L’expérimentation d’une technique d’augmentation invasive puis sa mise en œuvre chez le soldat impliquent des questionnements médicaux comme juridiques. Médecins militaires et juristes ont été réunis pour en débattre et dresser, après les réserves éthiques qui s’imposent, les premières pistes de réflexion concrètes : nécessité de répondre à un besoin opérationnel strict, respect plein et entier de la liberté de la personne humaine, choix de commandement et non pas du corps médical… Tout un ensemble de considérations mises à portée de tous pour comprendre les enjeux, les moyens et les conséquences du choix d’augmenter le soldat.
Besoins et perspectives de l’augmentation des capacités du soldat
La restitution des travaux du groupe de travail GT C sur les politiques de gestion de l’augmentation par les forces s’effectue dans ce chapitre sous la forme originale d’un dialogue, reprenant et enrichissant l’exposé effectué par les représentants de ce groupe de travail, qui sont les mêmes auteurs de cet article, lors de la journée d’études du 19 juin 2017.
M. Le Gars :
Une évidence au moins, l’augmentation du soldat ne saurait se limiter à l’étude des finalités et des moyens techniques, au sens large du terme. On ne peut faire l’impasse sur les considérations médicales, éthiques et juridiques pour défricher le champ des possibles, s’il doit en être.
Pour poser ces « regards croisés médical, juridique et éthique sur le suivi d’une augmentation invasive sur une personne, au fil de sa vie de militaire et au-delà », nous réunissons donc, pour l’égalité des armes, deux juristes et deux médecins militaires : Mme Sandrine Turgis, docteur en droit, maître de conférences en droit public à l’Université de Rennes 1 et M. Jean-Christophe Videlin, maître de conférences en droit public ; le MCS Frédéric Canini, Chef du département Neurosciences et Contraintes opérationnelles à l’IRBA et le MC Damien Ricard, professeur agrégé de l’École du Val-de-Grâce, coordonnateur national de la recherche clinique du service de santé des armées et chef de service adjoint de neurologie à l’HIA Percy, étant précisé qu’il va de soi que les positions exprimées et reprises dans cet article ne sont que les points de vue des auteurs et ne doivent pas être considérées comme le point de vue officiel du SSA.
Avant d’entendre, dans un second temps, nos intervenants sur les questions qu’est susceptible de poser le suivi du soldat du stade de son consentement à l’augmentation, en passant par son engagement et son retour à la vie civile, il faut, dans un premier temps, s’interroger sur les conditions de l’expérimentation et la validation de la technique d’augmentation, en partant du postulat que cette dernière est « invasive » pour la personne humaine, soit ponctuellement, soit dans la durée, et qu’elle est développée en réponse à un besoin opérationnel.
Dr Canini, pouvez-vous dresser le panorama du cadre éthique auquel doit se soumettre tout développement préclinique d’augmentation (modèles cellulaires et animaux) ?
Dr Canini :
Le seul cadre éthique qui existe est dévolu au développement de thérapeutiques visant à prévenir et soigner des maladies ou compenser des handicaps. Il s’adresse donc à la personne vulnérable et non à l’individu sain qui désirerait augmenter ses capacités. Il n’est donc possible de parler que de ce cadre-là. Ce cadre vise à garantir qu’une molécule remplisse bien la fonction qui lui est assignée : avoir un effet thérapeutique le plus puissant possible avec une prise de risque aussi faible que possible. Le parcours de développement d’une molécule se fait avec le double objectif d’évaluer : 1°) son efficacité biologique chez l’individu sain et thérapeutique chez l’individu malade et 2°) son innocuité.
L’évaluation d’une molécule nouvellement synthétisée suit un parcours assez standardisé et très réglementé. Le premier pas est une analyse in vitro qui cherche à mettre en évidence : 1°) l’effet de la molécule sur un mécanisme biologique cellulaire précis – cet effet étant susceptible d’être indicateur de l’efficacité de la molécule chez un individu – et 2°) les réactions cellulaires témoignant d’une possible toxicité de la molécule.
Le pas suivant est le passage à l’expérimentation chez l’animal. Celle-ci est encadrée par la loi relative aux expérimentations chez l’animal. Le corpus légal français est structuré autour du Code rural et de l’ensemble des décrets d’application promulgués le 1er février 2013. Ces décrets sont la traduction dans le droit français de la directive européenne 2010/63 du 22 septembre 2010. Ils régissent les conditions dans lesquelles se fait l’expérimentation sur l’animal, incluant les comités d’éthique en expérimentation animale, l’origine des animaux, les agréments des établissements, la compétence des personnels autorisés à y procéder, etc. L’objet des recherches est précisé dans l’article R.214-105 du Code rural et de la pêche maritime : recherche fondamentale (visant la compréhension des mécanismes biologiques des maladies) ou recherche translationnelle (visant l’application des connaissances fondamentales au soin) dans les domaines de la prévention, de la prophylaxie, du diagnostic et du traitement des maladies.
Les conditions d’application de ces arrêtés à la Défense ont été définies par l’arrêté du 16 octobre 2013. Celui-ci prévoit même les modalités d’évaluation éthique pour des programmes relevant de la confidentialité (article 8).
