L’incendie catastrophique de Notre-Dame au printemps 2019 et les travaux de restauration encore en cours nous ont fait prendre conscience que nous connaissions finalement assez peu un monument qui est à la fois un lieu de culte emblématique, un chef-d’œuvre d’architecture gothique et un point de ralliement de notre conscience nationale. C’est dire si ce livre dirigé par deux universitaires spécialistes du Moyen-Âge, Boris Bove et Claude Gauvard et que viennent de publier les éditions Belin, était attendu.
Loin de se limiter aux aspects purement architecturaux, l’objectif poursuivi par les dix-huit auteurs qui ont contribué à cet ouvrage consiste à « replacer la cathédrale dans la cité, selon une approche historique qui tienne compte à la fois des exigences de l’espace parisien et de ses transformations ». Il est évident en effet que la majesté de la cathédrale que nous pouvons admirer aujourd’hui n’a pu s’imposer que par une profonde transformation du bâtiment, mais aussi par de sévères modifications du quartier environnant (on pense notamment à la reconstruction de l’Hôtel-Dieu). Quand Viollet-le-Duc a entrepris de restaurer la cathédrale, il lui fallait non seulement réparer les dégâts dus aux révolutionnaires, mais aussi les outrages du temps. Dans son esprit, il s’agissait de reconstituer ce qu’il appelait une « cathédrale idéale », unissant à la fois ce qu’il imaginait du Moyen-Âge et les exigences spirituelles de son temps.
Cette histoire de Notre-Dame n’oublie pas non plus « les clercs qui l’ont occupée, les pouvoirs qui s’en sont emparés, les fidèles qui l’ont fréquentée », car tous ont en quelque sorte fait vivre la cathédrale. Car ce fut aussi un lieu d’enseignement réputé avec l’« école cathédrale » où officia notamment Abélard de 1113 à 1117, à une époque où l’université de Paris n’existait pas encore.
La documentation est très fragmentaire pour le haut Moyen-Âge et même parfois pour la période suivante. Ainsi, on considère généralement que le pape Alexandre III aurait posé la première pierre du monument en construction le 24 mars 1163, mais la scène n’est corroborée par aucun document.
L’église cathédrale primitive avait été construite au IVe siècle. Pendant les 800 ans qui séparent le premier édifice de la cathédrale gothique se sont succédé quatre constructions : une cathédrale paléo-chrétienne, une mérovingienne, une carolingienne, et une romane construite non pas à la place, mais à côté de la précédente…
Maurice de Sully se préoccupe de faire construire la cathédrale gothique dès qu’il accède à l’épiscopat en 1160. Au XIIe siècle, de profondes mutations avaient déjà préparé cette décision : la prospérité économique croissante de Paris et de l’Île-de-France en général, la décision de Philippe Auguste de faire de Paris sa capitale, l’ébullition intellectuelle qui en fait un haut lieu de la dialectique et de la théologie, la stabilisation des rapports entre l’évêque et les chanoines.
La construction de la cathédrale que nous connaissons s’est ensuite poursuivie sur 170 ans.
L’incendie de 2019 et les travaux de reconstruction en cours, comme les dernières découvertes archéologiques, permettent aujourd’hui de formuler de nouvelles hypothèses sur la datation du monument, sur les matériaux employés ou sur les méthodes de construction, ce qui fait de cette publication le nouvel ouvrage de référence sur la cathédrale Notre-Dame.
Conformément à ce qui fait maintenant l’identité de cette collection chez Belin, le livre est richement illustré à l’aide d’une belle iconographie qui en renforce le propos. L’ouvrage inclut également une douzaine de cartes, une chronologie et un glossaire. Il comporte trois parties : « La genèse du bâtiment » (IVe-XIVe siècle) ; « Les fonctions de la cathédrale » (XIIe-XVIIIe siècle) qui évoque notamment l’école cathédrale, les justices et l’Hôtel-Dieu ; « Notre-Dame dans le siècle » (1789 à nos jours). ♦