4e étape – 5 juillet – Dunkerque-Calais : Positions stratégiques
La carte de la 4e étape du Tour de France (© ASO)
En raison de sa situation privilégiée et de son importance au royaume d’Espagne, les Français achetèrent la place en 1662 à ce dernier. Dunkerque devint une place essentielle dans les réalisations de Vauban (1) qui chercha à rendre la ville imprenable. Dans cette optique, il agrandit le port pour accueillir des navires de guerre et construisit le fort de Bonne Espérance, et le fort Vert en 1680, ainsi que le fort Revers en 1701. Ils permettaient d’améliorer la défense de la ville et de riposter facilement au feu des navires ennemis.
Dunkerque, plan de 1711, Krigsarkivet, Stockholm
L’œuvre de Vauban rendit quasi impossible la prise de la place forte. Dunkerque ne semblait plus assiégeable, ni par mer ni par terre, grâce à ses risbans, ses forts et ses possibilités d’inondation : en cas d’attaque, Dunkerque pouvait être inondé pour entraver l’attaque de l’ennemi.
La fin de la guerre de Succession d’Espagne entraîna la destruction de l’œuvre de Vauban pour permettre la paix entre les pays européens.
Dunkerque resta cependant au centre de l’histoire militaire de France. Durant la Première Guerre mondiale, elle échappa à l’occupation allemande suite à la victoire française lors de la bataille de l’Yser. Mais elle n’échappa pas à la guerre en raison de sa proximité avec le front. La ville fut transformée en camp retranché avec des hôpitaux de fortune qui permettaient d’accueillir les blessés, et servait de base logistique aux troupes alliées qui combattaient en Flandre. L’armée s’y installa, surtout pour défendre le port, lien essentiel avec l’allié britannique. Elle fut une ville transit pour des centaines de milliers de soldats.
Dunkerque fut décoré de la croix de guerre par le président, Raymond Poincaré, pour sa participation à l’effort de guerre, ainsi que de la Légion d’honneur et, en 1919, l’Angleterre lui remit la prestigieuse Distinguished Services Cross (DSC).
La défense de la ville eut notamment permis le succès de l’opération Dynamo (2). Cette opération permit l’évacuation de 338 226 hommes de l’armée britannique avec l’appui des forces françaises vers le Royaume-Uni.
Soldats britanniques à Dunkerque en 1940
Le front français fut rompu par la percée de Sedan lors de la bataille de France du fait de la Blitzkrieg. Les troupes françaises et anglaises battirent en retraite vers le nord de la France, et notamment vers Dunkerque pour être évacuées vers le Royaume-Uni alors coincées dans la poche de Dunkerque par les chars allemands. Ainsi, l’opération Dynamo fut lancée : opération maritime de rembarquement et opération terrestre de défense de Dunkerque. Elle débuta le 26 mai et prit fin le 4 juin 1940. Dunkerque fut encerclé par les troupes allemandes et sous le feu des avions, ce qui affaiblit les troupes au sol. L’armée française mena alors une résistance remarquable afin de gagner le temps nécessaire à l’embarquement. Cette résistance fut facilitée par l’hésitation de Hitler qui donna l’ordre aux troupes du général von Rundstedt de s’arrêter devant Dunkerque.
Lord Gort avait reçu l’ordre de ne pas informer ses alliés du début de l’évacuation des troupes britanniques, laissant ainsi les troupes françaises seules face aux ennemis allemands. Les Français et les Belges combattirent jusqu’à épuisement de leurs munitions essayant de retarder le plus possible l’assaut de Dunkerque.
Le 4 juin 1940, l’opération Dynamo fut achevée et Dunkerque tomba aux mains du IIIe Reich. Les hommes qui n’avaient pas pu être évacués furent capturés par les Allemands. L’opération fut quand même un succès tactique. Le Royaume-Uni a pu préserver la majorité de son armée afin de continuer la lutte contre l’Allemagne. Cette opération et la non-communication des Britanniques suscitèrent une certaine aigreur chez les Français qui devinrent méfiants à l’égard de leur allié anglais.
Ainsi, la ville en permanence menacée par les Allemands, fut largement bombardée par les ennemis entraînant des morts et des dégâts matériels importants.