D’une manière générale, tout chercheur souhaitant effectuer une expérimentation chez l’animal dépose une demande d’autorisation auprès de son autorité de tutelle, demande qui sera évaluée par un comité d’éthique institutionnel. La réponse de ce dernier se fonde sur un ensemble de critères : 1°) la conformité à la loi des intervenants (par exemple, l’établissement, les personnels impliqués, etc.), 2°) la légitimité de l’expérimentation au regard du but assigné, 3°) la proportionnalité des moyens utilisés garantissant autant que possible que l’expérimentation atteindra ses objectifs et 4°) l’élégance et le raffinement de l’expérimentation garantissant qu’aucune souffrance inutile n’adviendra.
La question de l’augmentation, au sens de l’amélioration (enhancement) définie par l’avis n° 122 du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) « Recours aux techniques biomédicales en vue de “neuro-amélioration” chez la personne non malade : enjeux éthiques » (1), n’a donc pas de cadre défini stricto sensu. On peut considérer en première approche que les expérimentations chez l’animal à visée d’augmentation doivent respecter l’ensemble des dispositions légales précitées. Pourtant, à regarder de plus près, tout développement de molécules ou matériaux qui n’est pas dans la finalité de prévenir, guérir ou détecter précocement des états physiopathologiques contrevient à l’esprit et la lettre de la loi (R.214-105 précité). La mise au point chez l’animal de techniques d’augmentation est donc exclue par le corpus légal pour un motif éthique de finalité. Nous retrouvons ici les limites pointées par le CCNE. L’éthique de la recherche préclinique entre donc en écho avec l’éthique médicale.
M. Le Gars :
Passons donc, comme vous nous y invitez, à l’étape suivante, l’expérimentation de l’augmentation de la personne humaine elle-même. Dr Ricard, existe-t-il un cadre réglementaire à cet effet ?
Dr Ricard :
Tout d’abord, dans notre société, toute intervention invasive dans le corps de personnes ou psychique ne s’envisage pas hors de l’action de personnels soignants, diplômés et qualifiés selon des prérequis précisés par la loi et adaptés à la nature de l’intervention envisagée. Cela paraît naturel lorsqu’il s’agît d’apporter des soins à une personne présentant un état pathologique, mais cela n’a pas encore été défini pour des interventions visant à modifier une personne en bonne santé. L’augmentation du soldat pose la question du cadre réglementaire et du statut de l’opérateur qui va effectuer cette opération surtout lorsqu’elle s’immisce au-delà de la barrière cutanéomuqueuse ou modifie le psychisme, même de façon réversible.
Depuis 1946, il existe un cadre international à l’expérimentation sur la personne humaine qui découle du procès de Nuremberg et dont les principes ont été scellés à la Conférence d’Helsinki en 1964. Actuellement en France, c’est la loi dite Jardé (n° 2012-300 du 5 mars 2012) qui encadre les recherches impliquant la personne humaine dont les décrets d’application ont commencé à être publiés en novembre 2016. Cette loi impose, pour des essais interventionnels de médicaments et de produits de santé, l’obtention de l’avis favorable du Comité de protection des personnes (CPP) et l’autorisation de l’Agence nationale de sûreté des médicaments (ANSM), la qualification de médecin ou de personnel paramédical pour les investigateurs, ainsi qu’une procédure de validation auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour débuter le protocole d’étude.
S’il est vrai que l’intitulé de cette loi – « recherches impliquant la personne humaine » remplaçant celui de la législation antérieure, « recherches biomédicales sur la personne humaine » – laisse penser que l’augmentation de la personne puisse entrer dans son champ, elle distingue les recherches avec médicament ou produit de santé des recherches hors produit de santé ; mais cette dernière catégorie désigne davantage les interventions moins invasives qui ne mettent en jeu ni molécules, ni dispositifs médicaux. Rien ne laisse penser que le législateur a eu l’intention d’encadrer les essais sortants du cadre de l’étude de l’efficacité et de la tolérance de moyens thérapeutiques. L’expérimentation sur la personne humaine en vue d’évaluer l’effet d’une intervention d’augmentation ne semble donc pas avoir de cadre réglementaire à ce jour.
Et si le pouvoir politique décide d’en édicter un, la première difficulté sera de garantir les conditions du consentement libre et éclairé de la personne qui s’inscrit, ou à qui l’on propose une intervention en vue de l’augmenter. Dans la mesure où, dans un certain nombre de situations, c’est l’aptitude à un emploi ou une mission, notamment dans les armées, qui pourrait motiver cette intervention, il est difficilement concevable que la liberté soit réellement respectée. Surtout dans un milieu à la hiérarchie prononcée et où l’émulation et la cohésion peuvent entamer le discernement individuel. Il est clair que la réglementation ne permettra pas de donner des conduites à tenir adaptées à toutes les situations. Chacune des solutions technologiques envisagées et son usage devraient être soumis à l’approbation d’un comité d’éthique, en plus d’un comité de protection des personnes, qui reste à constituer et qui pourrait se prononcer au cas par cas en respectant l’objection de conscience (pour les personnes qui doivent intervenir comme pour celles qui doivent recevoir la technologie d’augmentation).
