La guerre qui revient
Alain Bauer
J’invite Jean-François Gayraud, directeur de l’Académie du Renseignement et Philippe Gros, maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à bien vouloir me rejoindre pour entrer dans le vif de la guerre, sans arme. Nous allons traiter de la question de la guerre qui revient. Nous nous interrogeons beaucoup en matière de formations et de recherches sur les conflits à venir, ce qui pourrait nous arriver et les enjeux de ce qui semble arriver à l’horizon, ce qui pourrait suivre la ligne habituelle et de la projection qui souvent se transforme en prévision, même si ce terme est dangereux.
Nous avons considéré que nous étions dans un processus qui aurait pu s’appeler davantage « les guerres » que « la guerre », mais cela ouvre les perspectives. D’ailleurs, cela aura une cohérence générale dans la suite des XIIIes Assises nationales de la recherche stratégique, puisque nous traiterons, avec notre collègue Yves Jégourel, des enjeux des matières premières. Nous aborderons également les enjeux de technoglobalisation avec la dimension des libertés publiques, car le Conservatoire ne fait pas que dans le fétichisme technologique. Enfin, nous aurons un moment avec nos collègues du MIT sur les cyber-normes et la manière dont on règle la question des enjeux de cybersécurité. Je rappelle que cyber n’a jamais voulu dire « sécurité informatique », mais qu’il s’agit de la dimension globale de la complexité du gouvernail du cyber. Il faut une gestion qui intègre désormais des domaines qui couvrent la sécurité sanitaire, la sécurité au sens policier, la sécurité au sens militaire, la désinformation, ainsi que l’équilibre général des institutions. Pour ce faire, on a considéré qu’il serait intéressant d’avoir une vision de deux grands professionnels, chacun dans leur métier, l’un conceptuel et l’autre davantage opérationnel. Jean-François Gayraud est un policier qui écrit, pense et conceptualise. Il ne nous raconte pas seulement sa vie et ses belles affaires, il y a dans ses travaux une dimension extrêmement structurante qui relève du domaine de la recherche ou de la recherche-action. C’est donc lui qui va commencer, avec une approche plus disruptive de la question posée, puisque l’important ce n’est pas tellement la question, mais la réponse.
Jean-François Gayraud
Le thème de ces Assises est « le nouveau désordre mondial ». J’imagine que la nouveauté ici désignée tient davantage aux figures du désordre qu’à son principe même, car le monde n’a jamais été ordonné – sauf peut-être au temps des chasseurs-cueilleurs, donc avant la sédentarité. Ou bien est-ce une manière de regretter la clarté et la simplicité du conflit Est-Ouest et de la guerre froide qui, malgré sa dangerosité, signait encore l’hégémonie du Nord sur le Sud.
Une seconde interrogation émerge avec le sujet de notre panel : « La guerre qui revient ». J’imagine qu’il s’agit d’une pure figure de style car, au-delà du fait qu’il nous faudrait qualifier de manière consensuelle ce que nous dénommons « guerre », la guerre n’avait pas disparu depuis la fin du second conflit mondial. Les guerres interétatiques avaient, certes, cédé la place aux conflits infra-étatiques et asymétriques, mais il s’agissait bien de conflits armés, d’une grande létalité et souvent d’une indéniable cruauté ; et seule notre indifférence, notre insouciance ou notre européocentrisme nous avait fait sortir psychologiquement de la guerre. Le monde se battait et nous étions souvent loin des champs de bataille.
Nous sommes toutefois sortis de notre distraction avec la guerre en Ukraine mais, aussi, auparavant, avec les attentats terroristes de 2015 en France, car nos concitoyens ont perçu ces actes criminels comme une forme de guerre et ce, en raison des méthodes utilisées par les islamistes armés.
Plus que de guerre, la question centrale est aujourd’hui celle de la conflictualité et de ses dispositifs multiples et complexes. Le monde post-guerre froide est celui de formes de conflits où les frontières sont brouillées : entre la paix et la guerre, l’intérieur et l’extérieur, le politique et le criminel, le civil et le militaire, le réel et le numérique, l’ami et l’ennemi, etc. Et les conflits civils risquent de devenir de plus en plus présents, y compris en Europe, à l’image des émeutes du début de l’été en France ; des émeutes qui furent de « très haute intensité ».
