L'Armée de l'air est un instrument de puissance. Une opération comme Serval au Mali à travers la réactivité, les capacités de commandement, les aptitudes ISR et la mobilité stratégique et tactique que l'Armée de l'air permet le démontre avec éclat.
Servall : une opération emblématique du rôle de l'Armée de l'air
Le Serval est un chat sauvage de taille moyenne que l’on trouve en Afrique. Ce félin, doté les longues pattes, peut bondir instantanément sur plus de trois mètres avec une précision et une force telle qu’il peut assommer voire tuer sa proie à l’impact. Egalement doté de facultés auditives très performantes, tapi dans la brousse, il est capable d’entendre et d‘observer en toute discrétion. C’est un tueur redoutable, qui domine largement ses proies et dépasse les autres prédateurs par ses qualités de chasseur. On ne pouvait pas rêver nom de baptême plus adapté pour une opération où l’Armée de l’air a si bien illustré ces caractéristiques.
De fait, l’opération Serval, décidée le 11 janvier dernier par le président de la République, donne corps à un certain nombre d’options prises par l’Armée de l’air et permet de les confronter avec la réalité stratégique et opérationnelle. De fait, cette opération met en lumière quatre capacités fondamentales intimement liées qui charpentent l’aptitude au combat de l’Armée de l’air, encadrent son développement futur et lui procurent une portée stratégique qui en font le pivot de notre outil de défense : capacité de réaction immédiate, structure de commandement et de conduite en temps réel, permanence de la surveillance et du recueil de renseignement, mobilité stratégique. En outre, cette opération rappelle que le soutien de nos alliés est indispensable pour intervenir hors de nos frontières.
Aptitude à intervenir sans délai
L’analyse des opérations menées au Mali permet de souligner la première des capacités fondamentales de l’Armée de l’air : son aptitude à intervenir sans délai. Elle est l’essence même de l’emploi de l’arme aérienne et l’inscrit dans un tempo unique. Ceci prend d’autant plus d’acuité que, dans les opérations, l’immédiateté devient la norme du fait du raccourcissement de la boucle politique-information-opinion. Ainsi, mis en alerte à N’Djamena dès la décision prise par le président de la République dans la matinée du 11 janvier, les Mirage 2000D ont mené dans la nuit les premières frappes sur les objectifs adverses. De même, alors qu’à Saint-Dizier, l’escadron de chasse 1/7 « Provence » n’était pas en alerte ce jour là, 36 heures après la décision du président de la République, le 13 janvier, ses Rafale détruisaient en plein cœur du Mali plus de vingt objectifs avec une précision métrique. D’une durée de 9h35, ce fut le plus long raid (plus de 4 000 km) jamais opéré par des chasseurs bombardiers français. En moins de trois jours, une quarantaine d’objectifs étaient traités, détruisant des moyens offensifs, des centres de commandement, des bases d’entrainement ou des bases logistiques déstructurant profondément les forces adverses.
Cette excellence opérationnelle n’est rendue possible que par la qualité des hommes et des femmes qui servent l’Armée de l’air et qui sont entraînés à cette réactivité. Elle leur permet de surmonter les obstacles qui se dressent sur leur route. Si la prouesse des équipages est de nature à frapper les esprits, il faut garder à l’esprit que la réactivité est à la mesure du maillon le plus lent. Or, comme le 19 mars 2011 (opération Harmattan), l’Armée de l’air a montré qu’elle est un outil d’une grande cohérence dont les bases aériennes sont un moyen de combat particulièrement efficace qui a su se conjuguer avec une implication forte des bases de défense dans leurs fonctions de soutien opérationnel. Point de synthèse des chaines de soutien, des chaines technico-opérationnelles, les bases aériennes opèrent sous l’autorité du commandant de base vers lequel converge toute la chaine de commandement. C’est parce qu’elles opèrent H24, que les bases aériennes de l’Armée de l’air peuvent basculer instantanément du temps de paix au temps de crise et qu’elles apportent le soutien nécessaire aux forces aériennes projetées pour durer.
