Pour répondre à l'enjeu de sécurité nationale, l'État peut s'appuyer sur les capacités socles de l'Armée de l'air. Les spécificités de cette armée contribuent efficacement et de manière adaptée à la sécurité nationale.
L'Armée de l'air et la sécurité nationale
La légitimité de l’État dépend, entre autres, de sa capacité à assurer la sécurité de nos concitoyens, tant sur le territoire national qu’à l’extérieur de nos frontières. On constate cependant que les moyens dont dispose l’État pour répondre à cette exigence sont de plus en plus limités, que la frontière entre la défense et la sécurité est de moins en moins marquée et que de nouveaux acteurs (collectivités locales, ONG…) qui ne sont pas directement sous l’autorité de l’État, jouent un rôle croissant. Il s’agit là de facteurs poussant à un rapprochement de ces deux champs autrefois bien compartimentés.
D’un point de vue technique, les grandes fonctions qui sous-tendent la sécurité et la défense nationale présentent de remarquables similitudes : dans ces deux contextes, il s’agit d’apprécier la menace ou le risque, d’avoir l’intelligence de situation, d’évaluer toutes les options d’intervention, de planifier et de coordonner des moyens ou encore de mesurer les effets obtenus, ceci au moyen de systèmes d’information et de communication et généralement sous la pression de l’urgence. Certes, les contraintes liées à l’environnement peuvent être différentes, mais il faudra toujours chercher à sauvegarder des vies ou à poursuivre une mission complexe dans un souci d’économie de moyens.
Transposée dans un contexte de sécurité nationale, l’arme aérienne sait apporter une contribution efficace et adaptée. Elle peut en outre proposer des initiatives concrètes d’optimisation des capacités interministérielles, dont la mise en œuvre peut être très rapide et les effets s’inscrire dans des perspectives de court, moyen et long terme.
Court terme : optimisation des moyens de l’État
L’Armée de l’air assure déjà au quotidien les missions de Police du ciel, d’assistance en vol des aéronefs en panne ou égarés, ainsi que de recherche et de sauvetage suite à un accident aérien. Elle couvre régulièrement d’une bulle de protection les sommets de chefs d’États, les rassemblements importants de personnes (cérémonies du débarquement…). Au service de la lutte contre la criminalité organisée, elle est en mesure de participer à la recherche et la poursuite des aéronefs utilisés pour les trafics illicites. Experte de la 3e dimension, elle dispose d’outils et de compétences lui permettant de gérer, depuis des centres fixes ou mobiles, la coordination d’une activité aérienne civilo-militaire en situation d’urgence.
S’appuyant sur ces compétences disponibles et plus particulièrement sur le processus de décision de la défense aérienne, rattachant très directement le Premier ministre aux moyens de protection de l’espace aérien national et de ses approches (satellites, radars, avions d’interception, hélicoptères…), les centres de commandement et de contrôle (C2) de l’Armée de l’air pourraient servir d’épine dorsale à un dispositif plus large de gestion de crise, en agrégeant des cellules interministérielles de crise.
De plus, pour accroitre l’efficacité des secours, le recours aux moyens du ministère de la défense peut être systématisé. Les drones, conçus pour surveiller de larges zones sur de longues périodes, sont en mesure d’apporter une aide précieuse à des autorités civiles pour l’évaluation permanente de la situation, la coordination des moyens ou le relais des communications. Les avions de reconnaissance, qui appuient déjà la Gendarmerie dans la lutte contre le grand banditisme, présentent aussi de belles perspectives. Les capacités de transport aérien militaire (avions, hélicoptères) disposent enfin de la réactivité et de la souplesse d’emploi autorisant leur réquisition rapide en gestion de crise.
Cet emploi partagé des moyens de l’État peut aboutir à la condition que les administrations connaissent mieux les capacités militaires d’intervention. Il faut donc encourager la pratique régulière d’exercices interministériels, à l’instar des exercices de sécurité nucléaire (niveau local, départemental, national). En effet, la résilience de l’État s’inscrit dans une logique de préparation continue et systématique pour lesquels la défense peut aider les pouvoirs publics en s’appuyant sur sa maitrise des processus de planification.
