Les décisions éthiques, en matière d’armement au sens large, engagent d’abord la responsabilité des politiques. Qu’est-ce qu’un moyen juste et nécessaire ? L’augmentation sera-t-elle le cheval de Troie d’une culture du surhomme ? Que peut faire la France pour innover diplomatiquement et techniquement entre pacifisme utopique et réalisme machiavélien ?
Réflexions d'éthique sur le soldat augmenté : vers une interdiction conventionnelle ?
Des questions éthiques sont posées au sujet d’armes nouvelles, chaque fois qu’elles ont quelque chose d’extraordinaire ou de perturbant. Ce fut notamment le cas pour les drones armés, les robots autonomes. C’est aujourd’hui le cas pour les nouveaux équipements, traitements, voire adaptations, qui constituent le « soldat augmenté ». Ces éléments d’augmentation qui viennent l’armer au plus proche de son corps doivent être conçus comme des armements d’un nouveau type, intermédiaires entre les artefacts physiques (fusil, avion de combat) et des renforcements psychiques ou psychophysiques tels que l’instruction ou la formation, l’organisation, la discipline, l’entraînement, etc.
Considérer l’éthique en contexte politique
Le soldat augmenté pose un problème de société et un problème politique de première grandeur. Ce que l’éthicien a d’abord à dire ici, c’est que le politique doit prendre et assumer ses responsabilités. Ce n’est ni aux ingénieurs, ni aux militaires de se substituer à lui.
Si le problème pouvait être réduit à une succession de questions isolées, la réponse ne serait pas trop difficile. Exemples : est-il permis d’administrer tel produit qui va donner au soldat vigilance et lucidité pendant 96 heures ? Tel autre qui permettra de piloter un hélicoptère en sécurité 24 heures d’affilée ? Si on entre dans le jeu de ces questions, on répond en demandant : dans quel état ce traitement va-t-il mettre (durablement ? de façon irréversible ?) le cerveau du soldat et peut-on au combat demander à ce dernier ce genre de sacrifice ? Nous répondrions sans doute alors qu’il ne s’agit pas ici de raisonner seulement à partir de droits individuels, car en guerre par définition le bien commun, surtout avec le consentement a priori des combattants, autorise ou oblige à faire des sacrifices, qui peuvent être considérables si le bien commun est gravement en péril. La perte de l’équilibre nerveux ou de la santé mentale est un des risques courus en guerre. L’enjeu peut être tel que nous jugerons permis ou obligatoire de prendre ou de faire prendre un tel risque. Mais nous jugerons aussi qu’il serait injuste de demander des sacrifices disproportionnés. Nous discuterons alors sur la proportionnalité. Nous arriverons peut-être à des consensus. Et ainsi pour les autres éléments de l’augmentation. Et nous penserons avoir fait notre travail.
Ce raisonnement n’est pas sans valeur, mais considéré hors politique, il flotte en apesanteur. Posez l’atteinte majeure au bien commun (supreme emergency), il va tout justifier. Voulez-vous au contraire interdire n’importe quelle action ? Il suffit de prétendre que le bien commun de fait ne serait pas en danger, ou d’identifier le bien commun au seul respect de droits individuels, après avoir rendu ceux-ci aussi inconditionnels que possible. Le raisonnement ne mène à rien dans l’abstrait. Il ne permet de conclure que sous condition d’un jugement de fait porté sur le niveau de la menace au bien commun, et de jugements de droit ou de valeur sur les relations entre les droits de la personne et le bien commun, sur ce qui justifie en général les moyens, etc. C’est alors que peuvent être déterminés les moyens militaires, nécessaires et suffisants, d’une telle politique, supposée décente.
Les problèmes d’éthique militaire sont donc d’abord des problèmes posés au politique et qui, dans leur forme générale, doivent être résolus à son niveau. C’est encore une question politique de savoir si le Parlement ou l’Exécutif, ou les juges, ou des sages en comité ont à prendre ces décisions. Mais parce que le politique, ou le juge, va prendre le conseil du militaire ou de l’ingénieur, ces derniers ont le devoir d’étudier aussi ces questions.
