Recommandez ce livre aux historiens, il a en lui le passé, le présent, l'avenir sans obliger à des recherches pour suivre tout ce qui est dit. Mais à supputer tout seul ce que peut bien vouloir faire la Chine on se tromperait si l'on avait en tête des intentions émanant d'un État-nation.
La Chine se débrouille avec le problème de ne pas être un État-nation et de fonder la stabilité sur des moyens qui ne sont pas éprouvés. Citer quelques phrases situera tout de suite l'ouvrage fait :"La conséquence paradoxale du succès des premières réformes, et de l'arrivée de la Chine au premier rang de l'économie globale, c'est qu'elle a rendu moins nécessaires, ou moins urgentes, les réformes politiques. Le vieil adage tocquevillien, selon lequel un pouvoir ne prend jamais autant de risques que quand il commence à se réformer, ne s'est pas appliqué à la Chine. Le régime a tiré un profit extraordinaire de ses réformes initiales et a tourné le dos aux projets de réforme politique." Et puis encore : "on l'a vu, le modèle économique chinois et le système politique, en vérité la coalition d'intérêts qui porte cette croissance, sont insoutenables à terme."
Et pourtant la prochaine phase de l'économie chinoise ne sera peut-être pas aussi sombre que François Godement semble l'entrevoir : elle se fera sur la croissance intérieure, comme au Japon, et suivant la mise à jour des industries avec d'autres produits que ceux de l'électronique appliquée et les textiles d'exportation (même en 1964, le Japon avait encore de beaux jours à venir). Par contre, des capitaux étrangers qui ont été investis en Chine pour une production mondiale, souffriront. Au Congrès de Vienne qui, imagine-t-on, pourrait bien se tenir après les vaines gloires de la puissance militaire du monde occidental, la Chine ne serait pas aussi forte qu'on croit mais tous les pays intéressés à l'Asie demanderaient à fonder le nouveau monde sur des engagements de la Chine à son égard.