Enfin, c’est également parce que les hommes et les femmes de l’Armée de l’air bénéficient d’une formation et d’une activité continue et dont le volume des entrainements et la régularité des exercices sont suffisamment élevés que les procédures sont rodées, les reflexes acquis et l’agilité très largement développée. Cela repose nécessairement sur une activité aérienne suffisante qui permet de mener les équipages au degré d’expertise nécessaire pour conduire des missions opérationnelles complexes. Ainsi, forts d’un entraînement réaliste et d’une activité aérienne de 180 heures par an, certains pilotes de Rafale ont effectué leur première mission de guerre lors du raid du 13 janvier. Un mode de fonctionnement cyclique qui alternerait préparation opérationnelle, engagement et régénération ne permettrait pas cette réactivité. Le niveau d’activité des équipages, et à travers eux, de toute l’Armée de l’air est un gage majeur de son efficacité.
Cohérence et efficacité de ses moyens de commandement et de conduite adaptés au temps réel
Cette aptitude à intervenir sans délai dépend étroitement de la capacité fondamentale de l’Armée de l’air à assurer la cohérence et l’efficacité de ses moyens de commandement et de conduite. Capacité d’autant plus fondamentale qu’une opération telle que Serval engage et met en œuvre selon un cycle décisionnel très court, toutes les composantes opérationnelles de l’Armée de l’air où qu’elles se trouvent et quelles qu’en soient la nature. Pour donner une pleine efficacité à l’action aérienne et lui permettre de répondre au mieux aux ambitions de la campagne interarmées, la maitrise d’un environnement aussi complexe et réactif suppose donc de pouvoir s’appuyer sur une chaine de commandement et de conduite rationnelle capable de dialoguer en temps réel avec toutes les parties prenantes autorisant à la fois la continuité de la conduite des opérations et leur planification selon une vision globale de l’engagement.
Ainsi, les premières missions aériennes de l’opération Serval, déclenchées directement par le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), ont été programmées et conduites par le JFAC AFCO (Joint Force Air Component de l’Afrique centrale et de l’Ouest) récemment mis en place à N’Djaména pour piloter l’activité des moyens aériens pré-positionnés en Afrique. Cette structure de commandement a grandement facilité le travail du CPCO car elle lui a permis de s’appuyer d’emblée sur une structure opérative lui permettant de lancer immédiatement la campagne aérienne et d’anticiper plus facilement les développements de l’opération. La vision de la campagne aérienne est portée par le général commandant la composante aérienne Serval. Conseiller air du Comanfor Serval, il est responsable de l’organisation de l’espace aérien de la zone d’opérations, il participe à l’allocation des moyens aériens aux objectifs de la campagne interarmées et assume la responsabilité de planifier, programmer et conduire la campagne aérienne intégrant l’ensemble des missions aériennes. Cette architecture du commandement est d’autant plus nécessaire qu’il faut pouvoir convenablement orchestrer dans la zone des moyens nombreux et aux missions diverses. On compte en effet près d’une centaine d’appareils opérant quotidiennement au dessus du théâtre d’opération de jour comme de nuit : opérations dans la profondeur, reconnaissance, surveillance, écoute, appui feu, opérations aéroportées, transport tactique, transport stratégique, ravitaillement en vol, hélicoptères de combat ou de transport etc.
Le rôle joué par le Centre national des opérations aériennes (CNOA) de Lyon doit également être souligné. Serval a montré que l’Armée de l’air est désormais capable d’envisager différemment la planification et la conduite des opérations aériennes. Grâce aux moyens techniques dont se dote progressivement Lyon (essentiellement SIC – Système d'information et de communication – et satellitaires : Satcom, HF, IP, LDT, POIA) et aux compétences rassemblées sur le site (planificateurs, chefs conduite, officiers de renseignement, experts des liaisons de données tactiques, experts des radio-transmissions, experts de l’informatique, etc.), les unités opérationnelles du Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) de Lyon (JFAC, CNOA, Centre de renseignement air ou CRA), renforcées d’autres éléments venus de toute l’Armée de l’air, sont désormais capables de pleinement planifier et programmer et conduire les opérations aériennes où qu’elles se réalisent, depuis le sol métropolitain comme depuis le théâtre. La projection sur le théâtre de l’E-3F, les liaisons Satcom, HF et Chat Iridium, la mise en place d’équipements de gestion de liaison 16 (MIDS-JRE), et l’envoi possible de la vidéo de l’Harfang (FMV) en salle conduite, donnent au centre C2 (Commandement et conduite) de Lyon les moyens de supervision temps réel qui lui sont nécessaires pour conduire les opérations aériennes.
