Dans son dernier ouvrage, l’ambassadeur Raoul Delcorde dépasse l’histoire de la diplomatie et sa théorie pour entrer dans le cœur du métier de diplomate : la négociation internationale. « Maintenant, on se parle. », sont les premiers mots du Manuel de la négociation diplomatique internationale, préfacé par l’ambassadeur belge Jean de Ruyt, mettant le lecteur directement au cœur du sujet et de l’action.
Car la négociation, de surcroît entre diverses parties prenantes en multilatéral ou au sein d’organisations internationales, si elle est faite de mots, de rhétorique et de verbe, relève bel et bien de l’action. Dans un ouvrage toujours aussi net et précis, Raoul Delcorde, ambassadeur honoraire de Belgique, passé par la Suède, la Pologne, le Canada, l’ONU ainsi que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), décortique tous les tenants et les aboutissants de ce qu’est, au-delà des simples mots, la négociation internationale.
Si la politique, dit-on, est un sport de combat, la négociation diplomatique internationale est, elle, un sport d’endurance et de précision. Dans un monde en constante mutation, qui connaît des troubles qui se sont accrus ces dernières années, et notamment depuis le 24 février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le 7 octobre 2023, du fait de l’attaque tragique du Hamas en Israël, l’on pourrait croire que la diplomatie a perdu de son éclat et de son efficacité au profit du règlement des différends par le conflit armé. Certes, le temps des négociations entre l’Ukraine et la Russie n’est pas à l’ordre du jour ; mais les signatures, le 16 février dernier d’accords bilatéraux de sécurité entre l’Ukraine et l’Allemagne, d’une part, la France et l’Ukraine, d’autre part, montrent que la course de fond de la diplomatie internationale bat son plein. Il en est de même au sein d’une organisation internationale comme l’Union européenne (UE), où les négociations sont en cours au sujet de l’intégration de l’Ukraine dans la communauté européenne.
Aussi, c’est pour cette raison que le Manuel de la négociation diplomatique internationale est plus que jamais d’une utilité majeure. La diplomatie, de surcroît en temps de guerre, a un rôle de l’ombre à jouer afin que le monde ne sombre pas davantage dans un chaos dont il ne se relèverait que trop difficilement. En analysant avec une pédagogie toute diplomatique – l’auteur est également professeur invité en relations internationales aux universités de Louvain (Belgique) et de Montréal (Canada) – l’art de la négociation en prenant le contexte multilatéral, cet ouvrage donne tous les codes pour mener à bien un échange diplomatique et parvenir à un compromis, voire à exercer son influence et réussir à imposer ses vues. Choisir ses mots, les bons moments (tel le Kairos, dans la conduite des opérations), dire clairement ce que l’on souhaite avec les objectifs visés, voici quelques conseils détaillés par le praticien de la diplomatie au fil de ces pages qui immergent le lecteur dans les couloirs et les bureaux des organisations internationales. Parfois technique, parfois plus philologique voire philosophique (« Avec qui négocier ? », « Y a-t-il une éthique des négociations internationales ? »), ce Manuel de la négociation diplomatique internationale est complet. Il se conclut, comme Raoul Delcorde apprécie de le faire, sur un témoignage direct, qui fait entrer la petite histoire dans la grande.
L’ouvrage, dans la lignée des précédents, saura ravir et servir tant le profane que l’initié aux questions diplomatiques, et servir de porte d’entrée aux étudiants en relations internationales sur les coulisses des métiers de la diplomatie. Si, aujourd’hui, ce sont les armes qui parlent, la diplomatie, elle, ne s’est pas tue pour autant.