Dorothée Olliéric est grand reporter pour France Télévisions et a couvert tous les conflits depuis plus de trente ans. Nantaise, dès sa jeunesse, elle est passionnée par l’information et donc par le journalisme alors que son père la voyait médecin. Elle « monte » à Paris en 1988 en école de journalisme. Elle y découvre le métier à une époque où les chaînes d’informations en continu n’existent pas encore. Le rendez-vous des Français avec l’information est alors le fameux JT de 20 heures. Une époque désormais révolue où l’information ne dure que le temps du taux d’audience.
Passion qui est le fil conducteur de sa vie et qui s’est traduite par son engagement à comprendre et expliquer la guerre dans le monde. Dorothée Olliéric a ainsi parcouru tous les champs de bataille avec le risque permanent d’y « laisser sa peau ». Tant qu’elle était célibataire, cette prise de risque lui semblait naturelle. Or, tout a changé à partir du moment où elle s’est retrouvée maman. À partir de 2011, les Printemps arabes font basculer des peuples en renversant de vieux gérontes devenus tyrans. Le 17 août 2013, alors que la démocratie revendiquée par la rue a été confisquée par des régimes tout aussi répressifs, au Caire, elle est arrêtée avec son équipe et d’autres journalistes étrangers essayant eux aussi de couvrir les événements. Des forces de sécurité – très agressives – les menacent, les interrogent jusqu’à aller à un simulacre d’exécution… Récit glaçant d’un moment de vie d’un grand reporter.
La liste des conflits et donc des pays parcourus est, hélas, impressionnante : Cambodge, Angola, Rwanda, Centrafrique, ex-Yougoslavie, Tchétchénie, Irak, Mali, Afghanistan et, enfin, Ukraine… Cela signifie aussi que depuis plus de trente ans, la guerre est restée une réalité, loin des fameux « dividendes de la paix » que les Européens ont cru être devenus la norme et que la guerre était passée de mode. Il faut saluer ici le travail de la journaliste et de ses collègues qui se sont inlassablement efforcés de rapporter la violence du monde.
Aujourd’hui, ses deux bébés sont devenus de jeunes adultes et son compagnon – lui aussi journaliste – l’ont soutenu malgré les contraintes et la peur. Cependant, la reporter a toujours voulu poursuivre sa traque de la guerre et des souffrances endurées, notamment, par les populations civiles. Tout en étant consciente du danger pour elle, mais aussi pour ses enfants adorés. C’est aussi un parcours aux côtés de nos soldats, avec de nombreux théâtres d’opérations où elle a partagé le quotidien des hommes et des femmes envoyés en Opex, gilet pare-éclats et casque lourd mais sans arme, si ce n’est le velcro Presse. D’où la similitude étonnante avec les mêmes rapports à la mort, les mêmes interrogations sur le sens du métier, les mêmes joies et doutes sur deux métiers ayant les mêmes exigences de courage, de volonté et d’abnégation et avec les mêmes sacrifices, en particulier envers nos familles. Une leçon d’humanité par un « soldat » de l’information, encore plus nécessaire aujourd’hui, quand nos principes de liberté et de démocratie sont remis en cause. À défaut de médecine, rapporter les maux du monde, c’est aussi une façon de contribuer à les soigner. ♦