Le nécessaire, le proportionné, l’inadmissible
C’est sous ces conditions que le raisonnement éthique militaire mobilise les principes de nécessité et de proportionnalité. Il suppose 1°) que le politique a déjà pris de fait la décision (ou en principe la prendrait si besoin était) de recourir à la force, et 2°) que cette décision était justifiable ou excusable, inévitable ou nécessaire, compte tenu d’une menace au bien commun dont la mesure était connue entre certaines limites. Et donc 3°), s’il en est ainsi, les moyens nécessaires d’une fin elle-même nécessaire sont forcément excusables, voire justifiés, autrement il y aurait une contradiction fatale dans la raison pratique. Le moyen proportionné est tout simplement le moyen strictement nécessaire, mais strictement suffisant, d’une fin nécessaire. Dire qu’un moyen vraiment nécessaire et suffisant ne serait pas proportionné, ce serait comme parler d’un cercle carré. Il en irait de même pour un moyen insuffisant.
Ce qui vient d’être dit pose bien des questions (1) mais permet déjà de répondre à une qui nous concerne directement, celle du dopage de nos soldats (car c’est en partie de cela qu’il s’agit en fait). Il y a une haute probabilité pour que ces drogues aient des effets très négatifs sur leurs consommateurs.
Or, un conflit est symétrique ou asymétrique. Dans un conflit asymétrique, il n’y a aucune nécessité à faire courir à nos soldats un risque supplémentaire de grave dommage mental. Dans un conflit symétrique, ces moyens sont contre-productifs à égalité pour chaque partie. Cela signifie que dans aucun des deux cas, ils ne sont nécessaires. Le devoir est donc ici d’entrer à fond dans la logique contractuelle des conventions et de mener les négociations permettant aux principaux acteurs internationaux d’éliminer ces moyens. Et comme personne n’a intérêt à faire échouer la négociation, il n’y a pas de raison pour qu’elle échoue forcément.
Dire qu’un moyen nécessaire est inadmissible, c’est ou bien dire que ce moyen n’est qu’apparemment nécessaire mais qu’on peut trouver autre chose avec plus d’ingéniosité ; ou bien remettre en question la politique à laquelle ce moyen inadmissible est réellement nécessaire.
Ce n’est pas la dureté intrinsèque d’un moyen qui le rend inadmissible, car tout moyen de guerre a, par définition, quelque chose d’atroce et de terrifiant. Ce qui est inadmissible, c’est d’exiger le sacrifice de droits immenses à une fausse conception du bien commun. Par exemple, rien n’oblige et rien n’autorise un pays à vouloir dominer tous les autres. Si telle était sa politique, tous les moyens de force qui lui seraient nécessaires à cette fin seraient des abus inadmissibles, et non pas seulement tel ou tel tout à fait atroce.
Si des moyens, sous certaines conditions, sont à la fois nécessaires et inexcusables, c’est que la fin est inexcusable et qu’elle n’est pas nécessaire. Il faut alors trouver une meilleure politique. Et si une politique bonne et très nécessaire semble requérir des moyens inadmissibles, soit il faut critiquer notre conception de l’inadmissible, plus sensible que rationnelle, soit il faut considérer ces moyens comme temporairement excusables bien que jamais justifiés en principe. Il convient alors d’en faire un usage très strictement suffisant et de travailler à en trouver d’autres.
Le soldat augmenté nous force à questionner avec plus d’insistance sur la course aux armements
Considérons l’ensemble et la dynamique dans lesquels s’inscrit l’augmentation. Il s’agit de mettre en œuvre des moyens nouveaux de combat pour assurer à l’un des belligérants une supériorité sur l’autre : course aux armements, au sens large.
Cette course est aussi ancienne que le genre humain, mais les progrès des sciences et des techniques ont accru sa vitesse et son accélération continuelle. La fonction « guerre » tend désormais clairement vers l’infini – l’infini pouvant se formuler : arme absolue, supériorité absolue, pouvoir de destruction totale.
