Avec ce livre, un outil précieux vient d’être mis à la disposition des chercheurs et des historiens de la guerre d’Algérie et de la France de la seconde moitié du XXe siècle. Ce journal personnel, découvert tardivement, dans les années 1990, constitue un témoignage inédit et donc forcément intéressant d’un des acteurs majeurs d’un événement plus retentissant que déterminant dans un long et difficile processus de sortie de guerre qu’il n’acceptera jamais.
Outre les considérations personnelles d’un détenu sur son quotidien, toujours touchantes, on a là « l’autoportrait (d’un homme) brisé par une raison d’État qu’il n’a jamais acceptée mais somme toute assez différente de l’image stéréotypée du militaire aux vues “expéditives et limitées” qu’en a conservées l’histoire », écrit dans sa préface l’historien Serge Berstein.
En effet, il ne s’agit pas d’un simple plaidoyer pro domo, mais bien d’un ensemble de considérations et de réflexions sur la politique, nationale ou internationale, la religion et la foi, mais aussi l’histoire et l’Europe, qui ne manquent ni de sérieux, ni de pertinence, ni même d’originalité, car André Zeller y expose des opinions auxquelles on ne se serait pas forcément attendu à trouver chez lui, qu’il s’agisse de son rejet du soutien de l’extrême-droite ou du maréchal Pétain de Vichy, ou encore de son engouement pour la figure du capitaine Rossel, dirigeant militaire de la Commune de Paris.
Sur les événements d’Alger en tant que tels, ses souvenirs confirment ce que nous savions : le « putsch » n’en était pas véritablement un, car il manquait de véritables ambitions politiques et ne posait pas la question du pouvoir autrement qu’en termes personnels (l’éviction du général de Gaulle) ; il n’était donc en rien révolutionnaire, et à peine contre-révolutionnaire. De même, Zeller explique bien à quel point le « quarteron de généraux en retraite » fut largement instrumentalisé par de jeunes officiers qui avaient conçu – très mal – l’ensemble de l’entreprise.
Restent, chez l’auteur, le rejet radical du général de Gaulle, tant le chef d’État que l’homme, mais aussi, et peut-être surtout, la compréhension quasi parfaite du caractère vain de l’entreprise face à un monde qui n’était désormais plus le sien.