Les études, en particulier celles de l’ONU, montrent que dans le monde post-guerre froide, pour l’instant, la criminalité et le crime organisé font plus de victimes que les conflits armés. Près de 500 000 personnes meurent chaque année, victimes d’homicides. La violence des bandes criminelles vaut bien celles des armées quand, parfois, sur certains terrains de conflits, nous ne savons plus si nous avons affaire à des armées criminalisées, à des bandes criminelles aux méthodes guerrières, à des partisans prédateurs ou à des prédateurs politisés.
Il existe même une létalité invisible de près de 500 000 morts par an, due à des formes complexes de criminalité organisée : celle provoquée par des médicaments contrefaits, dont la majorité des victimes se situe en Afrique. Il s’agit, à n’en pas douter, d’une forme invisible et réelle de conflictualité, à caractère criminel, contre des populations. On pourrait même rappeler, aux confins de la légalité et de l’illégalité, de la santé publique et du droit criminel, que la crise du Fentanyl aux États-Unis est née au cœur de l’industrie pharmaceutique, avant d’être récupérée par les cartels de la drogue mexicains.
Dans ce contexte, dans un monde où l’adversité prolifère, à quoi sert le renseignement ? Il est évident que plus les acteurs du désordre sont nombreux, dangereux et étranges, plus la nécessité d’une boussole ou d’une lumière dans le brouillard s’impose. Pour penser le renseignement dans ce monde chaotique, il faut paradoxalement regarder en arrière, en revenant aux fondamentaux, exprimés dans une langue claire et exprimant une pensée forte : celle du général de Gaulle dans Le Fil de l’épée, paru en 1932. Le général de Gaulle traite alors très brièvement du renseignement pour en souligner l’importance, dans deux phrases. Il nous dit que le renseignement est là pour « ouvrir des chemins » et, surtout, qu’il doit servir concrètement à penser l’ennemi dans une formule lumineuse : « ce qu’il est, ce qu’il sera, ce qu’il fait et ce qu’il va faire ». Cette belle formule n’a pas été suffisamment analysée. Elle nous dit pourtant ce à quoi les services de renseignement doivent servir. Le général définit les trois fonctions du renseignement :
• Le renseignement sert, d’abord, à connaître les forces et faiblesses de l’adversaire. Le « ce qu’il fait ». La question à laquelle il convient de répondre est : « que peut-il faire ? ». Le problème à résoudre est celui des capacités.
• Le renseignement sert, ensuite, à connaître les objectifs de l’adversaire. Le « ce qu’il va faire ». La question à laquelle il convient de répondre est : « que veut-il faire ? ». Le problème à résoudre est celui des intentions.
• Le renseignement sert, enfin, à connaître avec précision la nature des adversaires. Le « ce qu’il est, ce qu’il sera ». La question à laquelle il convient ici de répondre est : « qui est-il ? ». Le problème à résoudre est celui de l’essence de l’Autre.
La question posée n’est plus celle des capacités ou des intentions, la question n’est plus « que peut-il faire ? » et « que veut-il faire ? », mais « qui est-il ? ». Le « qui ? » est crucial, car il nous oblige à des interrogations difficiles et à sortir du confort intellectuel et des fausses évidences ; et ce travail ne peut être réalisé qu’avec l’apport de la recherche universitaire.
Autant les deux premières questions, celles touchant aux capacités et aux intentions, sont toujours présentes, autant la troisième, finement comprise par le Libérateur de la France, est parfois oubliée, alors même qu’elle est centrale et surtout première. Le « qui ? » constitue un préalable, car nous butons en permanence sur une double difficulté face à ces désordres, guerres ou conflits du monde : les nommer et les décrire avec justesse. En effet, la détermination de l’essence de l’adversaire permet d’en deviner les intentions possibles et de juger sereinement de ses capacités réelles.
