15e étape – 11 juillet – Céret-Andorre la Vieille : de Vauban aux Commandos
Église de Sant Miquel d'Engolasters à Andorre (© Diego Delso / Wikicommons)
Le Roussillon, entre Espagne et France, fut annexé après le Traité des Pyrénées de 1659, qui solde le contentieux historique entre le Royaume de France et les Habsbourg. Cela n’empêcha pas la construction de nombreuses forteresses par Vauban, soit ex nihilo, comme à Mont-Louis, soit en s’appuyant sur des ouvrages plus anciens, comme à Villefranche de Conflent. Pour certains d’entre eux, les armées les utilisent encore, non plus pour défendre le territoire face à l’Espagne, mais à des fins d’entraînement, mettant à profit les potentialités de cette région montagneuse dominée à l’Est par le massif du Canigou.
À Céret, ville départ, le couvent des Capucins, construit à partir de 1581, fut réquisitionné par l’intendance militaire en 1792 pour devenir un grenier pour les approvisionnements, avant d’être transformé en hospice pour l’Armée des Pyrénées orientales pour y accueillir jusqu’à 150 convalescents, puis abandonné aux quatre vents. Napoléon fit détruire les dernières fortifications de la ville devenues totalement obsolètes.
Fort Liberia (Thierr Llasandes / Flickr)
La vallée du Têt est riche en forteresses et autres édifices à caractère militaire pour défendre la région face à l’Espagne. À Prades, ville dont Jean Castex, Premier ministre, fut maire, la ville eut à accueillir en 1939 de nombreux réfugiés républicains espagnols puis en 1940, des habitants de Menton évacués face à l’Italie voisine. En remontant le Têt, Villefranche-de-Conflent présente un ensemble architectural exceptionnel, avec sa cité médiévale et ses fortifications construites par Vauban à partir de 1679. Le fort Libéria édifié à partir de 1681 domine l’ensemble.
À près de 1600 m d’altitude, la citadelle de Mont-Louis, inscrite depuis 2008 au patrimoine mondial de l’humanité, démontre le génie de Vauban comme ingénieur architecte et tacticien. Avec la ville, elles ont été construites d’un seul tenant et, ex nihilo, confèrent une très grande homogénéité dans les édifices. Il ne fallut que dix ans pour mener à bien cette tâche colossale avec près de 3 700 soldats employés. Le fort pouvait abriter 2 500 hommes et 300 chevaux.
Le Centre national d'entraînement commando
(© Thierry Llansades / Flickr)
Bien que rénovée en 1887 pour l’adapter au combat moderne, Mont-Louis n’eut pas à connaître l’épreuve de la guerre. En 1946, le 11e Bataillon parachutiste de choc (BPC) s’y installe, mettant à profit les ouvrages permettant l’entraînement aux techniques commando. En 1964, le Centre national d’entraînement commando (Cnec) ouvre ses portes et continue à former l’ensemble des cadres militaires de l’Armée de terre aux spécificités commando tout en valorisant l’aguerrissement des stagiaires. Le Cnec dispose aussi d’un centre à vocation nautique, à Collioure, permettant de former aussi bien aux exigences de la montagne que de l’eau, y compris et surtout la nuit.
Non loin du Cnec, une autre implantation militaire permet d’entraîner les pilotes d’hélicoptères au vol en montagne : le Centre de vol en montagne de l’Aviation légère de l’Armée de terre (Alat). Situé entre la commune de Saillagousse et de Sainte-Léocadie, il a ouvert ses portes en 1960 et offre de nombreuses possibilités été comme hiver pour la formation.
La route passe près de l’enclave espagnole de Llivia, un territoire de 12,83 km2, sous souveraineté espagnole, celle-ci ayant été confirmée par le traité de Bayonne en 1868 et résultant de vieilles règles diplomatiques du Moyen-âge. Lorsque la frontière fut fermée avec l’Espagne franquiste à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la gestion de cette enclave fut complexe alors qu’aujourd’hui, Llivia revendique l’indépendance de la Catalogne à laquelle elle appartient.
Andorre, ville-État d’arrivée, constitue aussi un cas historique puisque la principauté n’appartient pas à l’Union européenne, bien que disposant de l’Euro comme monnaie. C’est une co-principauté parlementaire avec deux coprinces : l’évêque d’Urgell et le président de la République française. Andorre ne dispose pas d’armée, sa sécurité extérieure étant inscrite dans une convention tripartite de 1993 avec l’Espagne et la France. La frontière des Pyrénées, véritable barrière physique entre les deux pays, a été la porte de la liberté entre 1940 et 1944 pour de nombreux Français mais aussi pour les pilotes alliés abattus qui cherchaient à gagner l’Espagne pour reprendre le combat. Sur les 623 km de frontière, 27 réseaux de passage ont permis à 19 000 Français de passer de l’autre côté, quitte à risquer l’internement, notamment au tristement célèbre Camp de Miranda durant quelques mois, avant de gagner l’Afrique du Nord. ♦
Publié le 11 juillet 2021
Jérôme Pellistrandi