Dans un contexte stratégique mondial en constante transformation, l’innovation fait partie de l’ADN de l’Armée de l’air. Si cette démarche concerne la modernisation des équipements et l’évolution des modes d’action, elle ne saurait délaisser le fonctionnement et les processus de travail de l’institution.
Enjeux de l’innovation et de la modernisation de l’Armée de l’air d’ici 2030
« Mieux vaut prendre le changement par la main
avant qu'il ne nous prenne par la gorge. » (Winston Churchill).
Le monde connaît depuis une décennie de profondes mutations et un bouleversement des équilibres qui dessinent un environnement stratégique plus instable. Le retour des politiques de puissance est indéniable, tandis que des groupes armés utilisent la faiblesse endémique de certains États pour étendre leur zone d’influence ou de contrôle, avec des ramifications jusque dans nos démocraties, mettant en danger la stabilité de larges zones géographiques.
Ces bouleversements font émerger un monde plus dangereux, parce que plus hétérogène et plus imprévisible, et nous imposent de nouveaux défis. En même temps, alors que pendant des décennies, les progrès technologiques ont été linéaires, nous assistons à une accélération continue des innovations notamment dans le domaine numérique, impliquant de recourir à des démarches plus incrémentales pour le développement des capacités futures. Nos adversaires potentiels ayant rattrapé leur retard, conserver l’ascendant nécessite d’améliorer l’agilité et la performance de nos forces aériennes comme de nos organisations.
Un environnement en pleine transformation
Les forces aériennes occidentales ont bénéficié depuis plus de vingt ans d’une supériorité technologique et opérationnelle incontestée en l’absence de menace aérienne ou sol-air crédible sur des théâtres où l’essentiel des missions relève de la lutte contre le terrorisme. Forte de trois atouts majeurs que sont la vitesse, l’allonge et la puissance de feu, l’arme aérienne offre de façon immédiate et permanente aux autorités militaires et politiques un outil incontournable pour agir de manière rapide, flexible, réactive et si besoin dans la profondeur du dispositif adverse. Cela a été illustré de façon claire lors de la mission Hamilton en avril 2018 en Syrie (1). L’arme aérienne présente de plus l’intérêt de réaliser tout l’éventail de ses missions en limitant l’empreinte au sol, donc les risques de pertes, et en maîtrisant les dommages collatéraux grâce à la précision de ses armements.
Néanmoins, l’environnement dans lequel s’inscrit cette arme aérienne est en profonde transformation. En haut du spectre, les grandes puissances ont largement augmenté leurs investissements de défense pour se doter de capacités accrues tant en quantité qu’en qualité. En parallèle, les puissances régionales bénéficient d’une prolifération de systèmes d’armes performants et développent des stratégies de déni d’accès (Anti Access/Area Denial, A2AD) reposant sur l’utilisation combinée de systèmes de défenses antiaériens intégrés de très longue portée, de moyens de guerre électronique (dont brouillage GPS) voire d’avions de combat récents ou modernisés. Le milieu aérien est donc de plus en plus contesté. L’intégration poussée de tels systèmes risque de remettre profondément en cause la maîtrise des espaces aériens par les forces aériennes occidentales, considérée à tort comme acquise. Les dividendes de cette supériorité aérienne ont été engrangés par tous les pays occidentaux amenant à une réduction des parcs des forces aériennes de 30 à 50 % au cours des trente dernières années.
Pour la France, la capacité d’entrer en premier, y compris dans la profondeur du dispositif adverse, est le socle de la mission de dissuasion nucléaire aéroportée. Dans l’éventail des missions que nous devons savoir réaliser, il s’agit des « plus dangereuses ». À l’autre extrémité se trouvent les missions « les plus probables », contre des adversaires irréguliers utilisant des modes d’actions asymétriques et agiles : dissimulation au milieu des populations, actions de force très brèves suivies d’une dilution rapide, utilisation combinée d’armes bas coût et de technologies de pointe en vente libre (mini-drones, engins explosifs improvisés, moyens de communication performants). Cette combinaison de moyens, employés sans aucune éthique ni règle, leur permet d’amoindrir l’avantage technologique occidental. Leur action est souvent renforcée par une propagande efficace sur Internet, le combat numérique mené sur les réseaux sociaux, et l’utilisation de la terreur sur les populations civiles.