Or, parler d’éthique ou de morale ou de droit au sujet des choses de la guerre signifie au minimum qu’on ne peut pas y faire n’importe quoi et qu’il faut respecter certaines limites, rester dans la mesure, éviter d’escalader aux extrêmes, bref se maintenir dans le fini. C’est pourquoi le processus de course aux armements pose désormais un problème fondamental pour toute éthique militaire. Car chacun voit la contradiction ou l’hypocrisie enveloppée dans le projet de poser des limites dans un processus qui tend essentiellement vers l’infini.
Un homme d’État sera excusé de maintenir son pays dans la course, s’il le fait par souci du bien commun et pas plus que ce qui est suffisant. Toutefois, cette excuse ne vaudra que si, en même temps, il prépare le passage à un autre ordre plus pacifique mais aussi plus sûr. C’est un tel principe qui doit valoir pour le soldat augmenté. Comme je vais le dire, il fait partie d’une inexcusable démarche de démesure.
Plutôt que de rajouter un élément de démesure supplémentaire à une logique de guerre infinie, il faut s’attaquer à cette logique, qui est notre véritable ennemie, car elle finira par tous nous détruire. Il faudrait donc travailler à la suppression de la logique et des conditions qui rendent pratiquement nécessaires des moyens de plus en plus inexcusables. Mais comment ?
La démesure du soldat augmenté : amélioration versus augmentation
Dans le cas du soldat augmenté, nous ne nous contentons pas de faire tendre vers l’infini des moyens extérieurs à nous-mêmes. C’est l’Homme lui-même qui devient le premier de tous ces moyens et tend, en tant que moyen, vers cet infini de puissance. On objectera que ce n’est pas nouveau, que le soldat a toujours voulu s’entraîner pour être le plus fort, et que même l’impression de démesure et de folle accélération a toujours existé. J’aimerais en être certain. Il faut en effet distinguer amélioration et augmentation.
L’homme peut tendre vers son amélioration, vers la croissance et le déploiement de toutes ses qualités, vers cette excellence qui le rend parfaitement propre à remplir sa fonction ou ses missions et qu’on nomme la vertu – morale, intellectuelle, sociale, physique. Y compris vers la vertu militaire. Il faut bien sûr apporter aussi des améliorations aux moyens dont l’Homme se sert. Or, il y a une grande différence entre l’amélioration, qui est aussi et d’abord qualitative et morale, et l’augmentation, qui semble exclusivement quantitative. Dans amélioration, il y a melior, qui veut dire « meilleur », et donc il y a une visée du bien. Dans augmentation, c’est différent. Il s’agit de maximisation d’une quantité mesurable. La seule chose qu’on mesure directement, c’est l’espace, première propriété de la matière. C’est pourquoi la notion d’augmentation du soldat, si elle est découplée de son amélioration, est essentiellement matérialiste. Plus encore, elle tend à transformer le soldat, l’Homme, en pur objet et en super-objet, en robot et en super-robot.
La norme éthique est de subordonner toute augmentation à l’amélioration. Un moyen matériel peut être dit amélioré quand il est mis dans sa structure et son contexte en cohérence avec l’amélioration humaniste de la personne et de la société.
Le soldat augmenté ne doit pas devenir le cheval de Troie de la politique du surhomme
L’homme super-objet est l’une des versions (la version objectiviste) du surhomme. Le soldat augmenté contribue à nous faire entrer dans une logique inhumaine. Une logique paradoxale d’humanisme inhumain. Certains tomberont dans un délire de toute-puissance, d’autres sentiront leur humanité écrasée dans une matérialité mécanique démesurément alourdie. Bien sûr, il faudrait un « supplément d’âme ». Parce que les Armées inspirent confiance et respect, le soldat augmenté, avec son sérieux et sa dignité, jouera dans notre société le rôle de cheval de Troie pour une politique du surhomme. À la fin, les Armées y perdront leur aura.
De petites augmentations sans amélioration ne seront que des premiers pas accoutumant les esprits à un grand dessein, aussi criminel que farfelu, qui ne date pas d’hier. Le surhomme est un fantasme. Une technique faustienne pense pouvoir tenir les promesses de la religion, à partir de conceptions confondant la science réelle et le scientisme. Le penseur russe Fédérov ne rêvait-il pas de rendre la vie par des moyens techniques à tous les êtres humains ayant existé, de les ressusciter ? La logique du vivant présente une subtilité et une complexité qui nous dépasseront longtemps. C’est pourquoi, toute tentative de traiter l’Homme comme un Robot apparu par hasard dans la Nature et capable de s’augmenter indéfiniment n’aboutira qu’à de douloureux drames humains, et à une catastrophe écologique bien pire que celle que nous vivons, puisqu’elle affectera à la fois le cerveau de l’homme et son génome.
