Institut Montaigne : Petit-déjeuner stratégique autour du concept de haute intensité
Mercredi 25 mai 2022, dans une salle du Cercle de l’Union Interalliée, quatre intervenants ont présenté durant une heure et demie leurs positions et réflexions sur un concept devenu incontournable dans le langage militaire et politique : la haute intensité.
« Pour citer le vieux dicton : vous pouvez ne pas être intéressé par le futur de la guerre, mais la guerre future s’intéressera à vous », écrivait Colin Gray dans La Guerre au XXIe siècle. L’événement organisé par l’Institut Montaigne le 25 mai 2022 avait pour sujet l’évolution du contexte stratégique au prisme d’un concept de plus en plus prégnant : la haute intensité. La question qui a orienté le débat, « Sommes-nous prêts pour la haute intensité ? », a été décortiquée par quatre participants : Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), Patricia Mirallès, députée et vice-présidente de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, Éric Papin, vice-président exécutif et directeur technique et innovation de Naval Group, ainsi que l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine.
Il s’agissait tout d’abord de réfléchir à la pertinence du concept même. Celui-ci peut être défini à travers les éléments suivants : c’est un affrontement déclenché pour des enjeux majeurs, de grande violence, se déroulant dans tous les milieux et causant de lourdes pertes. Mais pour Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « la haute intensité est un mauvais concept qui pose les bonnes questions ». La haute intensité est, selon lui, trop dichotomique : on l’oppose naturellement aux conflits de basse intensité, en écartant des affrontements qui pourraient se situer entre ces deux pôles. Elle est également trop subjective, voire méprisante : la dimension du conflit peut-elle être fixée par un concept, sans prendre en compte la réalité fluctuante du terrain, en catégorisant les pertes et blessures à un échelon d’intensité inférieur sans rapport avec les conséquences pour les concernés ? Le directeur de l’Irsem préfère à la haute intensité le concept d’hypothèse d’engagement majeur : celui-ci retient trois critères, l’affrontement dans tous les milieux, l’implication de l’effort de la nation et la capacité de résilience. Patricia Mirallès, qui a présenté le rapport d’information n° 5054 sur la haute intensité en février 2022, a expliqué que l’enjeu pour les forces publiques était de s’approprier un concept né de la sphère militaire.
Les intervenants ont ensuite développé différents points afin de préparer la France à ce contexte stratégique. Pour la députée, trois priorités doivent être dégagées : la préparation des hommes, par la massification et la fidélisation des forces, la préparation des matériels, en agissant sur leur disponibilité, l’approvisionnement et la production, ainsi que la préparation des esprits, en renforçant le lien armées-nation. Éric Papin a évoqué la notion de « combat collaboratif naval », en expliquant l’importance de la configuration des capacités des différents navires, afin qu’elles se correspondent et se complètent. Il a aussi soulevé le rôle-clé des drones dans le futur, et la mise en service de bâtiments majeurs comme le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren en 2019, et les Frégates de défense et d’intervention (FDI) d’ici 2025. L’amiral Pierre Vandier a rappelé la question essentielle du nucléaire si les intérêts vitaux étaient menacés et celle de l’attrition, notamment au sujet des stocks de munition ou des forces morales, dans le cas d’un conflit en mer à des milliers de kilomètres.
Pour conclure, divers problèmes ont été abordés au cours de l’événement : ainsi, celui des connaissances « asymétriques » de l’adversaire (à notre désavantage) a été soulevé par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer ; celui de la préparation de la population aux questions internationales et de défense a été relevé par Patricia Mirallès ; celui de l’équilibre entre robustesse et technologie a été rapporté par Éric Papin. Enfin, celui de l’interopérabilité avec les partenaires a été posé par l’amiral Pierre Vandier, dans un contexte où les États-Unis veulent imposer leurs conditions.
Margaux Latarche-Bertrand
Publié le 25 mai 2022