C’est un témoignage personnel puissant et émouvant, encore inédit, que nous propose Firmin Daligault avec ses Cahiers de guerre d’un avocat normand. Le sujet n’est naturellement pas nouveau et les récits autobiographiques de la Grand Guerre ne manquent pas, encore que nos grands anciens eussent traversé de telles horreurs dans les tranchées que la plupart d’entre eux sont restés sans voix après-guerre, incapables de traduire par des mots ce qu’ils avaient vécus, même pour leur famille proche.
Né en 1881, Firmin Daligault exerce comme avocat à Domfront dans le Cotentin, où il vit seul avec sa mère, quand il est rappelé sous les drapeaux le 2 août 1914 comme sous-officier au 104e régiment d’infanterie d’Argentan. Le 26 décembre, il rejoint le front, puis est engagé en 1915 dans les batailles de Champagne.
Firmin commence son premier cahier de guerre avec la bataille de Perthes, fin février. Son récit est clair et chronologique, bien écrit et sans a priori. Sa compétence professionnelle s’exprime dans cette narration rigoureuse digne d’un mémoire d’homme de loi. Il raconte ce qu’il vit au quotidien, avec toutefois la hauteur et le recul d’une personne cultivée qui se pose des questions et n’hésite pas le cas échéant à solliciter des réponses. Fin 1918, son commandant notait « Officier d’une grande énergie et d’une grande bravoure, […] d’un zèle et d’une conscience rares. […] D’un caractère assez particulier et d’un esprit critique très développé […]. Très militaire, très discipliné, excellente tenue. »
Au-delà du détail des péripéties et des nombreux aléas vécus par un régiment d’infanterie parmi beaucoup d’autres au cours de cette terrible année 1915, le témoignage de Firmin Daligault nous offre surtout une étude critique très fine et sans concession des comportements humains, singulièrement intéressante, qu’il s’agisse des soldats et des officiers sur le terrain, ou encore de ceux qui donnent les ordres loin du feu.
L’adjudant Daligault termine son récit des batailles vécues en Champagne par « les horreurs de la guerre ». En 1916, il participe à toute la bataille de Verdun comme sous-lieutenant, mais reste muet sur le sujet. Épuisé et affaibli par une dysenterie, il demande alors à passer dans l’aéronautique militaire, qu’il rallie en mars 1917. Il effectuera une centaine de missions de bombardement nocturne comme observateur-bombardier. Il terminera la guerre en mars 1919 avec la Croix de guerre et quatre citations, et sera ensuite décoré de la légion d’honneur à titre militaire.
Ces Cahiers de guerre viennent opportunément nous remettre en mémoire l’histoire de notre pays, au travers des comportements de nos propres aïeux pris dans l’indicible horreur des combats de tranchées. Qu’aurions-nous fait, à leur place ? ♦