Une autre évolution notable de l’environnement porte sur la multiplication des acteurs du domaine aérien dans un contexte d’accroissement du trafic civil comme des flottes militaires et de multiplication de l’emploi des drones de toutes tailles, alors même que les opérations se déroulent sans interdiction des usages non militaires sur une large part des zones d’opérations. Cela renforce les difficultés de détection et de classification de tout ce qui vole, alors que la maîtrise de l’environnement nécessite d’abord d’identifier tous les mobiles pour assurer la sécurité de la Force et des populations protégées. L’arme aérienne doit donc prendre en compte la contrainte de mener ses opérations dans des espaces aériens beaucoup plus contestés et congestionnés.
En outre, le champ des menaces s’est élargi du fait du développement des technologies de l’information. Celles-ci fournissent de nouvelles armes à nos ennemis (cyberattaques, attaque sur des systèmes soutenant les fonctions de positionnement et de coordination – NAVWAR) mais leur permettent aussi d’optimiser l’emploi de leurs systèmes d’armes et de les faire évoluer rapidement. Les adversaires irréguliers ont dans ce domaine une agilité beaucoup plus élevée que les forces régulières, leurs développements capacitaires n’étant soumis à aucune norme, contrairement aux armées occidentales dont les systèmes doivent respecter un corpus réglementaire sans cesse croissant et passer au travers de règles très exigeantes de qualification, ce qui ralentit les évolutions.
Enfin, nos moyens spatiaux, longtemps considérés comme invulnérables, peuvent désormais être l’objet d’agressions, alors même qu’ils constituent des capacités indispensables pour conduire les opérations militaires modernes, que ce soit en matière de renseignement, de communications longue distance, de positionnement ou de fourniture de données d’environnement.
L’Armée de l’air doit prendre en compte ce nouvel environnement pour s’assurer de conserver la supériorité aérienne dans la durée, qui reste un préalable à toute action militaire. En effet, comme le soulignait le Field Marshal Montgomery, « si on perd la guerre dans les airs, on perd la guerre et on la perd vite » (2).
Ceci impose de moderniser nos équipements mais également de repenser nos modes d’action, notre fonctionnement et nos processus.
La modernisation impérative de nos équipements et la nécessaire évolution de nos modes d’action
Face à ces nouvelles menaces et des décisions trop longtemps repoussées, un renouvellement des équipements est nécessaire. Il a d’ores et déjà été initié par la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 qui consacre un effort notable à l’amélioration des capacités dans le domaine aérien.
Le renseignement dont les opérations extérieures montrent chaque jour la nécessité pour conduire l’action militaire face aux adversaires fugaces des conflits actuels. Ces efforts sont aussi rendus nécessaires par les stratégies de certaines puissances utilisant des intermédiaires (proxy) ou ayant recours à des stratégies de l’ambiguïté. Pour agir, il faut décider. Pour décider, il faut comprendre la situation et les intentions des protagonistes : le renseignement est donc indispensable en phase amont comme dans la conduite de l’action. D’ici 2030, la capacité en drones Moyenne altitude longue endurance (Male) aura été doublée passant de 4 systèmes Reaper à 8 systèmes avec l’arrivée de l’Euro-Male. Concernant les Avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), l’effort sera encore plus important passant de 2 aéronefs en 2020 à 8 en 2030. Ces équipements permettront de renforcer considérablement les capacités de renseignement des armées sur les théâtres d’opération permissifs, notamment en bande sahélo-saharienne au profit de l’opération Barkhane ou au Levant. Dans le domaine du renseignement stratégique, les deux C-160 Gabriel d’écoute électronique seront remplacés par trois nouveaux systèmes disposant de capteurs adaptés (Cuge).
La capacité de transport aérien bénéficie également d’une remontée en puissance au cours de la LPM. Elle sera dotée en 2025 de 25 A400M Atlas, 4 C-130J Super-Hercules dont 2 avec des capacités de ravitaillement en vol et de 14 C-130H modernisés. Le programme A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport) renouvellera également une capacité de ravitaillement en vol devenue hors d’âge : seront ainsi livrés 12 Phénix d’ici 2025 (15 à terme) permettant aussi d’augmenter la capacité de transport stratégique. En 2030, l’Armée de l’air mettra en œuvre des capacités de projection renouvelées, dépendra ainsi beaucoup moins de l’affrètement et disposera de moyens adaptés à la nouvelle typologie des théâtres notamment pour les opérations spéciales.
