C’est avec gourmandise que l’on se plonge dans Red Team – Saison 2, la nouvelle production du processus prospectif initié il y a deux ans par les équipes de réflexion stratégique du ministère des Armées. Ce récit a rassemblé des experts de la défense, des universitaires, les auteurs de sciences-fictions et les futurologues. Issue des travaux de ce laboratoire académique ad hoc, la Saison 2 nous annonce un avenir particulièrement sombre et cataclysmique tout autant que les scénarios imaginés dans l’édition 1. Guerres, violences débridées, rien à attendre de positif du côté de la nature humaine.
Deux facteurs de notre contemporain ont été pris en compte pour tracer les scénarios futurs : les enjeux climatiques et le récit de la crise sanitaire de 2020 suite à la diffusion planétaire du Covid-19. Des méga feux sont à l’origine du choc stratégique initial, bouleversant plus encore le dérèglement climatique. La situation nouvelle impose à la communauté internationale une transition énergétique radicale à l’échelle planétaire. Tout exercice militaire doit désormais recevoir la validation du ministère de l’Énergie et de l’Écologie. Nous voici en 2040. De nouveaux pays sont apparus : les Grands-Duchés de Cracovie, le Ketegan, le Kundani, la Livonie, le Khanat de Minsk, ou encore la Francia Occidentalis. C’est alors que se prépare une nouvelle Révolution dans les affaires militaires (RMA). L’impulsion vient d’un traité international de sobriété signé en 2038. Dans Red Team Saison 2, on est loin des univers ultra-mécanisés imaginé par la science-fiction hollywoodienne. À l’inverse de cette orientation technologique, la prochaine RMA prendrait la forme d’une décarbonation de l’ensemble des dispositifs de défense. Dès lors que la guerre future est écologique, les armes nouvelles prennent la forme de vecteurs biologiques dont l’ADN a été modifiée en laboratoire. L’impératif l’environnemental annonce de nouveaux équipements. Le soldat est doté d’une mini-éolienne et d’un panneau solaire portatif. Des véhicules pourvoyeur d’énergie accompagnent unités et engins de combat électriques, nombre d’entre eux étant robotisés. Au cœur des combats, des insectes tueurs et des armes à énergie dirigée. Les avions de combat ont disparu, et c’est aux ULM et drones électriques d’opérer depuis le ciel. Le message est clair : un futur plus écologique ou d’avantage « climat-responsable » ne sera pas pour autant plus pacifique.
Présenté un an après le premier tome, la Saison 2 se distingue par des illustrations luxuriantes (on pense à Avatar). Cette vision du futur nous invite à une prise de conscience sur les enjeux du moment. Avertissement utile : ce livre n’est en rien le point de vue officiel du ministère des Armées. Toutes les données sont publiques. Le tout est enrichi, un tiers de l’ouvrage, de plusieurs textes académiques, avec par exemple Michel Goya, Terence Strick (Institut de biologie de l’École normale supérieure) et, membre du Giec, le professeur Nadia Maïzi. Ce travail de remue-méninges a été animé par Nicolas Minvielle (professeur à Audencia Nantes et auteur de livres sur le management de l’innovation). Il a fait équipe avec Olivier Wathelet, antropologue. À l’initiative de la Red Team, il y eut Emmanuel Chiva, alors directeur de l’Agence de l’innovation de défense (AID), maintenant Directeur général de l’armement (DGA). Il convient de saluer l’originalité d’une démarche hors les murs particulièrement riche. Stimulant. ♦