Par ailleurs, le maillage des bases aériennes représente un atout essentiel. Il offre d’abord aux pouvoirs publics des points d’appui sanctuarisés, naturellement ouverts à l’action interministérielle (capacité d’accueil, plateformes aéroportuaires, détection radar, réservoir de forces, relais de communication, soins et de secours…). Ensuite, ce réseau peut être immédiatement mis au service de l’État en cas de perte des moyens aéroportuaires et de contrôle aérien civils (défaillance technique globale, cyber-attaques massives…) et permettre d’assurer, en sécurité, des acheminements critiques (évacuations médicales, transports d’autorités, rapatriements…).
Moyen terme : de nouveaux horizons
Le phénomène de mondialisation et les évolutions technologiques ont placé les flux des valeurs et des ressources au cœur des enjeux mondiaux. Dans le domaine aérospatial, le transport aérien représente environ 3 % en volume du commerce international de marchandises, mais 40 à 50 % de sa valeur. La liberté de mouvement dans ce milieu, assurée par l’ensemble des moyens de défense aérienne et de Police du ciel, constitue déjà un véritable défi. En outre, la 3e dimension permet de surveiller de vastes étendues terrestres ou maritimes où transitent les flux de ressources. Il convient donc d’envisager une nouvelle approche de la contribution de l’arme aérienne à ces enjeux de stabilité nationale.
Dans cette perspective, une réflexion prospective sur le dispositif de pré positionnement de nos forces s’impose. Une piste consiste à mettre sur pied un réseau de « hubs » aéroportuaires en s’appuyant sur les possibles complémentarités qu’offrent nos alliés (britanniques, américains…), en développant des accords diplomatiques spécifiques, ou en déployant des moyens d’escale à travers le monde.
Les capacités de projection stratégique actuelles et surtout futures (A400M, MRTT pour Multi Role Tanker Transport), associées au pré-positionnement de moyens aériens, permettront alors une grande réactivité face aux menaces pesant sur la sécurité de nos approvisionnements aériens, maritimes ou terrestres.
Parallèlement, les départements et collectivités d’outre-mer sont parfois soumis à des risques naturels majeurs qui peuvent prendre des dimensions extrêmes, dépassant la simple coordination des secours et exigeant des capacités de réponse rapides pour restaurer les fonctions vitales de l’État. S’inscrivant dans cette démarche de projection lointaine et rapide, l’Armée de l’air pourrait ainsi apporter un soutien conséquent et organisé aux dispositifs interministériels d’assistance.
D’une façon générale, ce dispositif d’élongation à venir doit être pensé au profit de l’État au sens large, pour offrir la capacité de transport stratégique de l’Armée de l’air à l’ensemble des ministères. Le convoyage des billets de la Banque de France ou d’autres moyens étatiques sensibles vers les Dom-Com (départements et collectivités d’outre-mer) en serait une première illustration.
Long terme : construire un esprit de défense civile
Enfin, la sécurité d’un pays repose invariablement sur l’engagement de ses concitoyens. L’éducation de la jeunesse est ainsi un élément majeur et doit faire l’objet de toutes les attentions. La promotion d’un esprit de défense civile peut dès lors s’envisager par l’intermédiaire des Écoles de la défense.
Le modèle des Cadets de l’air qui s’engagent à servir dans la réserve en contrepartie d’une formation aéronautique, inspiré d’un équivalent britannique et mis en place dans les écoles de l’Armée de l’air, peut constituer un objectif politique porteur car facteur de cohésion sociale, de rayonnement populaire et de valeurs liées à la sécurité.
De la même façon, il peut être intéressant de développer la promotion de la dimension défense et sécurité dans les parcours universitaires en général, à l’instar des stages proposés aux étudiants des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) dans les écoles d’officiers.
Enfin, il pourrait être proposé d’enrichir l’activité des Trinômes académiques (1) , au travers d’une participation élargie aux acteurs de la sécurité civile.
*
* *
Pour répondre à l’enjeu de sécurité nationale, l’État peut donc s’appuyer sur les capacités socles de l’Armée de l’air, offrant la caractéristique d’un usage dual et interministériel : centres C2 ; réseau de bases aériennes ; capacité de surveillance de reconnaissance ; capacité de transport stratégique ; outil de formation. Après une première étape d’optimisation interministérielle de ces moyens, cette approche laisse en outre présager à terme de belles perspectives sur un spectre plus large de missions. ♦
(1) Trinômes académiques : organisation décentralisée rassemblant l’Éducation nationale, le Défense et l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) sur le thème de la sécurité.