L’homme augmenté ou l’Homme supprimé ?
L’éthique conseille d’évaluer avec soin, scientifiquement, les risques considérables de psychopathologies durables, peut-être définitives, ainsi que les risques criminologiques, résultant de l’usage des diverses composantes, même non chimiques, de l’augmentation. Tous les moyens nourrissant une illusion de toute puissance individuelle effacent la sociabilité, la conscience de l’interdit, la limite entre le réel et l’imaginaire. Qui voudrait doter un fantassin de moyens dont l’usage rendrait une proportion d’entre eux psychotiques et délirants ou dépressifs à vie ? Quel serait le coût effectif d’une telle arme ? Et sa valeur ?
Contrairement aux croyances trop courantes, qui font partie de la démesure et de la superficialité technocratiques, il existe une logique du vivant qui dépasse une logique mécaniciste. Il existe aussi une nature humaine. N’importe quelle variation de la pratique n’est pas possible, en raison des contraintes internes propres à la logique de cette nature, dans laquelle le maintien de la fonctionnalité physique reste toujours conditionné par la visée d’idéalités conférant à l’action humaine sa signification. De sorte que si la pratique est intrinsèquement nihiliste et transgressive, elle cause nécessairement une déstructuration axiologique laissant place pour des conduites suicidaires ou transgressives, à base de violence et de perversion.
Au reste, quel soldat dans un pays libre voudra s’engager dès lors qu’il aurait une probabilité significative de devenir une épave ? Quel État de droit pourrait permettre des pratiques aussi radicalement contraires aux droits fondamentaux des individus ? Que devient dans ces conditions le recrutement ? La sélection ? La promotion ? Quelle valeur pour les concours et les examens ? Pour n’importe quel entretien ?
Il ne faut pas dire : ce sont là des problèmes sérieux à traiter. Ce sont en réalité des objections insurmontables qui rendent la pratique inexcusable.
Si on fait un surhomme, on fait automatiquement des sous-hommes. Que devient l’égalité entre les hommes ? Qui décide qui seront les surhommes et qui resteront sous-hommes (à supposer que les soi-disant surhommes ne finissent pas zombies) ? Et si on décide de faire de nos soldats des surhommes, pourquoi ne déciderait-on pas de faire aussi des ennemis des sous-hommes ?
À l’horizon, scandales sanitaires, dérive totalitaire, intolérable niveau de corruption. Qui sera motivé pour servir dans un monde à ce point privé de dignité ?
Si les Armées montrent l’exemple, la société pourra-t-elle ne pas les suivre ? Que deviendra la solidarité ? À quelle extrémité ne se portera pas la compétition ?
Sans doute est-il nécessaire de maintenir l’équilibre des forces avec l’adversaire, mais nous avons vu que dans le cas du soldat augmenté, on ne peut invoquer le principe de nécessité. Je déclare que je ne vois pas d’avenir pour une société ouverte, ni pour une société libre, dans ces conditions. La France doit négocier l’interdiction conventionnelle du soldat augmenté.
Combat pour l’humanisme et stratégie d’armements
Si l’autre le fait, demandera-t-on, comment ne pas suivre ? Mais est-ce gagner que d’incarner dans notre société une culture régie par le concept du surhomme ?
Chacun connaît le dilemme : ou bien lutter avec des moyens qui tendent essentiellement à la destruction de notre culture et de nos idéaux, ou bien ne pas lutter en prenant tous ces moyens et peut-être succomber sous l’assaut de nos adversaires.
N’exagérons pas le tragique du dilemme. Le terrorisme peut nous pousser à détruire par degrés toutes nos libertés publiques. Mais tant que l’adversaire est asymétrique, le dilemme est artificiel. Contre un chauffard assassin, il n’y a pas besoin de soldat dopé en exosquelette. Quand il s’agit de pacifier, la carence est plus politique que technique.
