Le dénouement de la « saga » Starliner une fois de plus reporté
© SpaceNews/Jeff Foust
À Cap Canaveral en Floride (États-Unis), le 6 mai 2024 à 22h34 (heure locale) devait avoir lieu le décollage inaugural du vaisseau Crew Space Transportation-100 Starliner, développé par Boeing, à destination de la Station spatiale internationale (ISS). Avec quatre années de retard sur SpaceX, son concurrent direct, ce lancement très attendu a été encore reporté à la suite d’un problème survenu, cette fois-ci, sur le second étage de la fusée Atlas V de United Launch Alliance (ULA).
Contexte
Après l’accident de la navette spatiale américaine Columbia en 2003, qui a coûté la vie aux sept membres de l’équipage, décision fut prise d’y mettre un terme en 2004. D’autant plus que cette dernière, outre une précédente tragédie en 1986, s’est révélée onéreuse avec en particulier des coûts de réparation et d’entretien conséquents. En 2014, un appel d’offres, lancé par la NASA (agence spatiale américaine), est remporté par les sociétés SpaceX et Boeing dans le cadre du programme Commercial Crew Transportation Capability (CCTC). Le but est de devenir complètement autonome dans le transport des équipages entre l’ISS et la Terre et ainsi s’affranchir de la dépendance vis-à-vis des vaisseaux russes Soyouz. Enjeu crucial et renforcé dans un contexte géopolitique marqué par la guerre en Ukraine.
Partenaire historique de la NASA, Boeing reçoit alors une enveloppe budgétaire de 4,2 milliards de dollars alors que la société SpaceX, fraîchement arrivée sur le marché, reçoit un portefeuille de 2,6 Mds $. Fidèle reflet de l’esprit du capitalisme, cette mise en concurrence doit permettre d’abaisser les coûts des activités spatiales, en achetant des services « clés en main », tout en favorisant l’innovation.
En 2019, Boeing essuie un premier revers : l’orbite visée n’est pas atteinte lors de sa première mission test inhabitée. En cause, la défaillance d’un ordinateur à bord. La capsule était alors revenue sur Terre deux jours après son décollage, avortant sa mission initialement prévue de 8 jours. En 2020, SpaceX déjoue tous les pronostics en étant la première des deux sociétés à lancer, à bord de son vaisseau Crew Dragon, un équipage à destination de l’ISS. En 2021, un problème de valves bloquées sur la capsule de Boeing entraîne un report alors que la fusée était sur le pas de tir. En 2022, Boeing parvient finalement avec succès à envoyer sa capsule Starliner, sans équipage, à destination de l’ISS. La même année, un problème détecté concernant les parachutes, censés ralentir la chute de la capsule lors de l’atterrissage, empêche le lancement inaugural du vol test habité.
Parallèlement, Boeing doit faire face à une série de déboires concernant ses avions de ligne. Sans en dresser une liste exhaustive nous pouvons citer les deux accidents meurtriers de 2018 et 2019 ou encore le décrochage d’une porte d’un 737 Max à 5 000 mètres d’altitude. Autres exemples, rien que la semaine du 6 au 12 mai, quatre incidents se sont produits : la sortie de piste d’un 737 au moment du décollage à Dakar (Sénégal), l’atterrissage d’urgence d’un 767 à Istanbul (Turquie) et le détournement de deux vols de la compagnie française Air France après avoir décelé une odeur de chaud dans l’avion. Si les causes de ces incidents restent encore à être déterminées, cette série noire fait une très mauvaise publicité à la société américaine. Trois des quatre avions commerciaux (1) de Boeing sont visés par une enquête supervisée par l’Agence américaine de l’aviation civile (Federal Aviation Administration). Un succès concernant le volet spatial de son activité est un enjeu de taille pour Boeing afin de retrouver une image de prestige.
Nouveau report de lancement pour Starliner
Pour autant, Boeing devra encore faire preuve de patience avant de voir son vaisseau propulsé dans l’Espace. Deux heures avant l’heure du décollage, le 6 mai, alors que les astronautes étaient déjà installés dans le vaisseau, un problème est survenu concernant une valve de l’étage supérieur Centaur du lanceur. Avec deux personnes à bord, le commandant de mission Butch Wilmore et l’astronaute Suni Williams (2), décision a été prise de reporter le lancement. Bill Nelson, administrateur de la NASA, rappelant sur X, que « La priorité absolue de la NASA est la sécurité, nous partons quand nous sommes prêts » (3). Prévue pour être réutilisable 10 fois, la capsule Starliner avec un diamètre de 4,6 m et un volume pressurisé de 12 m3 a une capacité d’accueil de sept astronautes (contre quatre pour la Crew Dragon). La NASA a communiqué la nouvelle date du lancement : le vendredi 17 mai. Si la mission se solde par un succès, Starliner rentrera dans le prestigieux club des vaisseaux spatiaux ayant emmené des hommes dans l’Espace. ♦
(1) Le 737, le 787 Dreamliner et le 777.
(2) Deux anciens pilotes américains passés par l’US Navy et ayant déjà foulés (ou plutôt flottés dans) l’ISS.
(3) As I’ve said before, NASA’s first priority is safety. We go when we’re ready (https://twitter.com/SenBillNelson/status/1787642934310904090).
Publié le 13 mai 2024
Manon Pasquier