Dans l’environnement prévisible au sein duquel évoluera l’arme aérienne, sa survivabilité et son efficacité globale reposeront de plus en plus sur la mise en réseau. L’Armée de l’air s’engage donc résolument dans le développement de la connectivité. Le combat collaboratif rendra plus efficace l’action coordonnée et concentrée des moyens, permettant aux systèmes d’armes de mieux s’appuyer les uns sur les autres pour emporter la décision. La distribution rapide de l’information au sein d’un Cloud de combat accélérera la manœuvre aérienne et prendra l’adversaire de vitesse : les forces aériennes doivent bénéficier de la révolution numérique qui a démultiplié les usages dans le monde économique.
Le standard F4 du Rafale lancé en réalisation fin 2018 permettra sur la prochaine décennie de constituer une première brique incrémentale du combat connecté en développant ses moyens de communication et en lui offrant les outils logiciels permettant le travail en réseau. La capacité à opérer face aux nouvelles menaces sera également renforcée par l’amélioration du système de protection de l’avion, des capteurs et des armements qu’il emportera. Ces travaux vont également permettre de développer et tester les premières briques capacitaires des outils et services nécessaires au développement d’un combat collaboratif connecté qui est au cœur des réflexions franco-allemandes (3) qui ont débuté pour définir le Système de combat aérien du futur (Scaf) dont l’entrée en service aura lieu à l’horizon 2040. Au-delà de la connectivité, une soixantaine de Rafale doivent être livrés d’ici 2030. Ces livraisons sont indispensables afin de renouveler un tiers du parc de l’aviation de chasse compte tenu de la durée de vie de 30 ans du Rafale. En plus des Rafale, la connectivité reliera les MRTT, les avions d’écoute électronique, les drones Male et le C2 (commandement et contrôle).
La connectivité des moyens aériens entre eux doit absolument s’accompagner en parallèle d’un renforcement des capacités de C2. Cette connectivité sera la colonne vertébrale numérique reliant le C2 et les forces en action, permettant d’intégrer les progrès issus du monde civil dans la gestion de grandes bases de données facilitant le traitement rapide et optimisé d’un flux considérable de données. Cela permettra l’accélération des processus décisionnels en quasi temps réel pour engager l’ennemi au bon moment, grâce aux armements les plus adaptés à l’environnement et aux effets militaires recherchés, tout en automatisant les procédures de contrôle d’espaces aériens toujours plus usités. Certains processus aujourd’hui sous-optimisés car reposant essentiellement sur des méthodes analytiques classiques basées sur les savoir-faire des experts devront être améliorées par les outils numériques : plan de ravitaillement en vol, coordination générale de l’action, manœuvre des capteurs. Disposer de tels outils permettra de contracter les délais de planification et aux équipes de conduite de s’adapter plus rapidement en cas d’imprévus, grâce à des aides à la décision ciblées, générant une capacité de commandement et conduite in fine plus agile. La connectivité est donc un enjeu majeur d’efficacité opérationnelle et devra être déployée de manière incrémentale en lien avec les avancées dans le monde digital.
En outre, la maîtrise des nouveaux espaces de conflit impose de sécuriser nos systèmes d’armes face à de potentielles attaques cyber, mais aussi de développer nos moyens d’action dans les espaces numériques et dans le spectre électromagnétique. Il faut ainsi désormais considérer les armes cybernétiques dans la panoplie des armements utilisables dans les opérations aériennes. On notera au passage que les modes d’action sont similaires dans ces deux domaines, d’où le concept naissant de « multi-domain operations ». Les attaques cybernétiques pourraient donc dans quelques années être couplées à des attaques électroniques.
Enfin, la séparation entre espace atmosphérique et exo-atmosphérique tendra à s’estomper : il faudra désormais conduire une manœuvre aérospatiale en élargissant les champs d’action dans le domaine de la surveillance, de la protection et de l’action, pour prendre en compte la contestation de plus en plus grande du domaine spatial et l’apparition de systèmes conjuguant l’utilisation de ces deux espaces jusque-là disjoints.