Replaçons plutôt le soldat augmenté dans son contexte démesuré. La dissuasion d’abord. Elle marche, c’est vrai ; mais seulement jusqu’au jour où elle ne marchera pas. Car si la culture nihiliste du surhomme se répand, elle supprimera peu à peu les conditions minimales de rationalité requises pour que la dissuasion fonctionne. Il n’est pas possible de se passer immédiatement de la dissuasion, mais il ne serait pas excusable de s’en accommoder sans autre perspective.
Le progrès des armements et de leur miniaturisation finira par imposer un totalitarisme sécuritaire nécessaire et seul suffisant pour la protection contre une telle menace. Qui a envie de vivre dans de telles conditions ? Que signifiera encore la rhétorique de défense de la démocratie ou de l’humanisme ?
Or qui ne voit que le soldat augmenté n’est autre chose que l’hyper-fantassin correspondant à l’hyper-dissuasion et à l’État hyper-policier dans une société dont les valeurs fondamentales seraient la technocratie, la sécurité, la puissance ?
Ces moyens font système avec un naufrage complet de l’humanisme dans un fascisme technocratique. Ils compromettent la survie de l’humanité. Inutile de chercher les folles techniques nécessaires à des politiques non nécessaires et sans avenir humain.
Une R&D humaniste dans l’industrie d’armements ?
Si donc nous voulons sortir de cette impasse civilisationnelle et stratégique, il faut sortir d’une course aux armements, dans laquelle nous nous infligeons à nous-mêmes, en tant que culture, une défaite certaine. C’est même l’intérêt à long terme (peut-être même moins) de nos industriels en armements.
Chacun se dit pourtant qu’on n’arrêtera probablement jamais cette course. N’y aurait-il donc aucune solution ? Peut-être alors faudrait-il opposer une autre forme de course à celle qui nous tuerait ? Définir une course aux armements humanistes, mettant en échec les armements nihilistes. Mais un concept aussi neuf signifierait repenser tous nos systèmes d’armes et imaginer des stratégies et tactiques complètement nouvelles, à la fois défensives, paradoxales et terriblement efficaces – et faisant corps avec un new deal à l’échelle du monde.
Les armements doivent soutenir la diplomatie. Pour ce qui concerne l’augmentation du soldat, un premier principe de défense contre les augmentations nihilistes adverses (n’impliquant pas de nous en doter nous-mêmes) consisterait à étudier d’abord scientifiquement tous les effets positifs et négatifs des augmentations, ainsi que leurs causes ; et à découvrir ainsi :
1° les arguments scientifiques que feraient valoir nos diplomates ;
2° les moyens de créer chez l’adversaire la crainte d’une maximisation des effets négatifs à long terme de l’augmentation, puisque nous serions dotés des moyens de menacer l’adversaire d’une telle maximisation, au cas où il mettrait en œuvre des armes nihilistes ;
3° étudier le potentiel négatif de ces moyens et découvrir comment l’activer, de manière à pouvoir transformer instantanément les augmentations en diminutions, annulant subitement (ou inversant) leurs effets positifs sur le champ de bataille.
Quel peut être le nouveau système de défense, humaniste et paradoxal, dont nous avons absolument besoin pour sortir de la logique de guerre infinie et de guerre nihiliste ? Telle est à mon avis la question qui domine les choix éthiques et politiques de long terme en matière de défense. On voit qu’elle n’est pas passéiste, qu’elle mobilise au contraire les sciences et convoque les techniques.
Pour ce qui est du soldat augmenté comme du reste, on est bien forcé de gérer vaille que vaille certaines dynamiques en cours. Il en va comme de l’esclavage, quand il est une institution massive, on ne peut le supprimer en claquant des doigts. Certains éléments de l’inadmissible peuvent être excusés par la nécessité mais seulement sous condition de travailler à en sortir au plus vite. ♦
(1) Cela ne veut pas dire que tous les moyens sont admissibles, car toutes les politiques ne le sont pas. Et cela ne veut pas dire non plus que tous les moyens sont bons pour une bonne politique, car il ne saurait y avoir de bonne politique sur la base d’une morale où tout est permis.