On pourrait s’étonner de voir notre revue, apparemment bien loin de sa vocation, se pencher sur les tribulations d’un pupille de l’Assistance publique, le parcours d’un enfant abandonné, un genre de « Petit Chose » ; Dickens et Hector Malot illustrés.
On comprendra mieux cet écart en découvrant comment l’institution militaire, sans sensiblerie mais empreinte de justice et de compréhension, a découvert des aptitudes et joué le rôle de bonne fée en transformant le gamin dépenaillé et meurtri en un brillant colonel. Certes, le récit du parcours effectué sous l’uniforme n’occupe que quelque pages, à peine le dixième de l’ouvrage. La guerre de Corée est expédiée en peu de lignes, l’avancement et les décorations sont survolés mais le récit vaut toutes les affiches de naguère sur le thème « Engagez-vous, Rengagez-vous ».
L’enfance d’Ozwald fut au début marquée par l’indigence mais éclairée par les soins et on peut dire l’amour de la « brave et honnête » Madame Legrand, chez qui il fut placé en nourrice. Par la suite, l’adolescent ne connut que mépris et brutalité de la part des propriétaires de la pâtisserie et de la ferme – Thénardier du XXe siècle – chez qui il fut successivement affecté. Exploité de façon honteuse, victime d’une inique accusation de vol qui le poursuivit pendant des années, ne connaissant un peu de compréhension et d’affection qu’auprès de sœur Félicité et de la gentille Mauricette, c’est peut-être pour l’administration qu’il connut le plus vif ressentiment, culminant lors de l’abject spectacle qui lui fut imposé à l’âge de 16 ans. La vie militaire apparaît alors ensuite comme une revanche.
L’auteur a pris le parti de s’exprimer à la troisième personne, une façon peut-être de prendre de la distance par rapport à un si noir passé, et aussi de s’attribuer plus facilement d’indéniables qualités que le signataire de ces lignes a eu l’occasion de constater chez le jeune engagé à la lointaine époque de Meknès et du 64e Régiment d’artillerie d’Afrique.