La seconde difficulté de taille sera de définir qui est habilité à être investigateur pour ce type de recherches. Il n’est pas dit que le corps médical et les ordres ou représentations de personnels soignants acceptent de se voir confier ce rôle qui s’oppose au principe ontologique qui ne justifie l’acte invasif que dans la mesure où il a une intention de soulager la personne à laquelle il est proposé.
M. Le Gars :
Avant d’entrer de manière plus précise dans les différentes questions qui se posent en ce qui concerne le suivi de la personne augmentée, de son recrutement à son retour à la vie civile, pourriez-vous, Mme Turgis, nous exposer les grandes lignes des droits fondamentaux qui sont concernés par la problématique de l’augmentation ? En fait, quel est le paysage juridique qui se dresse devant nous ?
Mme Turgis :
Les problématiques soulevées par l’augmentation sont liées au respect du corpus constitué par les droits fondamentaux. En effet, l’augmentation ne peut être envisagée que dans un cadre et selon des procédures assurant le respect de ces derniers.
Ces droits fondamentaux, qui font peser des obligations sur les États, sont inscrits tant dans des textes nationaux – à commencer pour la France, par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – que dans des traités internationaux ou européens liant les États. Il s’agit pour la France notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 et de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine de 1997. Au regard de la question qui nous mobilise aujourd’hui, il est nécessaire de rappeler que selon l’article 1er de cette dernière Convention, les États « protègent l’être humain dans sa dignité et son identité, et garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la médecine ». La protection offerte est donc étendue et c’est heureux.
Certains droits fondamentaux doivent retenir plus spécifiquement l’attention dans l’hypothèse particulièrement inquiétante d’une « augmentation invasive ». Ils vont permettre de fixer les lignes rouges à ne pas franchir. Il faut ainsi retenir notamment l’interdiction des traitements inhumains et dégradants, qui fait partie du noyau dur des droits de l’homme, ainsi que le droit au respect de la vie privée et familiale. Ces interdictions et droits sont à rapprocher, d’une part, du droit au respect du corps humain et de son inviolabilité qui sont inscrits dans le Code civil français et, d’autre part, de l’obligation d’obtenir le consentement de la personne concernée. En outre, il faut être particulièrement vigilants au regard du principe d’égalité et de l’interdiction de la discrimination à la fois lorsqu’il sera question du recrutement, de l’éventuelle augmentation elle-même et de l’après-augmentation.
M. Le Gars :
Le large paysage d’arrière-plan tant médical que juridique étant ainsi posé, nous pouvons maintenant entrer dans le vif du sujet, le suivi de la personne humaine, du soldat, de son entrée dans la vie militaire à sa sortie vers la vie civile. Arrêtons-nous tout d’abord au stade du recrutement, de la sélection et de l’affectation du militaire.
Et ma première question sera adressée à M. Videlin : Faudra-t-il recruter des personnes aptes ou volontaires pour une augmentation ou s’autoriser ou, au contraire, interdire de recruter des personnes déjà augmentées dans leur vie civile. Pouvez-vous nous éclairer sur les règles applicables en la matière ?
M. Videlin :
Quatre conditions doivent être réunies afin d’être militaire d’active (Code de la défense, art. L. 4132-1) dont l’une d’elle est de disposer des aptitudes exigées par les statuts particuliers – pour l’exercice de la fonction (2).
Le principe d’égalité devant être respecté afin de ne pas créer de discrimination, seuls des facteurs objectifs peuvent entraîner des différenciations légales. Toutefois, les dispositions réglementaires offrent déjà de nombreuses adaptations en considérant que les candidats appartiennent à des catégories différentes. Ainsi, chaque catégorie bénéficie d’un régime propre. Trois grandes catégories peuvent être identifiées : la nature interne ou externe du concours, le sexe du candidat et l’emploi convoité. À titre d’exemple, une dérogation, totale ou partielle, aux conditions médicales et physiques d’aptitude peut être accordée au candidat militaire – donc dans un concours interne – qui présente une infirmité imputable au service. De même, si les épreuves sportives sont obligatoires et identiques ; le coefficient qui leur est attribué et les notes éliminatoires éventuelles sont déterminées en fonction de la nature des emplois que les futurs candidats seront appelés à tenir tandis que le barème de notation est différent selon le sexe. Ces aménagements apparaissent conformes aux droits national et européen. Ainsi, la discrimination à l'égard des femmes est légale, selon le Conseil d'État, par rapport « aux conditions particulières d'exercices des activités ou par la nécessité de [leur] protection » (3). La Cour de Justice des communautés européennes a également admis l'interdiction d'accès des femmes au Royal Marine Corps, considérant qu'une telle exclusion était justifiée compte tenu de l'organisation « d'interopérabilité » de cette unité : « c'est-à-dire la nécessité pour tout Marine, quelle que soit sa spécialisation, d'être capable de combattre dans une unité commando » (4).
