Les accros de la télé – nous le sommes tous – connaissent Pierre Servent, sa prestance, son aisance devant les caméras et la pertinence de ses analyses sur la conjoncture guerrière bizarre qui est désormais notre lot commun. C’est dire l’attention que l’on doit porter à son dernier livre. Le titre est explicite et une citation d’Abou Bakr al-Baghdadi, pseudo-calife d’un pseudo-État, le précise : c’est de l’islam qu’il s’agit, notre ennemi séculaire.
Daech en a rajeuni la bannière, s’appropriant les techniques du « septième art ». Sa vérité simpliste, ses prescriptions précises balisant le harâm et le halâl, séduisent « les âmes désœuvrées de notre société sans Père ni repères ». Constat effrayant et incontestable : la population carcérale de France compte environ 30 000 musulmans.
Le plan de l’ouvrage de Servent est simple : hier, aujourd’hui, demain. Hier, ce sont les printemps arabes, trop vite célébrés alors que déjà ils tournaient au vilain temps. Aujourd’hui la guerre s’étend. Elle fait moins de morts que n’en faisaient nos empoignades réglées du XXe siècle, mais ses victimes nous touchent davantage : « elles nous ressemblent terriblement ». Les messianistes, espèce redoutable, sont de retour et l’auteur en fait une galerie de portraits : al-Baghdadi bien sûr, mais aussi George Bush père, le tsar Poutine, le nouveau sultan turc, Erdogan, l’Israélien Netanyahou. La « pétaudière syrienne » a causé plus de 230 000 tués. Daech enfin, Daech surtout, met habilement en scène des massacres perpétrés par des adolescents : « esthétique du diable », dit l’auteur.
La troisième partie annonce ce qui nous attend. Voici les « guerres obliques » : l’Algérie moribonde, la Chine qui, lointaine sans doute, réveille le « péril jaune » avec lequel nos grands-pères, déjà, se faisaient peur, notre Occident enfin où dorment d’un œil des « djihadistes sédentaires ». Voici les guerres spéciales, cyberguerres, opérations invisibles dont notre COS est expert. Voici enfin la plus redoutable, guerre des valeurs où nous sommes bien mal engagés, nous y présentant sous les couleurs de la laïcité, non-valeur exemplaire.
Le dernier chapitre, « La Samaritaine et le Coran », porte un titre plaisant, mais trompeur. Non, on ne trouve pas « tout » dans le Coran comme dans notre célèbre grand-magasin et le Prophète y recommande clairement l’usage d’une sainte violence. La conclusion se ressent de cette ambiguïté. Aux armes, citoyens ! L’appel tombe à plat. Dommage.