Il est ainsi particulièrement instructif de réaliser le défi qu’a représenté le premier raid offensif mené par quatre Rafale le 13 janvier au départ de leur base de Saint-Dizier. Il n’aurait pas pu être réalisé dans de tels délais sans un cœur opérationnel tel que celui de Lyon qui en a programmé les moindres détails et en a assuré le contrôle tactique jusqu’au recueil final sur N’Djamena. Le principe de reach back par Lyon a ainsi également démontré sa pleine efficacité dès le début de l’opération. Cette dernière continue aujourd’hui d’être contrôlée selon ces principes : la planification de la campagne aérienne est faite depuis Lyon, la conduite depuis N’Djaména.
Enfin, pour tirer partie au maximum des qualités de l’arme aérienne que sont ses facultés d’adaptation et sa souplesse d’emploi, la chaine de commandement et de conduite doit aussi avoir la capacité de procéder et d’ordonner en temps réel à des changements d’objectifs. Ceci d’autant plus que l’adversaire fait preuve d’une très grande fugacité et qu’il est indispensable de réduire au maximum la boucle entre détection et frappe. Il faut pouvoir mettre en réseau les moyens ISR (Intelligence, surveillance and reconnaissance), les moyens de contrôle et de commandement et les moyens de combat. Sur un théâtre aux élongations si grandes, la présence d’un AWACS est un facteur crucial. Ainsi le 19 février 2013 lorsque des éléments français en mission de reconnaissance dans le massif de l’Adrar à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tessalit, ont été pris à partie par des groupes terroristes, instantanément, une patrouille de Mirage 2000D, en mission d’appui au profit des troupes au sol dans la zone, est intervenue et a détruit deux nids de mitrailleuses lourdes. De même, il n’est pas rare de voir le CNOA procéder en temps réel à des changements d’objectifs au cours de missions de reconnaissance. Tout ceci n’est possible qu’à condition de s’appuyer sur des procédures éprouvées, des capacités techniques fiables et du personnel entrainé.
À cet égard, la manœuvre SIC fait partie intégrante de l’exercice de la puissance aérienne parce qu’elle suppose d’être parfaitement en phase avec les objectifs de campagne pour dimensionner convenablement la nature et les flux de données qu’ils soient hertziens, satellitaires ou informatiques, qu’il s’agisse de texte, d’images, de vidéos ou de voix…
Moins visible, mais tout aussi essentielle, l’appui à la manœuvre aérienne doit également pouvoir se reposer sur une architecture de commandement technico-logistique, elle aussi, en parfaite synchronisation avec les objectifs de la campagne aérienne afin d’assurer une disponibilité maximum des moyens mis en œuvre.
Besoin de disposer en permanence d’une capacité de surveillance et de recueil de renseignement
Une troisième capacité fondamentale de l’arme aérienne découle des moyens de surveillance et de recueil de renseignement qu’elle doit impérativement mettre en œuvre pour permettre la pleine efficacité des opérations, non seulement aériennes mais également interarmées. En effet, les appareils, les systèmes offensifs, les objectifs retenus dans chacune des zones d’engagement, la coordination temporelle et spatiale des moyens engagés, les liaisons nécessaires aux unités engagées au sol comme en vol, se nourrissent aujourd’hui d’une quantité de données provenant de capteurs multiples allant du renseignement humain au satellite en passant par les aéronefs et les drones. Ainsi, lors du raid du 13 janvier, la programmation des armements, les données nécessaires à la désignation des objectifs ordonnés par le CPCO ont convergé vers l’Escadron de chasse 1/7 de Saint Dizier jusque tard dans la nuit. Elles se sont appuyées sur des dossiers d’objectifs qui ont été élaborés dans des délais très contraints.