Par conséquent, sauf évolutions jurisprudentielles et sous la condition d’une modification réglementaire pour le recrutement externe, rien n’interdit le recrutement de personnes handicapées ayant vocation à être augmentées. À ce titre, la réglementation favorisant l’accès des femmes aux fonctions militaires a évolué à partir des années 1990 davantage en raison de la nécessité de recruter des personnels que de se conformer aux droits national et européen.
M. Le Gars :
La question de la nécessité de recueillir le consentement du soldat à être augmenté semble assez naturelle. On peut se demander toutefois s’il suffit que le soldat donne son consentement, mais aussi à quel stade ce consentement devrait-il être recueilli : par principe lors du recrutement ou ponctuellement et explicitement. Mais encore, comment garantir que ce consentement puisse être correctement et efficacement recueilli, et pourra-t-il être retiré par exemple ? Le consentement est-il une condition à la fois nécessaire et suffisante ?
Le Dr Ricard a relevé plus haut toute la difficulté qu’il y aura à recueillir un consentement vraiment libre et éclairé du militaire et souligne la nécessité de ne pas borner la question de l’augmentation du militaire au seul consentement de ce dernier. Je ne reviendrai donc pas sur ce point de vue de médecin militaire, fort de l’expérience humaine et pratique.
Le juriste a aussi l’habitude de traiter de la question délicate du consentement. Mme Turgis, le sujet du soldat augmenté peut-il, selon vous, s’appréhender de manière tout à fait classique à cet égard ou bien voyez-vous des points de vigilance ?
Mme Turgis :
La question fondamentale du consentement aux actes médicaux est source de nombreuses affaires contentieuses. L’établissement d’un consentement « total et éclairé » ou « libre et éclairé », selon les différentes terminologies utilisées par les juridictions, est parfois source de difficultés. La question se pose notamment lorsque l’individu concerné est en situation de détresse ou de vulnérabilité. Selon l’article 5 de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, le consentement libre et éclairé n’est envisageable qu’accompagné d’une information adéquate. Une garantie supplémentaire réside dans le fait qu’un retour en arrière est possible car « la personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement ». Au regard de ces principes, certains points de vigilance doivent être soulignés en ce qui concerne l’hypothèse du consentement d’un soldat à une éventuelle augmentation. Il me semble possible d’en retenir trois.
• Premièrement, il s’agit de l’articulation entre le consentement et le strict devoir d’obéissance auquel les militaires sont astreints. Ces derniers doivent en effet obéissance aux ordres de leurs supérieurs. Toutefois, des ordres contraires aux lois ne peuvent pas leur être ordonnés et, le cas échéant, ils ne doivent pas accomplir de tels ordres. C’est la référence à l’ordre manifestement illégal du Code de la défense – dans son double volet – qui sert de garde-fou. Lorsqu’il est saisi de cette question au regard des vaccinations obligatoires des militaires, le juge administratif rappelle que l’ordre donné à un militaire de respecter le calendrier vaccinal des armées n’est pas un ordre manifestement illégal. Une telle obligation de vaccination vise, en effet, à assurer le maintien en condition d’emploi opérationnelle des militaires et, comme toute vaccination obligatoire, elle permet d’écarter le principe du consentement. Pourrait-on alors imaginer une obligation statutaire d’augmentation ? Cette question en suscite une autre, à savoir si une augmentation pourrait être considérée comme assurant le maintien en condition d’emploi opérationnelle. La réponse semble pouvoir être positive. En effet, si l’augmentation peut viser à dépasser un existant, elle peut aussi avoir pour fonction de maintenir cet existant. Tel est le cas des solutions chimiques permettant de lutter contre la fatigue.
• Deuxièmement, en l’absence d’une hypothétique obligation statutaire de se faire augmenter, se pose donc à nouveau la question du consentement libre et éclairé. Or, au regard du contexte hiérarchique et opérationnel, c’est-à-dire de l’environnement professionnel du militaire, pourrait se poser la question de la difficulté d’établir la réalité de ce consentement, de sa fragilité au-delà de l’apparence d’un consentement libre et éclairé. En effet, au regard de l’esprit de corps et de fraternité qui caractérise les armées, il est possible d’imaginer que le consentement à une éventuelle augmentation puisse être donné par un militaire pour rester avec ses frères d’armes, pour ne pas être exclu de certaines missions et éventuellement en parallèle pour évoluer professionnellement… Il faut alors se demander si la motivation qui sous-tend le consentement pourrait vicier ce dernier… Ainsi, cette hypothèse de l’augmentation du soldat pose à nouveau, mais dans des termes renouvelés, la question du « mythe du consentement ».
