Il s’agit du quatrième ouvrage dédié à la Russie de la part de Harpia Publishing complétant les volumes précédents décrivant les aéronefs. Il permet de présenter l’organisation et les structures des forces aériennes russes aujourd’hui qui comprennent autour de 2 300 avions et un millier d’hélicoptères. D’autres services mettent en œuvre des aéronefs dont le FSB avec une centaine d’avions et 250 hélicoptères.
Depuis 2011, environ 500 avions et 700 hélicoptères ont été livrés, soit dix fois plus que lors de la période 2001-2010. Il faut donc constater une réelle volonté de modernisation des équipements avec de nouveaux avions de combat. Par contre, la situation est moins favorable pour l’aviation de transport qui n’a pas bénéficié de la même priorité avec l’absence de livraisons et de développement de nouveaux programmes.
Il ressort à la lecture de l’ouvrage plusieurs observations. Tout d’abord, l’espace aérien russe à surveiller est hors-norme, compte tenu de la géographie du pays avec sa superficie et sa diversité. Cela pose de vraies difficultés opérationnelles pour Moscou. Toutefois, l’expérience acquise en Syrie depuis 2015 est un atout en permettant d’aguerrir le personnel, tester et améliorer les équipements, et enfin renforcer l’organisation du C2. De fait, la Syrie apporte une réelle plus-value aux forces aériennes, servant en quelque sorte de banc d’essais.
Par contre, compte tenu de la structure de l’économie russe très dépendante de l’exportation des hydrocarbures, la baisse du prix du baril est un frein à la modernisation. Ainsi, durant la période 2012-2013, le prix tournait autour des 100 dollars alors qu’il est depuis 2014 entre 60 et 70 dollars. Dès lors, cela limite les capacités d’investissements de Moscou avec notamment un ralentissement dans la conduite des programmes tant de nouveaux aéronefs que de remise à niveau des flottes actuelles, malgré les discours parfois emphatiques. On constate également une très grande hétérogénéité des flottes avec de nombreux modèles eux-mêmes déclinés en de multiples versions. C’est le résultat de l’histoire aéronautique soviétique puis russe, accumulant la production d’engins. Ainsi, il existe pour les bombardiers à long rayon d’action trois types, le Tu-95MS, un quadrimoteur à hélice, le Tu-22M3 à géométrie variable et enfin le Tu-160 équivalent du B-1 américain.
Pour les chasseurs et avions d’appui, MiG et Sukhoi se partagent les modèles tous spécialisés pour une mission spécifique, d’où un parc trop pléthorique avec des conséquences en termes de MCO, certains appareils étant anciens comme le MiG-31 dont le premier vol a eu lieu en 1975, dérivé du MiG-25 ayant décollé pour la première fois en 1964 ou encore le MiG-29 entré en service à partir de 1983. Il faudra attendre le Su-57 pour que la Russie dispose d’un avion de cinquième génération plus polyvalent. Un premier lot de 76 appareils a été commandé avec des livraisons commençant en fin d’année selon les annonces faites récemment. D’ores et déjà, il est prévu une remotorisation de cette tranche 1.
L’ouvrage aborde également l’aéronavale qui, de fait, est basée à terre ; l’unique porte-avions, le Kuznetsov, étant très peu disponible, sans parler de ses obsolescences. L’aviation de la marine russe est organisée en quatre flottes (Nord, Pacifique, Baltique et mer Noire) et une flotille dédiée à la mer Caspienne. Globalement, la situation s’est dégradée depuis la fin de l’ère soviétique, faute de priorité compensant par l’arrivée de nouveaux missiles antinavires modulables à longue portée du type « Kalibr ». L’avenir de l’aviation embarquée reste très aléatoire avec l’arrêt forcé du Kuznetsov après le naufrage du dock flottant qui servait à une refonte du navire. En l’absence de reconstruction du dock PD-50 de conception suédoise, il faudrait aménager une nouvelle darse pour accueillir le navire qui a été endommagé lors de l’accident du PD-50. Et malgré la présentation régulière de maquettes de porte-avions géants, il est peu vraisemblable que Moscou s’engage à court terme dans un tel projet particulièrement coûteux.
Malgré ces insuffisances, il faut cependant souligner une amélioration relative des forces aériennes de la Russie, en particulier avec l’augmentation des heures de vol. Ainsi, en 2001, un pilote volait environ 14 heures. En 2018, il vole désormais environ 100 heures. De plus, s’il a été projeté en Syrie, son expérience opérationnelle s’est largement accrue. Il n’en demeure pas moins que globalement la flotte reste encore basée sur la quantité à défaut d’innovation dans les avions.
Les publications (en anglais) d’Harpia Publishing permettent ainsi d’avoir une approche précaire des forces russes ici sans tomber dans des clichés fantasmés. La Russie a retrouvé des couleurs dans le domaine militaire mais reste encore en retrait face aux réalisations occidentales. Toutefois, la quantité d’avions disponibles ou en parc permet de conserver du moins sur le papier un rapport de force conséquent.