« Pour les consciences des opinions publiques, les choses paraissent claires : l’armée israélienne n’a pas gagné, donc elle a perdu ; le Hezbollah n’a pas été écrasé, donc il a gagné ». Ce livre passionnant nous plonge au cœur d’une guerre étonnante, nous relatant de façon très détaillée les bouleversements et les rebondissements du côté des deux protagonistes.
L’ouverture des hostilités débute le 12 juillet 2006, lorsque des miliciens du Hezbollah s’infiltrent en territoire israélien, tuant huit soldats et parvenant à en capturer deux autres. La réaction israélienne ne se fait pas attendre et une puissante campagne aérienne a lieu. Tout le monde s’attend à une opération ciblée dans le Sud-Liban, fief du Hezbollah, mais à la surprise générale, l’opération s’étend sur tout le pays jusqu’à Beyrouth, la capitale, détruisant ponts, autoroutes, raffineries, centres de téléphonies et même l’aéroport. Les Israéliens justifient leurs actions en dénonçant l’État libanais qu’il juge responsable et en condamnant fermement la passivité dont il fait preuve face à l’organisation chiite du Hezbollah. Ehud Olmert, Premier ministre israélien de l’époque, prédit une glorieuse victoire, affichant des objectifs difficilement atteignables à savoir l’éradication totale du Hezbollah et la libération de leurs deux soldats.
Contre toute attente, le Hezbollah résistera à ce long mois de guerre et réussira même à riposter par de nombreux tirs de roquettes, devenant de plus en plus nombreux au fur et à mesure que les combats duraient et que les bombardements israéliens s’intensifiaient ; les deux soldats resteront entre leurs mains.
Les scènes de combats sont bien décrites et nous pouvons percevoir les sentiments d’égarements et de troubles des soldats de Tsahal. En effet, freinée par une politique du « zéro victime », la chaîne de commandement hésite, revient sur ses ordres précédents et commence à douter. En outre, l’opinion internationale qui donnait raison à l’intervention d’Israël au début de la guerre, se déplace farouchement du côté du Hezbollah après que plusieurs centaines de civils libanais aient été tués lors des bombardements aériens. La disproportion de la réponse se fera même condamner par les diplomaties occidentales.
On peut alors légitimement se poser la question suivante : « Comment une armée si puissante que Tsahal, qui triompha glorieusement durant la guerre des Six Jours et pendant la guerre au Liban en 1982, a pu se trouver complètement déstabilisée par une milice forte de quelques milliers d’hommes ? ». C’est à cette question que veut répondre cette réflexion.
Primo, nous apprenons que l’Armée de terre israélienne, qui a subi de nombreuses pertes, ne paraît pas assez préparée et les auteurs l’expliquent ainsi : d’abord l’armée était depuis très longtemps réquisitionnée dans la bande de Gaza et avait des missions policières et non militaires ; ensuite les coupes budgétaires avaient considérablement affecté la réserve, beaucoup moins nombreuse et entraînée qu’auparavant.
Secundo, il faut mentionner la victoire tactique du Hezbollah. Ce livre nous montre précisément ses habiletés stratégiques et dissèque parfaitement l’organisation chiite, qui s’était admirablement préparée à cette guerre. On apprend qu’elle disposait d’un formidable réseau souterrain, de lignes de défenses remarquables et, ce que l’armée israélienne ne soupçonnait pas, une infanterie entraînée et motivée même si les pertes sont beaucoup plus nombreuses que celles de soldats israéliens. Quand, au sein d’une armée, toute perte équivaut à un drame sans précédent et qu’en face, au sein d’une milice, le sacrifice est au contraire glorifié, la dimension psychologique devient primordiale. Le Hezbollah disposait également d’un arsenal considérable de roquettes (bien détaillé dans le livre avec des annexes remarquables) et d’armes antichars des plus modernes, fourni pour la plupart par la Syrie et l’Iran, ses deux alliés principaux. Au lendemain de la guerre, le Hezbollah en est sorti grandi, devenant une fierté pour le monde arabe.
Du côté israélien, l’incompréhension règne, chaque institution rejette la faute sur l’autre et de nombreux limogeages ont lieu dans la chaîne de commandements militaire.
En conclusion, bien qu’ayant subi beaucoup moins de victimes et de dégâts matériels, une armée régulière perçue comme invincible, aura, aux yeux de beaucoup, perdu une guerre face à une petite milice très bien organisée et courageuse. Dans la préface du livre, Joseph Maïla rappelle d’ailleurs très justement : « C’est aussi la preuve que la guerre est un fait culturel vivant qui évolue avec les sociétés et leurs pratiques sociales ».