• Troisièmement, il s’agit enfin de la question de l’urgence. En effet, la tentation pourrait être d’affirmer que, sur le terrain, face à l’urgence de la mission à effectuer, le consentement à l’augmentation n’a pas à être recherché, dans l’hypothèse extrême dans laquelle il n’aurait pas été préalablement obtenu avant le début de la mission. Or, il faut rappeler que si la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine envisage l’hypothèse dans laquelle « en raison d’une situation d’urgence le consentement approprié ne peut être obtenu », elle prévoit alors uniquement qu’il « pourra être procédé immédiatement à toute intervention médicalement indispensable pour le bénéfice de la santé de la personne concernée ». L’élément déterminant est alors la santé du soldat et non la réussite de la mission… Pourrait-on néanmoins soutenir que si l’augmentation offre la seule chance de réussite de la mission et, en même temps, la seule chance de survie du soldat, cette condition doit alors être considérée comme étant remplie pour augmenter ce dernier sans son consentement dans une situation d’urgence ? En tout état de cause, il faut garder à l’esprit que l’urgence ne permet pas de passer outre un refus de consentement.
M. Le Gars :
Envisageons maintenant la mise en œuvre effective de l’augmentation du militaire, son suivi en opération, les conséquences juridiques de son engagement. Et tout d’abord, quelle sera la place du personnel soignant ? Dr Ricard, comment voyez-vous le rôle et le positionnement du médecin dans le processus opérationnel de décision d’augmentation (qui, pour qui, comment) ? Votre éclairage devrait nous faire apparaître en relief le rôle du commandement, comme celui du militaire susceptible ou non d’être augmenté.
Dr Ricard :
Comme je l’ai exposé tout à l’heure, il n’est pas dit que le corps médical et les ordres ou représentations de personnels soignants acceptent de se voir confier une mission d’augmentation. Pour autant, le personnel médical va-t-il se désintéresser des personnes pressenties ou engagées dans un parcours d’augmentation ? Et dans le contexte qui nous intéresse, le personnel du Service de santé des armées (SSA) sera-t-il appelé à qualifier, prescrire et réaliser ces interventions visant à augmenter le soldat ? L’exemple de la prescription de la caféine en vue de maintenir l’éveil dans les armées est la première intervention médicamenteuse strictement encadrée par le SSA et fait jurisprudence. Notons tout d’abord qu’il s’agit d’une intervention dont le risque est mesuré par rapport au bénéfice escompté. Le personnel du SSA ne justifie son rôle dans cette prescription que dans sa mission de préservation de la santé collective et individuelle. Ainsi, il évite que la molécule ne soit prescrite à des personnes qui ne la supporteraient pas et accompagne les personnes qui la reçoivent pour garantir un usage respectant leur santé.
Cette ligne de conduite, certes étroite, paraît la seule garantissant le respect de la mission du SSA qui est de veiller à la santé de l’ensemble de la communauté de défense. Pour des interventions plus risquées, il paraît souhaitable que le personnel du SSA ne participe à la sélection des personnes qu’en écartant celles déjà sélectionnées par le commandement, dans le cadre du colloque singulier de la consultation médicale, pour permettre à chaque personne d’exprimer son consentement libre et pour écarter celles qui seraient manifestement intolérantes à l’intervention. Le rôle du personnel du SSA s’étendrait à toute la période de l’augmentation pour évaluer régulièrement la tolérance et enseigner les mesures qui pourraient limiter les conséquences sur la santé de l’augmentation. L’existence d’un comité d’éthique qui surveillerait tout le parcours de l’augmentation (de sa conception à sa mise en place et au suivi des personnes impliquées) serait un gage de préservation des personnels du SSA mais aussi des autres intervenants.
Faire le choix de l’augmentation invasive pour le soldat nécessite d’en définir le cadre réglementaire qui ne pourra pas faire l’économie du consentement libre et éclairé. Si ce choix était fait, penser que le personnel soignant serait l’acteur de l’intervention d’augmentation pose un problème ontologique grave. Dans cette activité, comme dans bien d’autres, le personnel soignant accompagnera ses semblables, même s’il réprouve ce choix de société, en veillant à la santé des personnes engagées dans un parcours d’augmentation.
M. Le Gars :
Le Dr Ricard vient de nous évoquer l’hypothèse de l’augmentation en condition opérationnelle par la caféine LP. Dr Canini, existerait-il donc un cadre à l’utilisation d’une augmentation dans les armées ? La médecine militaire aurait donc déjà une expérience de suivi en et post opération ? Pouvez-vous nous dire deux mots du rôle du médecin dans l’application pratique de cette augmentation en condition opérationnelle ?
Dr Canini :
Il existe un cadre réglementaire et éthique d’utilisation d’une augmentation dans les armées. Ce cadre concerne l’utilisation de substances modifiant la vigilance lors d’opérations continues ou soutenues. Ce cadre d’utilisation comporte plusieurs niveaux de contrôle.
• Le premier niveau concerne la finalité de l’augmentation. Elle vise à disposer de capacités de maintien de la vigilance respectant des conditions d’efficacité et de sécurité. Ces capacités sont restreintes à ce qui est couramment utilisé que ce soit de manière libre (caféine) ou sous prescription médicale (hypnotique). Elles sont limitées en puissance mais suffisantes aux besoins. Nous envisagerons ici le cas de la caféine dans le contexte de l’extension de vigilance, l’usage d’hypnotiques étant dévolu à la récupération.