Philippe Gros
Je vais élargir mon propos, au-delà de ce qui se passe concrètement en Ukraine pour essayer d’en tirer des enseignements militaires, opérationnels et capacitaires. Je rejoins le propos de Jean-François Gayraud sur ce que sont le retour de la guerre et la définition du retour de la guerre de haute intensité. Je définis la « haute intensité » comme étant l’utilisation au maximum de leurs rendements de toutes les fonctions opérationnelles d’une force engagée dans un conflit, tant sur le plan offensif que défensif. Ce qui signifie que l’intensité elle-même est quelque chose de relatif. La haute intensité est, je dirais, maximaliste et pose des défis tout à fait particuliers. Il faut rester prudent parce que l’on dispose de peu de recul sur les conflits actuels, de la guerre en Ukraine à celui dans le Haut-Karabagh, mais aussi d’autres conflits qui n’ont pas beaucoup été analysés sur la scène française, notamment la guerre en Libye. Il y a des éléments manquants et on ne dispose que de connaissances lacunaires sur ces sujets.
Ensuite, il faut conserver le prisme du contexte et adapter ce que l’on peut en tirer pour la France. Par exemple, raisonner en chiffre brut sur ce qui se passe en Ukraine et en tirer directement des implications pour l’appareil de force français n’a strictement aucun sens. En effet, ce conflit est une guerre à but absolu dans lequel un État (la Russie) en envahit un autre (l’Ukraine) et vise sa destruction. Il suffit de voir la situation géopolitique, c’est le genre de choses qui, en dépit du florilège de menaces émergentes, ne menacent pas la France. De plus, comparer les capacités françaises stricto sensu et ukrainiennes ou russes – se confrontant sur un front de 1 300 km – n’a pas de pertinence. La France n’est pas menacée par une situation analogue à celles des Première ou Seconde Guerres mondiales.
Enseignements majeurs
Abordons ici quelques enseignements qui semblent importants sur le plan opérationnel, sur le plan de la stratégie militaire, sur la stratégie opérationnelle et sur le plan capacitaire.
La nature des opérations
Il existe deux types d’approches dans les combats aéroterrestres : directe et indirecte, pour résumer grossièrement. L’approche directe est celle de l’usure de l’attrition où l’on casse la force adverse par le détail. L’approche indirecte est celle qui trouve des vulnérabilités et on essaie par le tempo de la manœuvre et par l’avantage positionnel dans le temps et dans l’espace de la manœuvre de disloquer le dispositif adverse. L’approche indirecte est, évidemment, un mantra, un « doctrinalement correct » dans l’ensemble de nos appareils de force.
Si l’adversaire peut être disloqué, on aboutit à une logique d’annihilation de sa capacité à un coût quand même plus réduit. Or, on se rend compte que cette approche indirecte est en fait extrêmement difficile à mettre en œuvre et on ne la retrouve quasi jamais. Vous avez trois cas d’approches indirectes : les Américains en Irak en 2003, nous au Sahel en 2013, et la reprise de Kharkiv par les Ukrainiens en septembre 2022. Le reste relève plutôt de l’approche directe, de l’usure. Ce mode opératoire nécessite un volume de capacités énormes, un volume de munitions, de soutien, qui est hors de portée de la plupart de nos appareils de force.
La transparence du champ de bataille
Cette transparence du champ de bataille est toute relative et je rejoins là le propos de Jean-François Gayraud. En effet, elle concerne surtout la lecture des dispositifs adverses, autrement dit les aspects plutôt capacitaires. Le renseignement d’intention, lui, reste beaucoup plus difficile à obtenir, même si, là encore, d’énormes avancées ont été faites. La transparence du champ de bataille n’est partagée, entre les deux belligérants et que sur la zone de contact et dans la profondeur tactique. Dans la profondeur, plus stratégique, il n’y a que les Ukrainiens qui en disposent. Les Russes ne l’ont pas, d’où, d’ailleurs, la nature du ciblage qu’ils entreprennent. Les Ukrainiens l’ont grâce à l’appui du renseignement massif des Occidentaux et en particulier des Américains.