Le dispositif s’est initialement appuyé sur un triptyque satellite – Mirage F1CR – Atlantique 2 qui a très rapidement été complété par le déploiement de drones Harfang. En effet, le traitement des données recueillies se devait de pouvoir dépasser une simple articulation séquentielle de chacun des acteurs pour laisser place à leur fusion dans une action en temps réel : surveillance – identification – décision – désignation – tir. Cette capacité « temps réel » est indispensable pour ce type d’opération, tant les cibles sont agiles, rapides et dispersées sur de vastes espaces. Elle est un marqueur fort de l’action aérienne. L’engagement du drone Harfang est donc venu compléter l’efficacité opérationnelle du dispositif grâce en particulier à l’intégration de ses images dans la boucle décisionnelle. Il offre sur la totalité de la zone d’opérations 14 heures de présence continue par vol. Il permet ainsi l’engagement immédiat de patrouilles de Rafale ou de Mirage 2000D, auxquelles sont transmises en vol les données indispensables au traitement des cibles que les opérateurs drones identifient.
Cet engagement confirme une tendance qui s’accentue année après année et pour laquelle le drone tend à devenir un nœud central indispensable à la conduite de toute campagne aérienne. Le recours aux drones se fait en effet de plus en plus fréquemment pour vérifier avant toute frappe qu’il n’y a pas de dégâts collatéraux possibles. Il s’agit là d’une pratique qui s’étend même à la frappe d’objectifs planifiés ayant fait l’objet d’une analyse amont très précise. De plus, ce théâtre est caractérisé par ses très grandes dimensions qui réduisent le temps utile des patrouilles sur zone et conduit mécaniquement à en multiplier le nombre. En l’absence d’AWACS, la présence de drones offre d’indispensables relais de communication qui facilitent le transfert d’informations d’une patrouille à l’autre. Cependant la capacité drone reste notoirement insuffisante compte tenu de l’étendue de la zone à traiter et de la permanence à y assurer. La perte de temps induite par les longs transits depuis Niamey pourrait être réduite si plusieurs Male (Moyenne altitude, longue endurance) pouvaient opérer de concert. La couverture de la surveillance en serait par ailleurs plus large. De plus cela permettrait de faire face à l’émergence soudaine d’un besoin nouveau tel que celui qu’a fait naitre à la frontière du Nigéria et du Cameroun la dernière prise d’otage française.
La mobilité stratégique
La quatrième capacité fondamentale est la capacité de projection stratégique dont l’importance est quotidiennement mise en lumière sur ce théâtre d’opération, grand comme l’Europe (1), et éloigné à plus de 4 000 km de la métropole. En 1946, le général Gérardot, Chef d’état-major de l’Armée de l’air, l’affirmait déjà : « l’aviation de transport est le complément indispensable à une aviation de chasse que l’on veut mobile stratégiquement ». Cette assertion appliquée à l’Armée de l’air doit bien évidement être étendue à l’ensemble de nos forces. Seule l’arme aérienne peut donner à l’action de la France une véritable envergure stratégique et répondre aux grands défis logistiques et opérationnels qui se posent à elle. Les cinq premières semaines de l’opération Serval, ont ainsi vu la France projeter en toute urgence plus de 19 000 tonnes de matériels sur le théâtre, soit plus que ce qu’elle a rapatrié d’Afghanistan en une année. L’ampleur de la manœuvre logistique ne saurait donc être mésestimée. Si l’Armée de l’air s’est aujourd’hui organisée pour projeter, de façon modulaire, des capacités de transit interarmées (APOD : Air Port of Desembarkation) et d’installation de détachements aériens, seule une vraie capacité de transport aérien stratégique permet à « l’intendance de suivre», dans des conditions aussi exigeantes, tant en terme de délai que d’allonge.
