Experte en histoire coloniale de l’Afrique et du monde arabe, l’auteur nous livre un récit détaillé de la capture de Samory Touré (the so-called Almamy autrement dit « le commandeur des croyants »), le dernier résistant aux desseins impérialistes français.
Le commandant Raoul de Lartigue a conçu le plan de capture dont la mise en œuvre est confiée au capitaine Henri Gouraud, qui ultérieurement, sera promu général. Amorcée en 1882, la chasse à l’homme s’achève le 29 septembre 1898 et constitue l’ultime étape d’un ambitieux programme. Mis au point par le parti colonial, ledit programme consiste à relier le Sénégal et le Niger afin de constituer un vaste ensemble assurant à la métropole la pleine maîtrise du marché de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, selon la version officielle du parti colonial, cette entreprise répond à l’appel du devoir et au sens des responsabilités : mission civilisatrice et de pacification, développement du progrès.
Cet événement historique a été occulté par deux affaires contemporaines, en l’occurrence, celle de Fachoda et l’Affaire Dreyfus. Toutefois, le dossier finit par être porté à la connaissance du grand public. Niant toute contribution de Gouraud au succès de l’opération, le commandant de Lartigue provoque la colère de celui-ci. L’incident déclenche alors un affrontement par presse interposée dont Gouraud sortira vainqueur.
Avec une part de subjectivité, l’auteur dresse le portrait de Samory, un personnage complexe et controversé, grand ennemi de la France pour les uns, héros nationaliste noir pour d’autres. En tout état de cause, son ascension fulgurante force le respect au point de le faire qualifier de « Napoléon des savanes ». En effet, Samory évince ses concurrents en peu de temps et se hisse au sommet d’un vaste empire. À cela s’ajoute son coup de maître à savoir celui d’être parvenu à imposer l’idée d’un État unitaire (notamment en utilisant l’Islam comme un élément fédérateur) dans un continent où le centralisme reculait. Quant à sa « résilience », le terme est à la mode, elle suscite l’admiration de ses adversaires qui d’ailleurs, ne tarissaient pas d’éloges à son égard.
L’ouvrage plonge le lecteur au cœur du contexte français et de la donne internationale qui prévalaient à la fin du XIXe siècle. Ce retour en arrière historique prend appui sur une documentation riche qui comprend le journal de Gouraud déposé aux archives du ministère des Affaires étrangères. Mais l’auteur déplore l’absence d’éléments jugés indispensables pour connaître parfaitement la France de l’ère coloniale, celles qui concernent le « parti colonial ». Fort de ce constat, l’auteur appelle de ses vœux l’ouverture et la poursuite des enquêtes concernant ce parti, un puissant lobby mal connu dans ses origines et fondements, ses pratiques internes et son mode de fonctionnement. Or, son étude permettrait de saisir le moment où cette société savante s’est lancée dans le processus effectif de conquête. L’auteur saisit l’occasion pour dénoncer certaines idées préconçues. En effet, elle exhorte à rompre avec la vision manichéenne du phénomène colonial tenant les Blancs pour méchants et les Noirs pour exploités. Ainsi, l’auteur rappelle que le pouvoir de Samory reposait sur le commerce d’esclaves et d’armes. De même, les officiers français déployés sur le terrain n’étaient pas des « brutes galonnées », ils se contentaient d’obéir aux ordres édictés à Paris. En outre, elle réfute la thèse selon laquelle, les Français de l’époque partageaient une opinion commune au sujet de la conquête coloniale. Assurément, cette solidarité est incontestable lorsqu’il s’agit de contrer la « Perfide Albion », grande rivale de la France. Au-delà, de grandes divergences internes divisaient les Français. Ainsi, contrairement à la croyance populaire, la colonisation n’est point l’application d’un plan prédéfini. Elle est le fruit d’incertitudes, d’empirismes, de tâtonnements et d’une succession d’à-coups. Ce n’est qu’en 1894 qu’un ministère des Colonies est institué et encore, celui-ci n’assurait qu’un semblant de cohérence dans la politique coloniale française.
Venez à la rencontre de Samory et revivez la traque de ce personnage fascinant jusqu’à sa chute finale. Outre ses aspects biographiques, le présent ouvrage incorpore un retour arrière historique. Imprégnez-vous donc de l’atmosphère qui régnait à la fin du XIXe siècle où les revendications territoriales de la France s’étendaient jusqu’en Afrique de l’Ouest.