La guerre pour Dunkerque se prolongea du 15 septembre 1944 au 9 mai 1945 avec la poche tenue par les Allemands. Le siège fut assuré principalement par 1re brigade blindée tchécoslovaque en face d’une garnison allemande de plus de 10 000 hommes, dont 2 000 Waffen-SS. Le commandant allemand de la place, le vice-amiral Frisius se rendit le 9 mai 1945, soit le lendemain de la capitulation nazie. De ce fait, Dunkerque fut la ville de France qui a subi la plus longue occupation, du 4 juin 1940 au 9 mai 1945.
Tout comme Dunkerque, Calais est une ville fortifiée. Les premières fortifications datent du XIIIe siècle, avec notamment la construction du fort Nieulay, qui était, sous l’occupation anglaise, le point stratégique de leur défense. Richelieu remania le fort au début du XVIIe siècle en le reliant à un ouvrage à cornes par un pont. L’écluse fut alors entièrement enveloppée. En outre, il transforma la citadelle en arsenal maritime et la dote de nouveaux bâtiments : magasins, poudrières…
En 1659, avec la reconquête de Gravelines par Louis XIV, Calais perdit son importance stratégique. Cependant, en 1677, le monarque inquiet de la défense de la place chargea Vauban de la remanier. La Citadelle fut transformée et le fort fut reconstruit de sorte que les écluses soient placées à l’intérieur de la construction et ainsi mieux défendre le pont.
Cette nouvelle forteresse présentait deux intérêts majeurs. L’un était financier car la forteresse servait de péage (tonlieu), l’autre était stratégique, car les défenseurs du fort pouvaient apercevoir l’arrivée des ennemis et ainsi inonder le Calaisis pour repousser les agresseurs.
Calais détruite (© Archives fédérales allemandes)
Toutefois, par manque de moyens, toutes les modifications ne furent pas entreprises et le fort tomba progressivement en ruine. En 1940, le fort Nieulay permit quand même d’abriter une poche de résistance visant à ralentir l’avancée allemande vers Calais ; mais après de lourds bombardements (3), il tomba aux mains de la Wehrmacht qui y édifia un blockhaus et des batteries anti-aériennes.
En 1940, la ville fut occupée par les Allemands à la suite du siège de Calais, du 22 au 26 mai 1940 qui s’inscrit dans la bataille de France. Les Allemands voulaient s’emparer de la ville, port important pour les forces alliées, notamment pour le ravitaillement en hommes et matériels.
Heinz Guderian donna l’ordre à la 10e Panzerdivision (division blindée allemande) de s’emparer de Calais, le 23 mai. Malgré la citadelle de Calais, les fortifications, les nombreux bataillons déployés sur place comme la 60e brigade de fusiliers ou le 265e régiment d’infanterie, l’aide de l’armée britannique, Calais tomba aux mains des Allemands le 26 mai après une rude résistance.
Dès le 15 juin, le Nord-Pas-de-Calais passa sous commandement militaire allemand. Le 7 juillet 1940, la région fut déclarée zone interdite. Elle fut rattachée à la Belgique par le Reich et resta occupée de 1940 jusqu’à la libération en 1944.
La Résistance se mit en place avec le 1er mouvement en 1941, La Voix du Nord, organisé par un militant catholique, Natalis Dumez.
À partir de 1944, l’occupant renforça la zone interdite autour du port face à la menace d’un débarquement allié par Calais. En février 1945, alors que la ville était libérée par les Canadiens depuis octobre 1944, elle subit de lourds bombardements qui détruisirent une très large partie de la ville. Cent six civils y perdirent la vie. ♦
(1) Debeney Marie-Eugène, « Vauban et nos fortifications du nord-est », RDN, n° 10, mars 1940, p. 315-322 (https://www.defnat.com/).
(2) Pellistrandi Jérôme, « À propos de la bataille de Dunkerque », tribune n° 917, juillet 2017 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=999).
(3) Sur la stratégie alliée de bombardement, lire Barjot Pierre, « Les épisodes décisifs de l’offensive aérienne alliée sur la forteresse Europe », RDN n° 25, juin 1946, p. 773-783 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=173&cidrevue=025).
Publié le 05 juillet 2022
Jérôme Pellistrandi, Marie Toiron