• Le deuxième niveau concerne le choix de la molécule augmentant la vigilance. En France, la molécule retenue est la caféine à longue durée d’action (LP) sous la forme d’un comprimé de 300 mg (5). La posologie recommandée est de 1 à 2 comprimés par jour durant moins de 5 jours. Cette recommandation (300-600 mg/j) correspond à une limite haute de la consommation spontanée de caféine dans la population américaine (6).
• Le troisième niveau concerne la modalité de prescription de la caféine. Celle-ci est définie par l’instruction n° 744/ def/dcssa/pc/ma du 4 mai 2015 qui est la mise à jour de l’instruction du 31 mars 2008. Cette instruction stipule qu’il ne peut être fait appel à une prescription de caféine que dans la mesure où tous les moyens hygiéno-diététiques ont été mis en place et ont prouvé leur insuffisance. Ces moyens sont précisés par un guide d’utilisation. Par ailleurs, les personnels ne doivent pas découvrir la caféine lors d’une opération militaire nécessitant sa prise. Ils doivent avoir été préalablement sensibilisés à l’utilisation de caféine en dehors de tout contexte d’urgence opérationnelle. Cette sensibilisation passe par une information loyale et un consentement formel et éclairé. Les personnels acceptant de prendre la caféine LP et ne présentant aucune contre-indication médicale, effectuent un essai de tolérance sous contrôle médical. Cet essai doit être fait en situation écologique de stress (par exemple, privation de sommeil, exercice, etc.) afin d’être certain de la qualité de la tolérance. Dans tous les cas, le choix de prise ou non de caféine relève du secret médical. Cette disposition vise à préserver autant que possible le libre arbitre de l’individu. Lorsqu’un contexte opérationnel d’opérations continues impose la prise de caféine, le commandement désigne les catégories de personnels autorisés à prendre la caféine dans les conditions définies par l’instruction. Le Service de santé des armées (SSA) met alors en place un approvisionnement adapté et une prescription en vue de la délivrance de la caféine dans le respect de la loi. La prescription se fait dans un cadre strictement médical avec inscription des actes dans le livret médical de l’intéressé. Les personnels sous augmentation sont alors considérés comme « à risque » et revus après les missions effectuées sous caféine. À cette occasion, un recueil des effets secondaires est fait. Aucune information individualisée n’est donnée au commandement.
• Le quatrième niveau concerne la pharmacovigilance et le suivi des effets secondaires. Les effets secondaires sont considérés comme le résultat d’une interaction entre un individu, une molécule et une condition d’utilisation. Or, l’utilisation de caféine ne se fait pas dans le contexte habituel de la vie quotidienne, mais dans des conditions de privation de sommeil et de stress. Les effets secondaires sont donc colligés avec les conditions dans lesquelles ils sont survenus. Cette pharmacovigilance est indispensable, car les conditions de prise de caféine diffèrent de celles observées dans le monde civil. Cependant, le suivi des effets des prises de caféine LP ne retrouve qu’une faible déclaration d’effets secondaires, principalement digestifs (7), cardio-vasculaires ou neuropsychologiques (8).
• Le cinquième niveau concerne la recherche biomédicale. Son but est de réduire encore plus les risques liés à la prise de caféine dans un contexte de privation de sommeil et d’exposition à des stresseurs. Les travaux sont orientés vers la personnalisation de la prescription afin que les seuls sujets prenant la caféine soient ceux chez qui elle sera efficace. Cette personnalisation est imposée par l’existence de variations génétiques de sensibilité à la caféine. Celles-ci se traduisent non seulement par des différences de consommation spontanée de café, mais aussi par des différences de réponse physiologique (9). Une telle connaissance inverse les comportements médicaux : une faible réponse à la caféine incite à ne pas la prescrire et non à en augmenter la posologie. Les travaux de recherches concernent également l’évaluation des effets secondaires d’une consommation prolongée de caféine en environnement stressant (par exemple, privation de sommeil, agression, etc.) ainsi que des mécanismes d’apparition.
M. Le Gars :
Le militaire est donc augmenté… et engagé. Dans un tel cas, la phase d’engagement est-elle susceptible d’engendrer des dommages pour ou par le militaire augmenté ? M. Videlin, y a-t-il à cet égard une particularité sur laquelle vous souhaiteriez appeler notre attention par rapport au droit commun de la responsabilité administrative ?