De même, les misions confiées à nos avions de combat sont longues, multiples et se jouent sur de très grandes distances. Elles nécessitent des capacités de ravitaillement en vol importantes et ont dès lors conduit au déploiement sur le théâtre de plus de la moitié de nos C135. Cette réussite ne doit pas occulter le facteur limitant induit par la fiabilité relative de nos tankers dont l’âge avancé, 49 ans de service, fait peser un risque permanent de rupture capacitaire, ce qui rend d’autant plus pertinent l’arrivée, au plus tôt, du MRTT (Multi Role Tanker Transport) au sein de l’Armée de l’air. De plus il faut garder à l’esprit une règle simple connue depuis le Kosovo et qui veut que le nombre de tankers engagés conditionne directement le nombre de sorties de nos appareils de combat. Nos déficits en matière de ravitaillement en vol nous contraignent, comme en Libye, à nous appuyer sur des moyens américains depuis fin janvier. Cet appoint particulièrement appréciable ne permet cependant pas de répondre à l’ensemble de nos besoins. Ainsi, lors de l’accrochage du 19 février, la patrouille de Mirage 2000D a dû quitter la zone avant le désengagement car le tanker n’était plus en mesure de ravitailler. L’arrivée d’une patrouille en renfort depuis Bamako n’a été possible qu’après l’arrivée d’un nouveau tanker sur son orbite, laissant nos troupes plusieurs heures sans appui aérien.
L’entrée en service de l’A400M et du MRTT (un A330 modifié) changera donc la donne, non seulement par l’accroissement significatif de la charge offerte dont les armées disposeront, mais également par la rapidité de projection et par l’optimisation de la manœuvre que ces nouvelles flottes permettront.
Bamako constitue aujourd’hui un goulot d’étranglement conduisant à un ralentissement des flux logistiques induits par la saturation de la plateforme et la mise en mouvement de longs et lents convois pour rejoindre les zones de combats situées à plus de 350 kilomètres. Équipée d’A400M, le pont aérien aurait pu se faire au plus près sur les terrains de Mopti, Tombouctou ou Gao, permettant de gagner plusieurs jours pour concentrer les forces. En outre, la présence cet appareil aurait contribué à une simplifier la manœuvre logistique intra-théâtre aujourd’hui compliquée par les nombreuses ruptures de charge induites sur les terrains de Bamako, Niamey, Dakar, ou Ndjamena impliquant plus de 26 appareils tactiques de six nations différentes. De plus, les A400M pourront faire la rotation sur le théâtre dans la journée, divisant par trois les délais nécessaire à cette projection. Au-delà de cette performance opérationnelle, ce sont également tous les moyens d’escale et les capacités de traitement de la chaine logistique opérationnelle qui s’en trouveront affectées et donc les capacités de traitement de flux qui devront être adaptées.
De même, le raid du 13 janvier illustre le changement d’échelle que nous connaitrons. Trois C135, ont accompagné le raid des quatre Rafale, leur délivrant près de cent tonnes de pétrole. Mais ils n’ont transporté en même temps qu’une infime partie du matériel et du personnel indispensable à ce dispositif pour pouvoir opérer en continu de jour comme de nuit. Dans un avenir proche cette même manœuvre pourra être exécutée avec seulement 2 MRTT qui transporteront dans le même temps l’ensemble du détachement, et 2 A400M qui transporteront sur N’Djaména en six heures seulement l’ensemble du fret. Ainsi, en moins de 48 heures, l’Armée de l’air sera capable de déployer à plus de 4 000 kilomètres un dispositif offensif significatif.