Sur cette zone de contact et dans la profondeur tactique, effectivement, grâce à la masse de capteurs sur le dispositif visible identifiable, on dispose de quelque chose qui s’apparente à une forme de transparence et qui, d’ailleurs, se retrouve avec les progrès énormes faits en sources ouvertes (OSINT) sur de multiples aspects – des dispositifs sur Internet grâce aux données des réseaux à l’imagerie, au géoréférencement, etc. On dispose à l’heure actuelle d’un degré de connaissance en sources ouvertes du dispositif russe qui était impensable il y a encore une dizaine d’années. En découle la criticité de l’affrontement entre l’action de renseignement (ou ISR) dans le domaine militaire, dans le domaine tactique et le contre-ISR, la capacité à dénier la capacité de renseignement de l’autre.
Les feux d’interdiction
En outre, dans une logique d’attrition, c’est-à-dire de frappe longue portée dans la profondeur de l’adversaire afin de lui interdire l’utilisation des fonctions opérationnelles de soutien, de commandement et des échelons de renforts, les frappes doivent être massives et permanentes. L’attrition et l’empêchement de l’adversaire ne peuvent être obtenus par des coups de temps en temps. C’est ce que font les Ukrainiens, mais ils ne peuvent pas faire plus. Pour cette logique d’interdiction, il faut avoir des feux qui sont suffisamment précis et soutenus, avec des boucles de ciblage récurrentes qui permettent, en réalité, d’étouffer les fonctions opérationnelles de l’adversaire. C’est quelque chose d’extrêmement difficile à mener en termes de volume, ce qui rejoint mon propos sur l’attrition.
Il y a, également dans ces conditions, certains aspects de stratégies capacitaires intéressants à étudier.
La vélocité des adaptations tactiques et capacitaires
En matière de stratégie capacitaire la guerre en Ukraine est un conflit d’attrition, une guerre d’usure et d’approches directes. Elles ne sont possibles qu’avec des stocks : pas de stock, pas de guerre. Ce regard change complètement la logique que l’on a connue avec nos opérations extérieures Opex, des engagements plus bas dans le spectre de l’intensité des conflits. L’Ukraine fait la guerre avec les stocks occidentaux et la Russie fait la guerre avec ses stocks soviétiques de la guerre froide. Or, ces derniers s’épuisent progressivement. En effet, une fraction de cet équipement est à l’état d’épave et parmi les équipements qui ressemblent encore à quelque chose, une grosse partie n’est pas entretenue depuis des décennies.
On se rend alors compte que la portion de stocks restaurables est, en réalité, beaucoup plus faible et a été largement consommée depuis un an de guerre ; et donc, dans les prochains mois, les Russes vont arriver au bout de cette ressource (1). Ce qui n’est pas le cas des Ukrainiens avec les alliés de l’Otan.
Au bout du compte, nous faisons face à une asymétrie des enjeux et des risques. Du côté russe, vous avez le plafond de verre de leur limite physique, de ce qu’ils ont en stock. Du côté ukrainien et de ses partenaires, la limite est plus politique. Quels risques nos alliés sont-ils prêts à assumer sur nos risques d’engagements futurs, par rapport à ce qu’on peut fournir à l’Ukraine ? Sur ce plan-là, d’ailleurs, ce n’est pas une question de volume brut mais plutôt une question relative. Quand on regarde ce que les Américains ont fourni, l’effort est massif en valeur absolue. En terme relatif, cependant, les armées françaises ont, par exemple, livré à l’Ukraine 20 % de leur parc d’artillerie. Si les Américains faisaient la même chose, il y aurait en Ukraine entre 500 et 600 canons et beaucoup plus de roquettes que ce qui a déjà été livré.
Vous avez aussi la question cruciale du Maintien en condition opérationnelle (MCO), qui est rarement abordée et pourtant déterminante, mais difficilement quantifiable. Il est absolument fondamental et il est impossible de comprendre ce qui arrive à l’armée russe si la question des cycles de maintenance, des matériels lourds n’est pas intégrée. Quelques données disponibles dans la documentation russe sur les conflits passés, comme en Tchétchénie, permettent d’appréhender quelque peu cette affaire. Du côté ukrainien, la situation est aussi extrêmement difficile.
