Les éditions Heimdal, spécialistes de publications sur les questions de défense et d’histoire militaire, proposent un album richement illustré sur l’aviation de combat aujourd’hui dans le monde et en focalisant leurs propos sur les avions du type chasseur ou chasseur bombardier. Les auteurs, François Brévot, Philippe Nôtre et Yannick Smaldore sont des experts reconnus du domaine et apportent ici une excellente synthèse des principaux programmes en cours.
L’un des intérêts de l’ouvrage porte, notamment, sur les caractéristiques principales de la puissance aérienne avec ses évolutions à venir. Actuellement, il y a environ 14 000 avions de combat dans le monde, dont 5 000 en Asie et 2 700 aux États-Unis. Plus de la moitié de ces appareils devront être remplacés d’ici la fin de la décennie, d’autant plus que la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques avec les États impériaux et ambitieux comme la Chine ne portent pas à la diminution des efforts de défense de nombreux pays, se sentant de plus en plus menacés. L’outil aérien est alors indispensable et concourt directement à la sécurité des États.
Bien sûr, la première place revient aux États-Unis, et ce depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec une ambition assumée et une capacité à innover – au risque de se lancer dans des programmes très coûteux, comme le F-35 – sans équivalent dans le monde, même si des avions comme le Rafale français sont désormais de vrais compétiteurs et arrivent à décrocher des marchés à l’exportation.
Le match entre Lockheed Martin, constructeur du F-16, du F-22 et du F-35 et Boeing, qui produit le F-15 EX Eagle II et le F-18 E/F Super Hornet, structure le marché depuis de nombreuses années, avec des perspectives s’étalant sur plusieurs décennies. Désormais, un type d’avion parcourt au moins un demi-siècle, entre la phase de conception et de développement puis de son utilisation avec des retrofits réguliers, améliorant les performances. Cette durée est aussi valable pour d’autres programmes comme le Rafale. Même si celui-ci est entré en service à partir de 2001, l’avion français n’a pas encore atteint sa mi-vie, et il devrait encore voler au-delà de 2050. Certes, le démarrage fut laborieux et il fallut attendre 2015 pour un premier succès à l’exportation avec l’Égypte, mais désormais l’avion est une sucess story, avec 495 avions commandés dont 285 à l’exportation.
Il n’en demeure pas moins que l’appareil français se retrouve fréquemment en concurrence avec le F-35 déjà en service dans plusieurs pays européens, dont bientôt l’Allemagne, renouvelant ce qui s’était passé avec le F-16, dont le premier vol date du 20 janvier 1974 et dont 4 700 exemplaires ont déjà été construits avec 2 300 opérationnels à ce jour, tandis que la chaîne d’assemblage reste active.
Une des caractéristiques des avions occidentaux et présentée ici porte sur la connectivité des plateformes avec un développement croissant du combat coopératif mettant en réseau de nombreux capteurs et effecteurs, dont les drones. La Liaison 16 (L16) avec le poste Multifunctional Information Distribution System (MIDS) constitue aujourd’hui l’outil de l’interopérabilité, du moins pour l’Otan, et le nombre d’aéronefs bénéficiant de la L16 lors de modernisations ne cesse de croître.
Un autre atout relevé est le radar à balayage électronique Active Electronically Scanned Array (AESA) devenu la norme, notamment pour le Rafale qui est le premier chasseur européen doté d’un équipement de ce type et dont le prix est estimé à 7 millions d’euros l’unité. Là encore, les développements technologiques sont très rapides et nécessitent des investissements conséquents, y compris en R&D.
Parmi les autres chapitres, il faut noter celui sur les avions d’entraînement avancé avec la question de la finalité d’un tel type d’engins. Est-il exclusivement dédié à la formation avancée des pilotes ou peut-il être aussi un chasseur léger déployable en opération ?
La France, comme l’Espagne, a choisi le turbopropulseur Pilatus PC 21 d’origine suisse qui vient se substituer à la filière TB 30 Epsilon-Alpha Jet. Bien qu’à hélice, le PC 21 marque une rupture dans la formation et offre, outre une manœuvrabilité remarquable, l’avionique d’un avion de combat et le tout pour un coût d’exploitation inférieur à celui des jets. Pour l’Armée de l’air et de l’Espace, il restera cependant à définir un jour prochain le successeur de l’Alpha Jet pour la mythique Patrouille de France.
L’ouvrage présente ensuite 25 monographies d’avions de combat modernes produits par les États-Unis, la France avec le Mirage 2000 et le Rafale, l’Europe avec l’Eurofighter Typhoon, ainsi que la Suède et son Gripen. Concernant la Russie, la famille Sukhoï est largement représentée, même si les nouveaux appareils comme le SU 57 Felon, qui se veut être un chasseur polyvalent de 5e génération, connaissent des retards quant à leur mise en service, retards qui vont s’accroître avec la guerre en Ukraine et les sanctions économiques prises contre Moscou. C’est d’ailleurs un des enjeux pour le Kremlin que de passer à une économie de guerre pour faire face aux pertes infligées par l’armée ukrainienne.
D’autres pays constructeurs sont également présents comme l’Inde avec le Tejas, le Japon et son J2, ou encore Taïwan et Israël ayant développé le Kfir à partir du Mirage 5. La Chine, quant à elle, rattrape son retard avec de nouvelles productions dont des appareils furtifs comme les J 20 et les J 31. Pékin pourrait d’ailleurs se substituer dans les années à venir à la Russie comme fournisseur d’avions de combat. Pour les Chinois, le développement de ses forces aériennes s’effectue face aux États-Unis, présentés comme le compétiteur principal.
Ce livre richement illustré montre l’importance des avions de combat dans la conflictualité actuelle. Il reste à souhaiter qu’il soit suivi par un ouvrage portant sur les bombardiers, d’autant plus que de nouveaux appareils comme le B 21 Raider conçu par Northrop Grumman devrait effectuer son premier vol cette année, tandis que les bombardiers russes tirent leurs missiles sur l’Ukraine. ♦