Tour de France 2022 : 14e étape – 16 juillet – Saint-Étienne-Mende : entre armes et Résistance
Façade de la Manufacture nationale d'armes de Saint-Étienne (© Daniel VILLAFRUELA, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)
Lors de la 14e étape, le peloton partira de Saint-Étienne pour arriver dans la ville de Mende, chef-lieu de la Lozère, un département qui fut favorable à la Résistance. Saint-Étienne a marqué l’histoire militaire française par sa manufacture d’armes. L’armurerie stéphanoise posséda, à partir de 1764, le monopole de la fourniture des armes pour le roi. Louis XV décida de regrouper 9 fabricants, et créa ainsi une manufacture royale. Cette dernière était sous la direction de M. de Montbéliard, inspecteur de la manufacture de Charleville ; elle devint le fournisseur officiel des troupes françaises et étrangères. À l’approche de la Révolution, l’activité ne cessait d’augmenter avec une production supérieure à 12 000 armes par an. Saint-Étienne fut d’ailleurs surnommé « Armeville ». La manufacture devint propriété de l’État en 1838.
Sous le Second Empire, les commandes étaient tellement importantes que la capacité de production n’était plus suffisante. Un nouvel ensemble industriel fut construit pour répondre à la demande en regroupant l’ensemble des fabricants de la ville. Les travaux de la nouvelle manufacture commencèrent en 1864. En 1894, la manufacture devint un établissement d’État dirigé par le ministère de la Guerre. Durant ces années, l’usine comptait 10 000 ouvriers et pouvait produire jusqu’à 1 600 fusils par jour.
L’ensemble industriel connut un accroissement pendant les Première et Seconde Guerres mondiales avec 16 000 ouvriers. En 1963, la fabrication se diversifia en trois secteurs : équipement pour des blindés, armes antichar et matériel de protection. La manufacture ferma définitivement en 1990 dans un contexte de crise de l’armement. En 2000, le service d’archives militaires s’implanta dans le site.
Insigne régimentaire du 142e régiment d’infanterie
La fin de l’étape est prévue à Mende. Pendant la Première Guerre mondiale, les régiments de Lozère furent directement impliqués. Le 142e régiment d’infanterie, en partie basé à Mende dans la caserne Lamolle, participa aux combats à Loudrefing en août 1914. Durant ces combats, 1 150 soldats de rang perdirent la vie ainsi que 30 officiers et le commandant, le colonel Lamolle. Ce régiment fut qualifié de « régiment des braves » par l’état-major français. Le 17 août 2012, une plaque a été inaugurée en l’honneur du régiment et du colonel sur les vestiges de l’ancienne caserne.
Henri Bourillon
Mende fut également très active durant la Seconde Guerre mondiale. Une grande partie de la population apporta son soutien au Maréchal Pétain, tandis qu’une autre partie constitua un noyau de résistance autour du maire de Mende, Henri Bourillon. Il fut le chef de la Résistance en Lozère, un département situé en zone libre jusqu’à l’occupation totale de la France en novembre 1942. Il s’illustra durant le Première Guerre mondiale, et reçut pour sa bravoure la croix de guerre, il fut également fait chevalier de la Légion d’honneur (1). Lorsqu’il fut destitué de sa fonction de maire par le régime de Vichy, il commença à organiser la Résistance et devint chef des Mouvements unis de Résistance (MUR). En 1944, il fut arrêté par la Gestapo puis déporté dans les camps de concentration d’Auschwitz, de Buchenwald et de Flossenbürg dans lequel il tombera malade. Il fut ensuite conduit à Flöha dans une usine d’aviation. Or, en 1945, alors que les Américains commençaient à délivrer les camps, les gardiens de Flöha s’enfuirent avec les prisonniers en région Sudète où Henri Bourrillon mourra en mai. La Lozère fut libérée en août 1944 alors qu’Henri Bourrillon était mort en déportation. Le département fut également une terre de refuge pour différentes populations notamment pour les juifs. Mille d’entre eux auraient été cachés en Lozère grâce à la complicité des habitants et la passivité des forces de l’ordre. ♦
(1) Sur la légion d’honneur lire l’article du général Nollet, « La légion d’honneur », RDN, n° 9, février 1940, p. 137-152 (www.defnat.com/).
Carte de la 14e étape du Tour de France (© ASO)
Publié le 16 juillet 2022
Jérôme Pellistrandi, Marie Toiron