« On n’attaque une ville qu’en désespoir de cause », Sun Tzu (L’Art de la guerre, chapitre III)
Au siècle de la mondialisation, face à un processus d’urbanisation généralisé et toujours en expansion, la guerre, et avec elle le rôle même du militaire, sont en mutation. Depuis 1990 et d’autant plus aujourd’hui, la ville est devenue le lieu privilégié de l’intervention militaire, imposant aux armées un ajustement de leurs stratégies, tactiques et moyens.
Dans son ouvrage, Dorothée Lobry, docteur en stratégie militaire et capitaine de réserve de l’Armée de terre au Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement (CDEC), nous livre les caractéristiques et les enjeux de ce type d’intervention. Elle décrypte ainsi, de manière fluide et accessible, le défi que représente la zone urbaine dans les combats du XXIe siècle.
Un point d’honneur est d’abord mis, à juste titre, sur la géographie physique et humaine, qui représente un facteur essentiel à connaître et à maîtriser pour dominer l’ennemi. La ville comme terrain, revêt ces dernières décennies une importance particulière, compte tenu de sa valeur stratégique et de la nature irrégulière des adversaires actuels. Les enjeux soulevés par un tel milieu – imprévisibilité, promiscuité, obscurité, asymétrie, maîtrise de la violence et surtout présence de populations civiles – exigent une réponse opérationnelle que la France a su adopter dès les années 2000, notamment avec la rédaction du « Manuel d’emploi des forces terrestres en zone urbaine » en 2005, la création du Cenzub (Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine) l’année suivante, installé dans le camp de Sissone (Aisne), et plus récemment l’adaptation des systèmes de combats individuels et collectifs (FELIN et SCORPION).
Du fait de la présence de non-combattants dans le milieu urbain, de telles opérations s’accompagnent nécessairement de missions d’information de la population, de gestion des médias, d’accompagnement post-conflit – maintien de l’ordre public, redressement économique et social ou encore désarmement. Polyvalence et réversibilité sont de mise, dans un contexte où les militaires endossent une double casquette guerrière et sociale. Le climat de menace permanente et protéiforme, liée notamment à la difficulté d’identifier l’ennemi, rend ce type de combat particulièrement éprouvant, physiquement comme psychologiquement. Après un tel exposé de l’auteur, il apparaît d’autant plus important de concentrer les efforts sur une bonne formation préalable incluant l’aguerrissement, mais également sur le développement de nouvelles technologies adaptées à ces combats, permettant la diffusion et la gestion du renseignement jusqu’au plus petit pion tactique déployé dans ce milieu.
Cet ouvrage constitue une bonne initiation aux enjeux des zones urbaines, un éclairage sur l’adaptation de l’Armée française en termes de doctrine, formation et combat. Appuyée sur des références solides et nombreuses, Dorothée Lobry développe une approche globale intéressante pour toute personne avide de découvrir ou étoffer ses connaissances en termes d’emploi des forces en milieu urbain.