l’occasion de sa visite au salon international de la défense, Eurosatory, le 17 juin 2008.
Stratégie européenne de sécurité
European security strategy
Address by Javier Solana, High Representative for the Common Foreign and Security Policy (CFSP) given on the occasion of his visit to Eurosatory, the international defence exhibition, on 17 June 2008.
C’est pour moi un vrai plaisir de rencontrer les acteurs des industries de défense européennes du secteur terrestre. Je ne suis pas ici pour vous faire un long discours. Plusieurs de mes collaborateurs sont en effet déjà parmi vous et interviendront devant vous cette semaine. Je suis d’abord ici pour vous rencontrer et vous écouter. Aussi me permettrez-vous d’être bref et de me limiter à quelques observations.
Depuis 2003, l’Europe a considérablement développé ses outils de prévention et de gestion de crises. Plus d’une vingtaine d’opérations civiles et militaires lancées depuis 2003 sur trois continents. Environ 10 000 hommes en opérations cette année, du Tchad au Kosovo, du Proche-Orient à l’Afghanistan. C’est considérable.
Est-ce satisfaisant ? Oui. Est-ce suffisant ? Non.
Comment mieux peser sur les évolutions actuelles ? Comment mieux faire face aux menaces ? Très simplement en nous dotant des capacités nécessaires. Le monde évolue. Et vite. Il ouvre des perspectives inédites, mais il apporte aussi son lot de crises et de menaces multiformes. Contenir les crises lorsqu’on n’a pas pu les juguler à temps et prévenir à la source les menaces extérieures qui peuvent avoir un impact direct sur notre sécurité intérieure. Voici résumée en quelques mots la Stratégie européenne de sécurité adoptée en 2003.
Sous l’impulsion de la Présidence française de l’Union européenne (PFUE), ce document va être cette année revu à la lumière des évolutions des cinq dernières années. Et c’est sur cette base que les Européens vont pouvoir mieux définir les moyens militaires et civils dont ils ont besoin pour mieux faire face aux menaces qui pèsent sur leur sécurité. Cette semaine, je ferai part aux chefs d’État et de gouvernement des vingt-sept de mes premières recommandations.
Je ne vous surprendrai pas en vous livrant ici l’une de mes toutes premières recommandations : il n’y a pas de PESD crédible sans capacités militaires disponibles et adéquates, et sans une base industrielle et technologique européenne, autonome, solide et compétitive. Sans vous Messieurs, pas de marché d’équipements. Pas de base de défense, pas de capacités. Et donc pas d’opérations de gestion de crise. Il est en effet évident pour tous ici que l’industrie de défense joue un rôle déterminant dans l’équipement des forces armées en soutien de la PESD.
Le développement d’un vrai marché européen de défense est bien sûr tout aussi crucial. Une industrie européenne rationalisée et un marché compétitif européen : ce sont là des clefs essentielles. Pour satisfaire cet objectif, l’effort doit être collectif. Les capacités militaires de l’Union européenne sont en effet d’abord celles de ses États membres. Mais chacun doit jouer son rôle : gouvernements nationaux, institutions européennes et industriels. En bonne intelligence, il nous appartient d’identifier ensemble les contraintes, de fixer les priorités, de définir les besoins et d’engager les efforts financiers qu’ils justifient, de la recherche jusqu’à l’emploi des capacités développées.
Je suis heureux de constater que c’est cet esprit de coopération qui domine aujourd’hui. Les lacunes communes constatées par l’Union européenne et l’Otan montrent qu’il n’y a pas d’autres voies. Et c’est d’ailleurs le sens de la dernière initiative franco-britannique sur les hélicoptères. C’est en agissant dans cet esprit de synergie que nous avancerons dans trois des directions tracées dans le Livre blanc français sur la défense et la sécurité : la définition commune des besoins militaires des Européens ; le développement de l’action de l’Agence européenne de défense ; la mise en place de règles communes pour le marché des équipements de défense.
L’Europe n’est pas une option parmi d’autres. Elle est l’unique horizon à la hauteur de nos ambitions politiques et stratégiques. Nous n’avons tout simplement pas d’autre choix que celui de l’Europe. Et c’est ensemble que nous pouvons réussir à l’assumer. ♦