La préparation du débarquement allié en Normandie du 6 juin 1944 a vu l’élaboration de plans spécifiques devant être mis en œuvre par la Résistance en appui des opérations aéroportées et amphibies. Le Special Operations Executive (SOE) développa ainsi trois plans en liaison étroite avec le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), l’organe de renseignement de la France Libre. Le Bleu concerne les réseaux de distribution électrique. Le Vert s’applique aux chemins de fer et est conduit par Résistance Fer, mouvement interne de la SNCF fondé en 1943 pour lutter contre les occupants allemands. Le plan Violet est destiné aux réseaux de télécommunications dépendant de l’administration des PTT. Ce dernier est le moins connu d’autant plus que les archives notamment britanniques sont restées classifiées jusqu’au début des années 90.
Le livre ici proposé est le premier à faire le point sur cet épisode important de la guerre de l’information mais aujourd’hui oublié et où les transmetteurs français militaires et civils ont directement contribué à la victoire des Alliés à l’été 1944.
L’objectif principal était la neutralisation des Lignes souterraines à grande distance (LSGD) utilisés par l’administration française mais aussi par les forces allemandes, selon des plans établis à l’avance et qui incluaient également la phase de reconstruction. Le déclenchement du plan fut planifié en détail dans les mois précédant le D-Day. Le réseau des LSGD représentait environ 10 000 kilomètres en 1939 et il avait peu souffert de la campagne de France en mai-juin 1940. Les Britanniques avaient estimé que les coupures (environ 2 000 en trois jours) n’entravaient réellement les télécommunications allemandes que durant 48 à 72 heures, le temps de mettre en place des réseaux radio de secours et de réparer les liaisons filaires. Mais ce délai, certes faible, était précieux tactiquement car les Alliés disposaient des capacités techniques et humaines, dont la maîtrise du décodage de la machine Enigma, pour intercepter alors les communications radio et les décrypter. Cet emploi massif de la composante écoute de la guerre électronique est resté secret durant les années suivantes et tout au long de la guerre froide afin de ne pas révéler l’avance anglo-américaine dans ce domaine.
Au final, ce petit livre (110 pages) est particulièrement instructif sur une action qui conserve aujourd’hui toute sa pertinence à l’heure de la cyber-guerre et où la maîtrise de l’information est toujours un facteur essentiel de succès stratégique. Cela constitue un champ d’investigation majeur pour la recherche stratégique.