Ce gros ouvrage est un monument d’érudition, bien que limité dans le temps d’investigation à la période d’une durée de moins de trois siècles s’étendant de 1515 (encore que le choix de cette date bien connue des écoliers ne soit pas justifiée ici de façon évidente) à 1793, lorsque la Convention abolit le titre à l’encontre de Luckner et de Rochambeau, le 21 février, un mois exactement après l’exécution du roi et plus de vingt ans avant la fournée napoléonienne. On n’entendra donc parler ici, sauf sous forme de quelques allusions, ni de Davout, ni de Mac-Mahon, ni de Foch, ni de Leclerc.
La période considérée n’en fut pas moins riche en événements guerriers et prolifique en porteurs du fameux bâton. L’auteur n’a pas choisi la solution facile d’un simple exposé chronologique mais présente en quatre parties et quinze chapitres une étude analytique sur la nature du titre (état ? office ? charge ? ordre ? dignité ?) en tous cas non transmissible en héritage, l’appartenance à la noblesse, les mérites militaires réels ou supposés, les avantages matériels, les responsabilités territoriales et judiciaires. Cet abord méritoire du sujet entraîne forcément des longueurs et des répétitions mais laisse toute leur place aux grands chefs de l’époque, les Maurice de Saxe, Turenne et surtout Villars, ajoutant à leurs réelles vertus le souci de les faire connaître en haut lieu, y compris dans les boudoirs de la Montespan, la Maintenon ou la Pompadour.
L’âge moyen de promotion se situait vers la cinquantaine, avec quelques exceptions dans un sens ou dans un autre. Quant à l’effectif, il fut fort variable, de cinq à une vingtaine, frôlant alors la pléthore (« les fournées de maréchaux à la douzaine »), en fonction du caractère plus ou moins belliqueux de l’époque et de la personnalité du souverain tenté souvent, sans grand succès, de fixer un nombre et de se contenter de remplacer les partants (comme à l’Académie) mais obligé aussi de tenir compte des protestants, ligueurs et frondeurs et de naviguer dans un univers « ponctué de rivalités, tensions et désaccords ».
Nous nous situons ici dans les sommets de l’échelle sociale de l’époque. La notion d’honneur est dominante mais Saint-Simon et Voltaire sont en embuscade, tandis qu’épigrammes et libelles fleurissent dans les milieux populaires, dénonçant des « récompenses de cour voire d’alcôve ». Il reste que les maréchaux, soumis au serment, présents aux lits de justice, rêvant au terme ancien et prestigieux de « connétable » furent un des piliers du régime monarchique et que certains d’entre eux, à côté de quelques nullités, furent d’éminents stratèges, honorés de nos jours dans nos villes par le baptême de nombreux boulevards. Le livre est complété par une série d’annexes fort utiles qui replacent dans leur contexte les récits et anecdotes qui parsèment ces pages.