Au-delà des grands programmes structurants des aviations de chasse, de transport ou de ravitaillement en vol, les autres flottes ne doivent pas être négligées. Il nous faut préparer dès à présent les modernisations à réaliser au cours de la prochaine décennie : renouvellement des hélicoptères légers et de manœuvre, de l’Alphajet, des AWACS (système de détection et de commandement aéroporté) et de la composante sol-air. Les exigences liées à la Posture permanente de sûreté Air (PPSA) et la défense aérienne du territoire nécessitent également de poursuivre la modernisation de nos radars de surveillance, comme des moyens radio et des systèmes de contrôle des opérations aériennes, dont les versions mobiles permettront d’appuyer les opérations. Compte tenu de l’évolution des menaces, la protection des bases aériennes projetées et des forces déployées nécessite également de renforcer la défense sol-air notamment via la modernisation en cours du SAMP/T et le remplacement du Crotale.
Le développement de ces capacités sera recherché en priorité dans un cadre européen et devra permettre le maintien d’un très haut niveau d’interopérabilité avec nos Alliés, puisque les opérations futures continueront à se réaliser à l’évidence majoritairement en coalition.
Néanmoins, la modernisation des équipements et l’amélioration de l’agilité du C2 ne permettront pas de compenser les difficultés générées par la forte réduction de taille des flottes ces vingt dernières années. Dans des environnements plus contestés, pour soutenir des opérations plus dures, reposant la question de l’attrition, le critère quantitatif redevient prégnant. Nous aurons besoin de masse pour absorber les chocs, pour des besoins d’ubiquité et pour durer. Le dimensionnement des flottes devra donc probablement être revu à la hausse dans les prochaines années si la France souhaite maintenir des capacités d’entrée en premier dans des conflits du haut du spectre.
Un fonctionnement et des processus à rénover
Cette modernisation indispensable doit également s’accompagner d’une transformation de nos pratiques permise par la révolution numérique et en premier lieu pour la gestion des ressources humaines (RH).
Les nouvelles générations, qui présentent de nouvelles attentes en termes de qualité de vie au travail, de responsabilité sociale des entreprises, auront une perception de leur carrière professionnelle différente de celles qui les ont précédées. Elles maîtriseront naturellement le monde numérique et seront des ressources difficiles à capter sur un marché du travail en tension, notamment dans les métiers du numérique, de la donnée et de la maintenance, secteurs essentiels pour l’Armée de l’air. Au-delà de la nécessité d’offrir une gestion plus dynamique et plus individualisée des parcours des aviateurs, il nous faudra aller capter des compétences indispensables et les fidéliser. Nous allons devoir créer de nouveaux métiers ou transformer ceux existants. De nombreuses études mettent en effet en avant que 65 à 85 % des emplois de 2030 n’existent pas aujourd’hui. L’Armée de l’air n’échappera pas à ce bouleversement apporté par les technologies de l’information et aura de nouveaux besoins dans les domaines de l’intelligence artificielle, du codage, de la gestion des réseaux, des données ou encore du cyber et du spatial.
Cette transformation passera aussi par une adaptation de notre outil de formation qui utilisera beaucoup plus largement les progrès des outils numériques. Les prochaines années verront ainsi une refonte complète des parcours de formation des personnels navigants, déjà initiée par l’arrivée récente dans l’Armée de l’air des avions de formation Pilatus PC-21 au profit de la formation des pilotes de chasse. Un effort tout particulier sera de plus consenti pour développer les moyens de simulation, notamment en utilisant les technologies en plein essor dans le domaine du serious gaming et du jeu vidéo.
La transformation touchera aussi nos processus d’acquisition. En parallèle du renouvellement de nos grands équipements qui relève de processus longs, notre supériorité opérationnelle ne pourra être assurée que par notre aptitude à capter l’innovation et à la mettre en service rapidement. Le développement incrémental des programmes aéronautiques a depuis longtemps permis de mettre à niveau les plateformes avec des améliorations technologiques, mais un grand nombre d’années est généralement requis pour développer, qualifier puis déployer un nouveau standard. L’enjeu sera désormais de raccourcir la mise à disposition d’innovations, en utilisant des architectures plus ouvertes permettant l’introduction plus rapide d’applications numériques nouvelles, et facilitant le traitement des obsolescences techniques, tout en maintenant à un très haut niveau de sécurisation les cœurs systèmes. L’introduction d’innovations technologiques récentes devra également pouvoir se faire durant la phase de développement des nouveaux matériels qui prennent souvent entre cinq et dix ans. L’industrie doit nous y aider en évitant les standards propriétaires.
