Depuis plus de quarante ans, Patrick Forestier couvre en première ligne les événements et les conflits majeurs de la planète, pour la presse écrite et la télévision : Paris Match, Nice Matin, Sud-Ouest, Le Télégramme ; TF1, France 2 et Canal+. Dans ses écrits et ses productions cinématographiques, l’URSS puis la Fédération de Russie sont omniprésentes. Qu’il s’agisse de l’Europe de l’Est : la Pologne, l’Allemagne de l’Est lors de la chute du mur de Berlin, ou de l’Afghanistan, tombeau des soldats russes. Mais son terrain de prédilection est incontestablement l’Afrique. Tout au long de ses périlleuses aventures outre-mer, vécues bien souvent dans des conditions aussi précaires que rocambolesques, le reporter de guerre a été le plus souvent aux avant-postes de la défense de la liberté symbolisée par le monde occidental. Lors de ses expéditions dans les points chauds de la planète, il a partagé le quotidien, le plus souvent dans des conditions précaires, de combattants, réguliers ou non, et de populations civiles en détresse. Cela lui a permis, à travers ses reportages, de nous informer sur la réalité de terrain sur des théâtres d’opérations pas systématiquement couverts par les médias mainstream, mais tout aussi poignants et précurseurs de désastres à venir.
S’il a souvent effectué ses déplacements au bout du monde en solo, il a également été « embedded » comme le disent les journalistes, intégré aux forces armées régulières ou non, dans diverses opérations pour couvrir au plus près, guerres et guérillas. Cette proximité de tous les instants avec les combattants et leurs chefs, quel que soit leur camp, lui a permis de nouer de solides amitiés et de mieux comprendre ces situations complexes et dramatiques. En particulier lors des interventions françaises, majoritairement en Afrique.
De ses expériences sur ces différents théâtres d’opérations et de moments forts comme le délitement de l’Union soviétique, Patrick Forestier a bien avant les autres senti le danger que continuerait à représenter le grand voisin de l’Est, alors que tout le monde ou presque le croyait terrassé. D’où le thème de son dernier ouvrage consacré à l’attitude hostile de Vladimir Poutine à l’égard de la France, qu’il considère à tort ou à raison comme le maillon faible de l’Occident. C’est la raison pour laquelle il concentre ses manœuvres de déstabilisation sur le « pré-carré » français au sud du Sahara. Selon l’auteur, qui n’est pas le seul à le penser, il y aurait un continuum entre l’ex-URSS et la Fédération de Russie, et on pourrait également rajouter l’Empire des tsars. La raison de cette résurgence de la puissance russe serait le désir de revanche envers l’Occident qui l’a vaincu, sans tirer un coup de feu, et lui ferait subir un encerclement mortel, en se rapprochant dangereusement de ses frontières.
Patrick Forestier prend le cas d’espèce de l’Afrique qui représente la plus grande partie de son ouvrage, pour démonter la politique opportuniste de Vladimir Poutine. Celui-ci sait très bien attiser les braises du sentiment anti-français en Centrafrique, puis au Sahel, à peu de frais, les mercenaires d’Evgueni Prigojine se faisant rétribuer essentiellement par les concessions minières qui leur sont accordées. Selon l’auteur : « En Afrique, la guerre fait rage entre l’Est et l’Ouest par Africains interposés… À l’allure où la Russie pousse désormais ses pions sur le continent, les pays qui le composent risquent de se retrouver coincés entre le marteau et l’enclume, coincés entre l’Occident et une alliance de pays agrégés autour d’un noyau dur russo-chinois qui a comme unique credo : mettre fin à la prétendue domination des démocraties. » Il met en évidence les contradictions entre les déclarations de Vladimir Poutine et les réalités, mais celles-ci n’ont aucune influence sur l’opinion publique d’une Russie réduite au silence. Avec un style alerte et percutant, il démonte la tactique d’influence russe qui s’exprime notamment par une propagande intensive sur les réseaux sociaux, les influenceurs prorusses et les « idiots utiles », comme on les baptisait du temps de l’URSS, à savoir : « les élites françaises amoureuses de Poutine ».
Certes, le dernier ouvrage de Patrick Forestier est indubitablement à charge contre le Président russe et ses ambitions de grande puissance contrariée. Toutefois, tout au long de ces 350 pages, il apporte des éléments qui illustrent sa thèse, grâce à de nombreux exemples qui ne se limitent pas à l’Afrique francophone. S’appuyant sur une alliance informelle avec le « Sud global », concept encore flou, les BRICS et la Corée du Nord, Vladimir Poutine a encore des cartes à jouer. Il peut certes allumer des feux en Europe et en Afrique, tenter de discréditer la France et ses alliés, mais comment reprendre le flambeau de l’URSS alors que l’on ne dispose que du PIB de l’Espagne ?
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