En outre, cette opération vient également rappeler qu’à la mobilité stratégique inter-théâtre se superposent des besoins simultanés d’appui tactique intra-théâtre. L’opération aéroportée sur Tombouctou effectuée le 29 janvier, très emblématique par certains aspects, illustre surtout la manière dont la projection aérienne permet des bascules instantanées d’effort sur le théâtre en appui de la manœuvre interarmées, contribuant directement à son accélération. La simultanéité de ces exigences de mobilité et d’appui suppose donc que le format des moyens de projection par air ne soit pas uniquement pensé sur la base des nécessités de la projection inter-théâtre. De plus, la dimension tactique suppose également de disposer des appareils de transport dont les caractéristiques opérationnelles doivent garantir l’aptitude au combat. Ainsi les capacités tactiques de l’A400M associées à l’adaptation militaire de sa soute lui permettent de déployer les moyens terrestres (hélicoptères, blindés), immédiatement opérationnels dès leur déchargement, sur la zone d’engagement dans un environnement rustique.
Coopérations alliées
Cet engagement met également en lumière la dépendance dans laquelle nous sommes vis-à-vis de nos alliés. Elle ne pourrait avoir lieu sans leur contribution active que ce soit dans le cadre de la projection logistique inter-théâtres et intra-théâtre (25 %) qui a mobilisé sur le premier mois pas moins de 110 missions alliées que dans les domaines ISR pour lesquels américains et britanniques ont engagé un JSTAR, un Predator et un Sentinel R1. Ces deux derniers pays étant, avec la France, les seuls à disposer d’une capacité à intervenir dans des délais similaires et délivrer des effets militaires aussi puissants. Le dialogue stratégique, entretenu en particulier entre nos trois armées de l’air, contribue largement à faciliter la mise en commun et l’intégration des moyens alliés. Cet aspect est par ailleurs renforcé par la crédibilité de la chaine de commandement air mise en place. Elle offre à nos partenaires un gage de cohérence et de sécurité quant à l’emploi de leurs moyens que pourrait solliciter le Comanfor.
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Enfin, il n’est pas inutile de souligner que simultanément à cet engagement au Mali, la mission permanente de dissuasion dévolue à l’Armée de l’air continue d’être assurée sans la moindre altération, condition indispensable à la crédibilité de cette fonction stratégique fondamentale pour la sécurité de notre pays. Le contrat des forces aériennes stratégiques, priorité de l’Armée de l’air, est rempli tous les jours.
De même, l’Armée de l’air maintient la posture Permanente de sureté aérienne (PPS) pour garantir la souveraineté et la protection de l’espace aérien national, en particulier face à la menace terroriste. Cette mission est rendue d’autant plus nécessaire que l’engagement de la France accroit significativement la menace qui pèse sur le territoire national. Les moyens attribués à la permanence opérationnelle ont par ailleurs été reconfigurés. Ainsi les Mirage 2000 de défense aérienne ont remplacé les Rafale pour la mission de PPS afin de permettre aux avions les plus modernes d’être affectés en priorité sur le théâtre africain. En effet, les qualités du Rafale, déjà démontrées en Libye, font de lui un appareil parfaitement adapté aux missions sur le continent africain. Sa polyvalence lui permet de mener à la fois des missions de frappes aériennes mais aussi de reconnaissance. Son allonge et son autonomie lui garantissent de rester sur zone pendant une durée importante afin de traiter une cible à haute valeur ajoutée en temps réel ou d’apporter si nécessaire un appui aux troupes engagées au sol. Enfin, la variété de ses capteurs et des armements qu’il en mesure d’emporter lui octroie une puissance de feu le rendant capable de traiter de nombreux objectifs avec un maximum de précision.
En conclusion, par ses qualités propres l’Armée de l’air a contribué à donner un coup d’arrêt rapide et significatif au développement de l’offensive terroriste particulièrement menaçante pour l’intégrité du Mali. Cet engagement montre une nouvelle fois que l’Armée de l’air est un outil opérationnel aujourd’hui pleinement cohérent et un acteur majeur de la stratégie militaire dont l’efficacité militaire répond aux attentes politiques. ♦
(1) L’élongation à partir de N’Djaména vers le centre du Mali est équivalente à la distance Paris-Saint-Petersbourg.