Ce livre nous propose d’explorer l’espionnage naval, un angle de vue délaissé mais pourtant crucial, durant la guerre froide, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à l’effondrement du bloc soviétique. Il offre une histoire complète avec des témoignages d’officiers de l’Est comme de l’Ouest, et après dépouillement des archives américaines et russes, regorgeant ainsi d’anecdotes.
Avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, Américains et Soviétiques se méfient et tentent de s’emparer, à leur profit, des technologies allemandes notamment celles des derniers sous-marins du Reich.
Le poste d’attaché naval y est montré comme particulièrement propice à cette activité par le biais des visites officielles et les réceptions privées. Les escales, bien que rares, représentaient l’occasion d’utiliser les nombreux contacts entre les équipages et la population locale, pour récolter des renseignements sur la marine et la société soviétiques. L’ouvrage met en évidence le verrouillage de l’Union soviétique par la quasi-impossibilité pour les attachés militaires de sortir du rayon de 62 kilomètres autour de Moscou.
Le livre ouvre des éclairages sur des événements importants de la période, notamment l’affaire de l’accident du Novorossiysk (ancien Giulio Cesare, cuirassé italien) qui a mystérieusement coulé en octobre 1955, causant des centaines de victimes. Il expose l’enquête et les thèses allant de la négligence, au sabotage par un fasciste alimentant la paranoïa conduisant à renforcer les défenses sous-marines soviétiques.
On apprend le pourquoi de grandes décisions, notamment la vérité sur l’incident du golfe du Tonkin dans la nuit du 4 au 5 août 1964 où une opération de sauvetage fut, par une erreur de traduction bienvenue pour certains, confondue avec une attaque menant ainsi à l’escalade avec les bombardements du Nord-Vietnam.
On mesure l’influence du renseignement dans l’orientation de la guerre froide, notamment avec l’espion français « Murat » livrant des informations cruciales à Khrouchtchev sur le déploiement des missiles à moyenne portée de l’Otan en Europe, qui décidera celui-ci à installer les fameux missiles controversés de Cuba. Ou le réseau Walker qui donna dans les années 1970 par la fourniture de nombreux documents un avantage écrasant aux Soviétiques qui aurait été décisif en cas de conflit maritime.
Plus le temps passe, plus les innovations technologiques jouent un rôle décisif dans le renseignement naval pratiqué à l’échelle mondiale. L’auteur nous montre le quotidien de ces marins jouant au chat et à la souris dans les mers du globe, se surveillant sans cesse.
Anecdote stupéfiante, aucun accord soviéto-américain n’existait pour prévenir d’éventuels incidents entre marines de guerre des deux pays. Un simple accrochage aurait pu mener à l’escalade, les marins des deux camps se fiaient uniquement aux traditions maritimes de prudence et de courtoisie lors des situations de tensions. L’absence de drames semble résulter de l’absence de volonté belliqueuse de ces hommes, il est clairement indiqué que pour ceux-ci la guerre froide fut d’abord l’affaire des États et pas celle des hommes à bord.