M. Videlin :
En effet, ce sont des régimes législatifs qui régissent la responsabilité de l’armée. Le Code des pensions militaires d’invalidités et des victimes de guerre détermine les conditions de réparation lorsque le militaire est une victime. Or, sans entrer dans le détail de ces régimes, une double précision apparaît nécessaire. D’une part, la loi ne limite pas la réparation du préjudice subi par le militaire au seul cas où il est consécutif à un combat. Elle couvre plus globalement les « infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale sauf faute détachable du service » (C. pens. milit. inv. vict. guerr., art. L. 2). Ainsi, les augmentations qui pourraient prendre davantage la forme d’essai ou d’entraînement sont couvertes en cas de préjudice par le régime législatif. D’autre part, depuis 2000, un militaire peut demander une indemnisation complémentaire selon les règles du droit commun de la responsabilité en cas de faute de l’administration aggravant l’accident de service (10). Depuis 2003, tout en appliquant le régime du forfait de pension, le militaire peut réclamer soit une réparation pour des préjudices non strictement pécuniaires (pretium doloris, troubles dans les conditions d’existence…) sur la base d’une responsabilité sans faute, soit une réparation intégrale en cas de faute de l’administration (11). Cette double évolution présente une grande utilité en cas de préjudice subi à la suite d’une augmentation défectueuse. Les dommages peuvent prendre diverses formes à la suite d’une augmentation que le régime législatif, seul, n’aurait pas pu prendre pleinement en compte.
Par ailleurs, dans le cas où la victime de l’augmentation est un civil, deux régimes existent. En cas de guerre, c’est un régime législatif de responsabilité sans faute – très favorable à la victime – qui s’applique. Pour simplifier, ce régime repose sur la solidarité nationale. En revanche, en temps de paix, les régimes législatifs sont d’application limitée à des hypothèses strictes. C’est le droit commun de la responsabilité administrative qui s’applique. Dans un premier temps, l’armée sera jugée responsable sauf si le préjudice est sans lien avec les moyens de l’armée et en dehors des heures de travail. Dans un second temps, une action récursoire pourra être menée par l’armée pour que la responsabilité effective de l’armée et du militaire soit respectivement déterminée. Or, l’augmentation risque de constituer un facteur « d’augmentation » de la part de responsabilité de l’armée puisqu’elle aura modifié le militaire. Il y aura, en effet, toujours un « lien avec les moyens » de l’armée.
M. Le Gars :
Sortons maintenant un peu de nos frontières. Mme Turgis, l’engagement en opération du soldat augmenté ne manquera pas de poser des questions juridiques. Comment s’articulent les effets de l’augmentation avec le respect du droit international humanitaire lors de la mise en œuvre opérationnelle ?
Mme Turgis :
Les interrogations doivent porter ici sur le caractère favorable ou non de l’augmentation pour le respect du corpus juridique s’appliquant aux opérations, à savoir le droit des conflits armés qui regroupe le droit de la guerre, le droit humanitaire et le droit de la maîtrise des armements. Les principes fondamentaux du droit international humanitaire qui doivent être respectés en cas de conflits armés sont notamment les principes de distinction entre les civils et les combattants, de proportionnalité, d’interdiction d’infliger des souffrances inutiles et des maux superflus.
Certaines questions méritent alors d’être soulevées même si aucune réponse définitive ne peut être apportée. Ainsi, grâce à son augmentation, le soldat concerné serait-il ab initio plus à même de respecter ce cadre juridique ? Plus réactif, plus efficace, mobilisant plus aisément l’ensemble de ses facultés, sa meilleure perception de la situation sur le terrain lui permettrait-elle de respecter plus facilement le droit des conflits armés ? Cependant, à l’inverse, le risque n’est-il pas que le soldat augmenté puisse être considéré comme étant par trop augmenté pour respecter ce corpus ? Est alors envisagée l’hypothèse d’une assurance accrue, d’une sensation de toute puissance qui pourrait notamment conduire à une erreur humaine liée à l’augmentation… De plus, quid si la violation de ce cadre juridique découle d’une défaillance de l’augmentation elle-même ou d’un effet secondaire de cette dernière ?
Par ailleurs, l’augmentation pourrait engendrer une asymétrie d’un nouveau type entre les forces en présence. L’asymétrie dans les conflits armés n’est ni interdite par le droit international ni une nouveauté. C’est elle qui permet d’ailleurs le succès des opérations militaires. Mais certaines asymétries qui seraient liées à la maîtrise ou à la possession d’une technologie particulière par l’une des parties sont interdites par le droit des conflits armés. En effet, les parties à un conflit ne disposent pas d’une liberté totale pour choisir leurs moyens et méthodes de guerre. Ainsi, l’emploi de certaines armes spécifiques est interdit ou limité par le droit conventionnel ou le droit coutumier. Tel est notamment le cas pour les armes biologiques ou chimiques.
Pour que le droit des conflits armés soit toujours protecteur et que le cadre juridique prenne en compte les évolutions technologiques en la matière, l’article 36 du premier protocole additionnel aux Conventions de Genève sur le droit humanitaire envisage les obligations des États parties face à « la mise au point, l’acquisition ou l’adoption d’une nouvelle arme, de nouveaux moyens ou d’une nouvelle méthode de guerre ». L’État concerné a alors « l’obligation de déterminer si l’emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle du droit international applicable à cette Haute Partie contractante ». Il faut alors se demander si l’augmentation du soldat pourrait être considérée comme une arme dont l’emploi devrait alors être encadré. De plus, cette augmentation s’accompagnerait-elle de nouveaux moyens ou d’une nouvelle méthode de guerre à examiner alors au regard du droit des conflits armés ? La question suivante consiste à se demander si le soldat augmenté pourrait lui-même être considéré comme une arme au regard de certaines des augmentations envisagées. Reste à savoir si cette question est aussi farfelue qu’elle est dérangeante…
M. Le Gars :
Quittons maintenant ce théâtre des opérations, et avec notre soldat augmenté, envisageons les conditions de son retour à la vie civile. M. Videlin, comment voyez-vous les droits et obligations du civil, ex-militaire, qui bénéficie à vie d’une « augmentation » lors du désengagement ?