Au-delà des grands programmes d’armement, l’Armée de l’air doit favoriser l’innovation ouverte, qu’elle provienne de l’acquisition de technologies issues du monde civil ou d’idées émergeant des aviateurs eux-mêmes. La méthode consistant à exprimer le besoin militaire ex-nihilo et attendre plusieurs années que l’industrie de défense y réponde ne doit plus être exclusive. Il s’agit désormais de croiser les cultures et d’être à l’écoute des innovations qu’elles soient exogènes ou endogènes à l’Armée de l’air, afin d’être plus agile et de disposer d’une plus grande faculté d’adaptation. Cela impose également de promouvoir une culture de la prise de risque – pas forcément « dans l’ADN » de l’aéronautique – et d’ouverture à la remise en cause de principes établis, car « inventer, c’est penser à côté » (Albert Einstein). Mais innover c’est aussi accepter de se tromper. La libération des énergies passe donc par l’acceptation de voir certains projets ne pas aboutir, certaines idées ne pouvoir se concrétiser, tout en acceptant la remise en cause des principes établis. Appliquer au départ une trop grande sélectivité tendrait à limiter l’innovation. Or, les aviateurs sont souvent les plus à même de proposer des solutions aux problématiques concrètes qu’ils rencontrent sur le terrain, dans leur quotidien. Une fois les idées captées, le passage à l’échelle sera un des enjeux majeurs de la politique d’innovation pour entretenir l’élan constaté aujourd’hui. La création de l’Agence de l’innovation de Défense (AID) est prometteuse et l’Armée de l’air y apportera tout son soutien.
Au-delà de l’innovation opérationnelle, c’est l’ensemble des processus actuels qui doit bénéficier progressivement d’une dynamisation via la mise en place d’outils numériques tirant profit de la vitalité actuelle du secteur, et d’une réelle subsidiarité permettant une plus grande agilité décisionnelle. Elle passe entre autres par la mise en place d’une capacité, interne ou externe, autonome et réactive de création et de soutien d’applications numériques ad hoc, permettant de répondre aux besoins des unités comme des échelons décisionnels.
Enfin, depuis une dizaine d’années, c’est tout le réseau des bases aériennes, véritable « outil de combat de l’Armée de l’air », qui a été rationalisé. Les prochaines années verront la poursuite de la réorganisation de ces bases en « pôles fonctionnels », en les modernisant pour accueillir les nouvelles capacités prévues par la LPM et en leur confiant un rôle de creuset de l’innovation ouverte (notamment grâce aux initiatives de type smart base), rendu possible par leur proximité avec un tissu économique local souvent dynamique, et l’esprit d’innovation de leur personnel. En retour, les nouvelles technologies et la captation de l’innovation permettront d’accroître les capacités opérationnelles des bases aériennes et d’améliorer la qualité de vie des aviateurs.
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Face à une recrudescence des menaces et à un environnement en très forte évolution, dans un monde où les technologies bouleversent les sociétés et les règles établies, la décennie qui débute sera cruciale pour la modernisation de l’Armée de l’air et son aptitude à agir très rapidement, en tout lieu, et de manière autonome dans le prolongement de l’action politique. Les différentes missions effectuées récemment par l’Armée de l’air en Australie ou dans le Sud de l’océan Indien démontrent qu’aucun point de la Planète n’est inaccessible pour des avions de chasse ou de transport en quelques dizaines d’heures. Après des années de sous-investissement malgré un engagement opérationnel soutenu depuis 1991, la présente Loi de programmation militaire renouvelle des équipements essentiels et à bout de souffle. Cette modernisation doit aussi s’accompagner d’une transformation importante des processus et des modes de fonctionnement pour que la complexité croissante des nouveaux systèmes ne ralentisse pas leur développement.
La prochaine décennie sera essentielle pour façonner la suivante qui devra répondre entre autres à deux enjeux majeurs : le renouvellement de la composante aérienne de la dissuasion et la mise en service du Système de combat aérien du futur à l’horizon 2040, soit d’ici un peu plus de vingt ans.
L’Armée de l’air s’y prépare. ♦
(1) Voir l’article du lieutenant-colonel Moyal dans ce volume, p. 58-64.
(2) Field Marshal the Viscount Montgomery of Alamein, « The Role of Science in Warfare of the Future », Egineering and Science, décembre 1954, p. 20-28.
(3) L’Espagne est en cours de rejointe du projet.