Les éditions L’Harmattan publient énormément, boulimie qui va de pair avec la maltraitance des auteurs. Dans cette pléthore brillent quelques perles. Le livre de Jean-José Ségéric en est une. Officier de marine de profession, l’auteur se limite à la carrière navale de son héros. Il y a beaucoup à dire, puisque Winston Churchill fut Premier ministre de 1940 à 1945 et de 1951 à 1955, et Premier Lord de l’Amirauté en 1939.
Des grands chefs, il a les qualités et les défauts, ces derniers fort bien perçus par l’auteur : alliant « ignorance technique et manque de tact », il est « pragmatique et péremptoire » et d’un « égocentrisme monstrueux ». Certes, ses talents sont multiples et variés, littérature et peinture sont pour lui plus que des hobbies. Il foisonne d’idées, et toutes ne sont pas bonnes. L’auteur parle de ses « lubies stratégiques » et Winston lui-même dit que « le succès vient de la capacité d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». Las ! Il traîna toute sa vie un boulet : sa responsabilité, incontestable, dans l’échec des Dardanelles et de Gallipoli en 1915, dont il peina beaucoup à se justifier. Il est d’autres exemples des foucades du vibrion : à onze jours du débarquement en Provence, Churchill suggère à Eisenhower de débarquer à Brest (note p. 349) ! Mais c’est, bien sûr, l’affaire de Mers-el-Kébir (opération Catapult) que le lecteur attend. Ce désastre est à comparer à l’heureux dénouement des tractations d’Alexandrie, magistralement traitées par les amiraux Cunningham et Godfroy. Chemin faisant, le lecteur rencontrera de Gaulle. Il n’est pas ici à son avantage. La ridicule affaire de Dakar, en septembre 1940 (opération Menace) est à la mesure des illusions qu’il entretient sur sa popularité chez les Français d’Afrique. L’épisode du débarquement à Rufisque, échouant face aux tirailleurs de l’aspirant Coustenoble, vaut son pesant de cacahuètes.
La bataille de l’Atlantique, ainsi baptisée par Churchill lui-même, fut gigantesque, apogée de la guerre sous-marine. En 1943, les Allemands mettaient à l’eau vingt sous-marins par mois ! Résultat : quelque 70 000 marins alliés périssent de leur fait et autant d’Allemands. À l’inverse, les raids de Bomber Harris furent trop imprécis pour obtenir le résultat stratégique attendu.
On néglige souvent les annexes d’un livre. Ici, on aurait tort : on y présente deux hautes figures de la pensée navale : l’amiral Mahan (pourtant, comme nous disons vulgairement, amiral « quart de place ») et Mackinder, inventeur de la géopolitique.