70 ans des combats de la RC4
Du 11 au 20 octobre : épilogue d’un désastre
Du 11 au 20 octobre : épilogue d’un désastre
Carte de la RC4 (ONAC : www.caobang.fr/)
Le groupement de Chergé parvient à remplir sa mission de rejoindre Lang Son, non sans essuyer de solides accrochages. Le commandant de Chergé récupère au passage les garnisons des petits postes. Il ne progresse que la nuit sur un itinéraire ouvert dont les points hauts sont tenus en y faisant alterner ses unités.
Parvenu à Lang Son en ayant effectué la fin du trajet en camion depuis Nacham, il y découvre une ambiance délétère d’évacuation. Sa colonne est démantelée, les légionnaires rejoignent les deux bataillons restant du 3e Régiment étranger d’infanterie (3e REI), et lui-même ne conserve le commandement que des goumiers qui sont évacués en baie d’Along pour remise en condition.
Couvert par le général Alessandri qui a complètement perdu le sens des réalités, le colonel Constans prépare l’évacuation de Lang Son, position clé du Tonkin depuis la conquête, sans trop se préoccuper de ce qu’il laisse derrière lui. En fait, il faudra que l’aviation française vienne straffer (mitrailler au sol), sans beaucoup de succès, les dépôts de Lang Son qui avaient été abandonnés sans être détruits. Le Vietminh y trouvera de quoi équiper une de ses divisions.
Si la responsabilité de Constans est engagée dans cette précipitation, celle de ses supérieurs l’est encore plus. Alessandri va commet deux fautes majeures en faisant évacuer, sans aucune raison, deux verrous du pays thaï, dont la population, contrairement à la population thô de la haute région, est fidèle à la France : le verrou de Lao Kay à la frontière chinoise et celui de Hoa Binh, qui constitue le point de passage entre le Delta et le pays thaï. Les campagnes ultérieures, jusqu’en 1953, seront marquées par ces replis inconsidérés. Alessandri sera d’ailleurs très rapidement relevé de son commandement, avant l’arrivée du général de Lattre, qui limogera également son successeur, Boyer de Latour, pour y nommer Linarès.
Même s’il a été couvert par Juin dans son rapport – il faisait partie de son écurie – la responsabilité de Carpentier est également ouverte. Pendant toute la durée de la crise, il est demeuré à Saïgon, alors que la place du commandant en chef aurait mieux été au Tonkin, à Hanoï, et même à Lang Son, pour juger sur place de l’opportunité – ou non – de poursuivre toutes ces évacuations. C’est la raison pour laquelle, la première mesure prise par de Lattre, dès son arrivée, a été d’interdire formellement tout repli, même du plus petit poste. Il fallait inverser la tendance de façon même caricaturale : Latour a été relevé pour avoir autorisé le repli d’un poste dont l’effectif était d’une section.
Au niveau des exécutants, il convient de louer l’action de Charton à double titre. Il a montré, durant les quatre jours de combat sans discontinuer du 4 au 7 octobre, un sens de la manœuvre remarquable, progressant de point haut en point haut, et tenant tous les points clés, constitués par les hauteurs dont les cotes ont été citées abondamment dans les chroniques précédentes. Mais surtout, il a fait preuve, ce qui a été soulevé par Juin dans son rapport, d’un extraordinaire sens de la camaraderie au combat envers Lepage. Alors que le 6 octobre au soir, son groupement tenait les points hauts du terrain, l’accès vers That Khé était ouvert, le Vietminh étant concentré sur la réduction du groupement Lepage, qui lui, au lieu de tenir les points hauts, s’était de lui-même enfermé dans une cuvette, dont il ne parvenait pas à s’extraire. Sans hésiter, au lieu de lancer son groupement sur That Khé et le salut, il s’est arrêté toute la journée du 7 octobre, a accepté une bataille statique pour recueillir ce qui pouvait être recueilli du groupement Lepage, et a repris sa progression, en ayant fait mettre en place un lourd élément de recueil à hauteur de Pont-Bascou, en s’appuyant sur deux solides compagnies de Légion, soutenues par un bataillon parachutiste dont il a obtenu le largage au nord-est de That Khé. Au plan personnel, il a payé sa décision (exemplaire) de quatre longues années de captivité et de lavage de cerveau, sans jamais ne rien consentir à ses geôliers. Ces derniers n’étaient que des tortionnaires. Au moment d’être rendu aux Français, le commissaire politique du Camp n° 1, de sinistre mémoire, lui a demandé s’il avait quelque chose à lui dire, avant de partir. Partant d’un énorme éclat de rire, Charton lui a répondu : « Oui, bien naturellement. Merde à Hô Chi Minh ! » ♦
Publié le 11 octobre 2020
Claude Franc