Tour de France 2020 et anecdotes historiques :
8 septembre / De l'île d'Oléron à l'île de Ré, des terres maritimes chargées d'histoire
8 septembre / De l'île d'Oléron à l'île de Ré, des terres maritimes chargées d'histoire
La Base sous-marine de La Rochelle, recouverte de panneaux solaires depuis 2017
Cette étape, peu propice aux grimpeurs, va parcourir un espace maritime façonné au cours des siècles pour faire face aux menaces, espagnoles ou anglaises, venant de la mer. D’où la multiplication d’ouvrages spectaculaires et contribuant directement aujourd’hui au tourisme patrimonial, comme la cité fortifiée de Brouage, les forteresses construites ou aménagées par Vauban tant sur les îles que sur le continent. La liste en est longue et démontre combien le danger maritime était réel. Paradoxalement, le célèbre Fort Boyard est le résultat d’un échec, Vauban ayant estimé impossible sa construction sur un banc de sable trop instable. Les travaux débutèrent en 1803 mais furent arrêtés en 1809. Ils reprirent en 1841 et les premiers canons y furent installés en 1859. La fin des travaux eut lieu en 1866 mais la conception du fort était déjà obsolète, au point qu’il fut abandonné en 1913 puis aliéné en 1961. Son succès actuel est donc inversement proportionnel à son efficacité militaire.
Paradoxalement, La Rochelle a été une grosse garnison pour l’Armée de terre, tandis que la Marine avait consacré tous ses efforts à Rochefort, choisi par Colbert, considérant que La Rochelle n’était pas assez abritée et que demeurait le souvenir du siège mené par Richelieu de 1627 à 1628. L’arsenal de Rochefort a été à sa construction le plus moderne de France avec un bâtiment exceptionnel : la corderie royale édifiée en 1666 et qui a été le plus long bâtiment industriel en Europe jusqu’au XIXe siècle avec une longueur de 374 m. L’arsenal a fermé en 1926, entraînant un déclin des activités de la Marine sur ce site. À l’inverse, c’est l’Armée de l’air, présente depuis 1932 avec la Base aérienne (BA) 721 dédiée à la formation de ses sous-officiers et de ses techniciens, qui est le premier employeur militaire de la région traversée ce jour. Il faut y rajouter l’École de la gendarmerie pour la formation de ses sous-officiers dans les métiers techniques et administratifs. Cela représente au total 4 000 emplois militaires.
La Rochelle a eu un passé militaire très riche et mouvementé. Ainsi, en 1822, 4 sergents du 45e Régiment de ligne, sont exécutés pour avoir participé à un complot des Carbonari, une société secrète révolutionnaire. La ville eut à souffrir de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au printemps 1945, comme Royan. Dans le port de La Pallice, une des bases sous-marines construites par les Nazis (lire Marcel Bougaran, « Le sous-marin dans les deux guerres mondiales », RDN n° 86, novembre 1951, p. 391-408) a participé à la bataille de l’Atlantique. Récupérée quasi intacte par la Marine, elle servit jusqu’aux années 1980. Le film Das Boot (1981) y fut tourné ainsi que certaines séquences d’un Indiana Jones, Les Aventuriers de l’Arche perdu (1981). La base est désormais fermée.
La présence militaire a donc été réduite à La Rochelle qui conserve cependant le service des pensions militaires et le 3e Régiment du Service militaire volontaire destiné à former et insérer des jeunes en difficultés. Le port a joué un rôle stratégique pendant la guerre froide en étant un point d’entrée pour les renforts venant des États-Unis, d’où la présence jusqu’en 2010 du 519e Régiment du Train, spécialisé dans la logistique portuaire. Celui-ci fut transféré à Toulon et réduit pour devenir le 519e Groupe de transit maritime (GTM), en conservant un détachement de transit atlantique à La Rochelle. La remontée en puissance des besoins amphibies a amené l’Armée de terre à renforcer le 519e GTM redevenu depuis le 1er février de cette année le 519e RT et qui met toujours en œuvre son antenne à La Rochelle.
Si La Rochelle a été occupée jusqu’à mai 1945 par les Allemands avec une espèce de modus vivendi grâce à une convention reconnaissant le statut de combattants aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) avec les troupes françaises de l’Atlantique les assiégeant à partir d’octobre 1944, il n’en fut pas de même à Royan où les combats furent acharnés jusqu’à la reddition allemande le 30 avril 1945, la ville ayant été entièrement détruite et faisant l’objet d’un plan de reconstruction dans les années 1950.
L’étape s’achève à Saint-Martin de-Ré où la forteresse de Vauban, entre terre et mer, constitue un chef d’œuvre majeur de l’architecture militaire. De ce fait, la citadelle est classée au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). De par sa position lui garantissant une sécurité exceptionnelle, elle fut transformée en prison (toujours en activité) et vit le passage des détenus vers le bagne de la Guyane, dont le capitaine Alfred Dreyfus en 1895.
Publié le 08 septembre 2020
Jérôme Pellistrandi