Un autre point très intéressant réside dans la stratégie capacitaire participative : crowdfunding, distribution dans la fabrication des drones, etc. Il y a un siècle, l’arrière tricotait des chaussettes et faisait des colis de nourriture, maintenant il fabrique des drones, des véhicules voire des obus de mortiers pour certaines unités ukrainiennes. Cette stratégie capacitaire participative engage l’ensemble de la société. C’est un phénomène assez impressionnant et qui est lié à la difficulté de l’institution à gérer justement les volumes que génèrent les combats de haute intensité, à innover rapidement, etc. On retrouve cela aussi chez les Russes, dans une moindre mesure.
Un autre élément capacitaire intéressant est l’emploi massif des systèmes de drones : ISR, attaques, « drones-munitions ». Ces drones munitions maraudeurs génèrent une véritable occupation aérienne de la zone de contact et de profondeur tactique. Ils fournissent dans la profondeur stratégique un moyen peu couteux de frappes à longue portée complémentaire des missiles. C’est le cas des drones iraniens et c’est toute l’expérience acquise par les Houthis au Yémen, qui se retrouve indirectement en Russie. Le regretté Andrew Marshall, directeur de l’Office of Net Assessment du Département de la défense des États-Unis de 1973 à 2015, appelait cela l’avantage compétitif. Il intervient lorsque des investissements dans une capacité forcent l’adversaire, pour s’en prémunir ou la surclasser, à investir dans une capacité nettement plus coûteuse. Concept que les Américains ont, dans une certaine mesure, mis en œuvre face aux Soviétiques durant la fin de la guerre froide. C’est ce qui existe avec les Houthis face à l’Arabie saoudite ou en Ukraine : la recherche de l’avantage compétitif, c’est-à-dire le drone peu onéreux qui force la défense à tirer des missiles qui coûtent des millions. Sur une ou deux semaines, l’effet reste négligeable, mais sur plusieurs mois, les stocks se réduisent et la situation devient problématique pour le défenseur.
* * *
Il faut abandonner l’idée de Game Changer. Hormis le nucléaire, aucun armement spécifique ne peut à lui seul changer le cours d’une guerre. Ce d’autant que la tendance depuis au moins deux siècles à la diversification du spectre des outils technologiques et des pratiques technico-opérationnelles, c’est-à-dire une juxtaposition de nouveaux outils avec les anciens. Ce phénomène de juxtaposition, de complémentarité, peut aussi évidemment amener à la disparition de telle ou telle technologie ou composantes de force jugées obsolètes, mais ce n’est pas le plus courant.
Je clôturerai mon propos sur quelque chose qui est très dérangeant pour nous sur le plan stratégique. Cela dépasse l’aspect technico-opérationnel. La guerre en Ukraine offre une situation que l’on n’a jamais vue pendant la guerre froide. Nous avons un État agressé par un État nucléaire. Le premier riposte en menant une campagne par drones de plus en plus massive sur le territoire national de l’État doté de l’arme nucléaire. Or, ce dernier ne fait rien en dehors de continuer le massacre, qu’il a entrepris depuis un an, parce qu’il ne peut pas surenchérir, ce qui change beaucoup de choses quant à la conception de la dissuasion. C’est un élément dont on n’a pas encore mesuré toute l’importance, y compris pour nous, Français et Européens. Il participe en effet à la poursuite de la dés-inhibition des comportements stratégiques et nous pourrions bien à terme être confronté nous aussi à ces modes d’action. Les enseignements sont assez mégatonniques en ce qui concerne l’épaulement entre la dissuasion nucléaire et les forces conventionnelles, besoins de la fonction protection de notre territoire, etc. ♦
(1) Note de l’auteur : A posteriori, cette assertion s’avère en partie erronée : les Russes parviennent à restaurer aussi une large part des équipements anciens, mais cela leur prend plus de temps. C’est donc la cadence de cette restauration qui pose un problème. Le résultat est finalement le même : Moscou « démécanise » ses forces et ne pourra encore longtemps maintenir le niveau d’intensité qui est le sien depuis l’automne 2023.