M. Videlin :
Les militaires sont soumis à cinq principes qui fondent leur statut, au caractère si dérogatoire : esprit de sacrifice, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité (Code de la défense, art. L. 4111-1). A contrario, ce statut ne s’applique pas aux anciens militaires. Cependant, s’ils conservent une « augmentation » mise en place lorsqu’ils étaient militaires, l’armée doit s’assurer qu’ils ne dévoilent pas des éléments classifiés.
En effet, le ministère de la Défense pourrait s’appuyer sur les dispositions de l’article 413-9 et suivants du Code pénal liées au secret de défense nationale pour imposer des contraintes à ces anciens militaires : « Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. Peuvent faire l’objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l’accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ».
En s’appuyant sur ces dispositions, un statut pourrait être mis en place afin d’imposer à ces ex-militaires augmentés d’être suivi obligatoirement par un médecin militaire ou de ne pouvoir accéder à certains métiers. En contrepartie, ils devraient disposer de compensation financière supplémentaire à leur pension. Au reste, il faudrait créer une « seconde section » ou une « réserve » pour les ex-militaires dont l’appartenance ne serait pas conditionnée par l’âge ou par la durée mais par l’effectivité de l’augmentation.
M. Le Gars :
Si une conclusion peut être tirée de cet ensemble riche d’échanges croisés de médecins et juristes, c’est que le sujet de l’augmentation du soldat est tout juste ouvert… et loin d’être clos. Un sujet « ouvert » par le Centre de recherche des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC), malgré l’extrême sensibilité du sujet ; un sujet loin d’être clos, malgré la richesse des contributions ici apportées bien en amont de tout projet d’augmentation défini du soldat. ♦
(1) Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, Recours aux techniques biomédicales en vue de « neuro-amélioration » chez la personne non malade : enjeux éthiques, Avis n° 122, 2013, Paris, p. 29 (www.ccne-ethique.fr/).
(2) Jean-Christophe Videlin, Droit de la défense nationale (2e éd.), Bruxelles, Bruylant. 2014, 331 pages.
(3) Conseil d'État (CE), 26 juin 1989 (Fédération des syndicats généraux de l'Éducation nationale), Recueil Lebon (Rec. Leb.), p. 152 ; Revue administrative (Rev. adm.), 1989, p. 424-427 ; Revue française de droit administratif (RFDA), 1990, p. 39. Arrêt confirmant Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), 30 juin 1988 (Communuaté c. France), RFDA, 1988, P. 979-985, note J.-C. Bonichot.
(4) CJCE, 26 octobre 1999 (Sirdar c. Grande-Bretagne), Rec. CJCE, 1999, p. 1-07403 ; Europe, 1999, Commission (Comm.) n° 415, p. 13, note L. Idot ; Recueil Dalloz (D.), 2000, Partie « sommaire », p. 191, note J. Rideau D., 2000, Partie « jurisprudence », p. 487, Jean-Louis Clergerie.
(5) David Gras et al., « Utilisation de la caféine LP lors d’une opération aérienne continue : Expérience du détachement “Harmattan” en Crète », Médecine et Armées, vol. 42, n° 3, 2014, p. 219-226.
(6) Diane C. Mitchell et al., « Beverage caffeine intakes in the U.S. », Food and Chemical Toxicology n° 63, 2014, p. 136-142.
(7) Supra note 5.
(8) Kevin Cocquempot et al., « Étude rétrospective de l’utilisation des substances modifiant la vigilance (caféine à libération prolongée et zolpidem) chez le personnel navigant de la Base aérienne 172 de N’Djamena (Tchad) durant les cinq premiers mois de l’opération “Serval” », Médecine et Armées, vol. 43, n° 4, 2015, p. 375-385.
(9) Amy Yang, Abraham A. Palmer et Harriet de Wit, « Genetics of caffeine consumption and responses to caffeine », Psychopharmacology, vol. 211, n° 3, Berlin, août 2010, p. 245-257.
(10) CE, 15 décembre 2000 (Bernard et Castenet, 2 arrêts), RFDA, 2001, p. 701 ; Actualité juridique de droit administratif (AJDA), 2001, p. 158. Le deuxième arrêt concerne un militaire, victime d’accident de service aggravé par les soins reçus à l’hôpital. Voir également CE, 12 novembre 2001 (Min. défense c. Carnu), Req. n° 223504.
(11) CE, 4 juillet 2003 (Moya-Caville), RFDA, 2003, p. 990, note P. Bon ; AJDA, 2003, p. 1 598, chron. F. Donnat et D. Casas – 1er juillet 2005 (Mme Brugnot), Rec. Leb., Tables, p. 741.