7e étape - 2 juillet 2021 - Vierzon–Le Creusot : au cœur de l'industrie de défense et « Pour la Patrie, toujours présent »
Bourges (Cher) - Palais Jacques Coeur - Cour intérieure (© Patrick / Flickr)
L’étape la plus longue du Tour va passer au cœur de l’écosystème de défense de la France, mêlant histoire et hautes technologies.
Le départ situé à Vierzon peut bien sûr faire penser à la chanson de Jacques Brel « Tu as voulu voir Vierzon » mais c’est aussi une page douloureuse de la Seconde Guerre mondiale car la Ligne de démarcation, véritable frontière intérieure imposée par les Allemands à la suite de l’armistice du 22 juin 1940, sépara la ville en deux et en fit un des lieux de passage pour tous ceux voulant fuir la zone occupée. Déjà en 1870, les avant-gardes des Uhlans avaient pénétré dans cette cité carrefour ferroviaire de premier plan. En 1940, les combats y furent intenses dans les jours précédant ce funeste armistice, les unités françaises s’efforçant avec un certain succès de retarder l’avancée nazie au grand dam de certains notables inquiets des destructions et plus enclins à collaborer au plus vite avec le futur occupant. Entre le 5 et le 22 juin, environ 70 Vierzonnais furent victimes des bombardements.
À peine 25 km effectués, le peloton traversera Bourges, la cité de Jacques Cœur et de son « Printemps ». Mais elle doit son essor à la défense à partir du Second Empire et l’installation d’une fonderie de canons qui existe encore même si son statut et ses productions ont considérablement évolué. La position centrale de Bourges fut mise à profit après la défaite de 1870-1871 avec le repli de l’École d’artillerie jusqu’alors à Metz et le polygone de tir situé dans la Septaine dans le quart Sud-Est de la ville est toujours dédié aux essais des armements terrestres avec les établissements de la Direction générale de l’armement (DGA) et des industriels comme MBDA. Pendant longtemps, les Écoles du matériel y formèrent les maintenanciers. Suite à 2008, les Écoles militaires de Bourges (EMB) accueillent tous les spécialistes de l’arme du Matériel et du Train. Très prochainement, une École militaire préparatoire y sera ouverte pour permettre à des jeunes de 16 ans de se former à la maintenance, le volet académique étant contrôlé par le Lycée militaire d’Autun.
À quelques kilomètres de là, la route du Tour longera la base aérienne d’Avord, base historique de l’Armée de l’air puisqu’établie avant 1914. Il s’agit de la deuxième base la plus importante après celle d’Istres. La BA 702 participe de nos jours à la dissuasion nucléaire et abrite notamment les 4 avions radar Boeing AWACS permettant la surveillance de l’espace aérien et le contrôle des opérations. Elle accueille aussi les pilotes de transport pour leur formation.
Caserne Pitié (Cochat, Geneanet)
Nevers a accueilli dès 1777 une garnison et la caserne Pittié construite en 1887 a hébergé de nombreux régiments dont le 13e Régiment d’infanterie de 1906 à 1940. En 1972, le 7e Régiment d’artillerie s’y installe et y demeurera jusqu’en 1999 avant de partir pour Chaumont où il deviendra le 61e RA. Le 7e RA a mis en œuvre les premiers drones de l’Armée de terre dont le Canadair CL-89. Les 6 hectares du 7e RA ont été restructurés avec plusieurs emprises dont celle de Pôle emploi.
La ville de Nevers a été très tôt au cœur de la révolution industrielle bénéficiant dans un premier temps de la Loire puis du chemin de fer. Dans la banlieue nivernaise, entre Fourchambault et Garchizy, le long de la voie ferrée Paris-Clermont Ferrand, des ateliers militaires ferroviaires furent construits avec de grands bâtiments édifiés en 1930. Ces gigantesques emprises se spécialisèrent dans le matériel du génie qui nécessite des grandes aires et des moyens lourds de levages. Avec les restructurations de 2008, l’établissement du matériel fut dissous en 2014. Le site a depuis été repris par Arquus, anciennement Renault Truck Défense et est consacré désormais à la maintenance lourde des VAB (Véhicules de l’avant blindé) et VBL (Véhicules blindés légers) produits par l’industriel et mis en œuvre principalement par l’Armée de terre.
Conservatoire Arquus du véhicule militaire
En ce début du mois de juin, Arquus y a inauguré son conservatoire permettant d’abriter et mettre en valeur les collections d’engins produits depuis la Première Guerre mondiale.
Après les plaines du Nivernais, les coureurs vont pénétrer dans le massif du Morvan, dont le point culminant est le mont Follin avec 901 m et qui possède des pistes de ski fond quand l’enneigement le permet.
Château-Chinon, « capitale » du Haut Morvan, eut comme Maire de 1959 à 1981 François Mitterrand. L’imprimerie de l’armée de terre y fut créée en 1982. Elle fut fermée en 2009. Dans les forêts environnantes, le bagne militaire des Blandins a accueilli un camp de prisonniers allemands à partir de 1916. Il fut fermé en 1923.
Lycée militaire d'Autun
Sortant des futaies froides du Morvan, le Tour traverse Autun, la cité romaine d’Augustodunum fondée par l’empereur Auguste. D’une richesse archéologique hors du commun, la cité autunoise a été au cœur de l’histoire de nos armées avec son École militaire implantée dans l’ancien séminaire à partir de 1885. Aujourd’hui le Lycée militaire d’Autun (LMA) peut s’enorgueillir d’avoir fourni de nombreux cadres militaires avec des héros exceptionnels comme Bernard Gangloff (1925-1944) et dont le quartier porte son nom, mort de ses blessures en combattant les Nazis et sans avoir parlé. Le LMA contribue à l’éducation et au soutien des familles en accueillant des élèves dès la 6e. Les Autunois, quelle que soit leur orientation professionnelle à la suite du LMA, restent attachés à un esprit de camaraderie et de solidarité hors du commun.
Après Autun, quelque peu figée dans son histoire bimillénaire, l’arrivée se fera au Creusot, symbole de la Révolution industrielle. Sous la houlette des Schneider, les usines métallurgiques fournirent au début du XXe siècle une grande part de l’artillerie utilisée pendant la Première Guerre mondiale avec les célèbres canons de 75, de 105 et 155 mm. Les années 1970 furent plus difficiles pour l’agglomération, le temps de l’industrie lourde semblant passé. La reconversion a été longue et difficile, obligeant à des choix douloureux.
La filière nucléaire, après les déboires autour de l’EPR (Evolutionary Power Reactor) de Flamanville, s’est redressée et Framatome a coulé début juin une première pièce de 270 tonnes destinée au programme du futur porte-avions français, dont la mise en service est attendue pour 2038 et dont la durée de vie ira jusqu’en 2080. Une étape qui aura ainsi couvert plus de deux millénaires en 249,1 km. ♦
Publié le 02 juillet 2021
Jérôme Pellistrandi