L’accroissement global de la population mondiale, son vieillissement inédit dans l’histoire de l’humanité, l’urbanisation et les phénomènes de migration vont bouleverser les équilibres déjà instables, modifier les centres de gravité géopolitiques et affecter sensiblement les économies de nombreux pays. Des tendances lourdes et puissantes sont à l’œuvre. Inéluctables, elles s’inscrivent dans le temps long, bien loin de nos horizons immédiats. Saurons-nous les regarder avec lucidité et nous préparer dès à présent aux défis politiques, sociaux, économiques, militaires et culturels auxquels nous serons inévitablement confrontés ?
Révolution démographique : des bouleversements aux conséquences stratégiques majeures
En une génération humaine, la population de la planète a triplé. Entre 1950 et 2020, elle est passée de 2,5 à 7,7 milliards d’individus (1). Ce mouvement s’est accompagné d’améliorations sensibles du niveau de vie, des conditions sanitaires, de l’alimentation et de l’éducation, en particulier celle des femmes. C’est une véritable révolution qui s’est produite. Une révolution silencieuse dont on voit poindre la fin, mais dont l’ampleur et les implications apparaissent aujourd’hui clairement à tous ceux qui, trop absorbés par le temps court, ont négligé l’importance du facteur démographique dans l’évolution des rapports de force.
Les processus démographiques sont lents et donc difficilement perceptibles. Pourtant, ils dessinent notre avenir bien plus profondément que l’agitation humaine. Pour le chercheur français Jean-Claude Chesnais, la démographie est une « statistique morale, car elle permet de mesurer le degré d’intégration ou de désintégration d’une société (2) ». En ce sens, elle est la « biologie des nations » et certainement des civilisations.
Science du temps long, caractérisée par un grand déterminisme, mais laissant une part aux incertitudes et à l’imprévu, ce que nous évoquent la survenue de la pandémie de Covid-19 et le souvenir abondamment rappelé des ravages de la grippe espagnole, la démographie est une variable essentielle de l’équation stratégique. Elle offre donc une grille d’explication majeure de la transition stratégique du XXIe siècle (3).
Étrangement quasi absent des réflexions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale (2017) (4), le facteur démographique comme pièce stratégique et facteur de puissance a en revanche été parfaitement analysé dans le document Horizons stratégiques publié en 2012 par la Direction des affaires stratégiques (DAS) (5) et fait l’objet de nombreuses publications de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées. Cette étude tente de compléter les réflexions, en identifiant quelles conséquences stratégiques pourront avoir les modifications à venir de la géographie des populations, le mouvement global de vieillissement de la population mondiale et sa tendance à se concentrer toujours davantage dans les espaces urbanisés. Volontairement large, ce travail essaiera toutefois de porter, en filigrane, un regard particulier sur la France.
La révolution démographique : une géographie des populations sensiblement modifiée
Démographie et puissance
La démographie est un marqueur de puissance. Jouant un rôle déterminant dans les évolutions stratégiques modernes, elle a toujours caractérisé le rang d’un pays, manifesté la vitalité de ses peuples et porté ses ambitions. « Il n’est de richesse que d’hommes (6) ». La formule de Jean Bodin (7) est éculée. Toutefois, elle exprime parfaitement le lien intime entre la force d’une nation et la quantité ainsi que la qualité des hommes qui la constituent. Les penseurs français du XVIIIe siècle associaient pour leur part la population à la puissance, par le truchement du commerce, de la prospérité et du nombre dans la manœuvre militaire (8). Plus récemment, Raymond Aron (9) recensait lui aussi le facteur démographique comme l’une des composantes majeures de la puissance.
Il existe donc un lien évident entre démographie et puissance. Celui-ci n’est pour autant pas bijectif : si l’accession du Royaume-Uni au statut de puissance inégalée (10), la poussée expansionniste nippone, ou encore la domination américaine (11) au XXe siècle ont trouvé un appui certain dans un dynamisme démographique favorable, l’État d’Israël a par exemple développé sa puissance malgré un fort déséquilibre démographique avec ses voisins arabes. A contrario, des pays fortement peuplés comme le Nigeria ou l’Indonésie occupent une faible place sur la scène internationale.
Le nombre n’implique donc pas nécessairement la puissance. Toutefois, si l’on ne peut pas « considérer un pays comme très puissant parce que sa population est supérieure à celle de la plupart des autres pays, il reste vrai qu’aucun pays ne peut rester ou devenir une puissance de premier rang s’il ne fait pas partie des nations les plus peuplées de la Terre », selon Hans Morgenthau (12). En définitive, plus que le nombre c’est bien la structure d’une population, sa pyramide des âges en particulier, qui lui confère dynamisme et potentiel de puissance.
Les mutations démographiques, et notamment leur distribution entre les pays, les régions et les continents, constituent une véritable révolution. Peu à peu, elles vont inévitablement contribuer à modifier les rapports de force et altérer les équilibres actuels, ouvrant ainsi une nouvelle ère stratégique (13).
Les mécanismes des évolutions démographiques
Les réalités et évolutions démographiques trouvent essentiellement leurs sources dans deux phénomènes : la transition démographique et les migrations.
La transition démographique est la période, de durée variable, durant laquelle une population passe d’un régime de mortalité et de natalité élevées à un régime de basse mortalité puis de faible natalité. La baisse de la mortalité constitue la première étape de la transition démographique. Elle s’effectue à la faveur des progrès faits dans les domaines de l’hygiène, de la santé, de l’alimentation et des conditions de travail, mais aussi de l’éducation au sens large. Intervient, en second lieu, l’étape d’une baisse de la natalité du fait d’une modification des comportements familiaux : les populations adaptent leur fécondité aux changements constatés de la mortalité (14). Durant cette transition, le taux d’accroissement naturel de la population concernée croît avec la baisse de la mortalité, puis diminue avec le reflux de la natalité. Ainsi, la très forte croissance démographique intervenue au XXe siècle (15) tient essentiellement à la transition démographique que la plupart des pays ont connue (16). Dès lors, l’idée généralement répandue d’une explosion démographique est erronée : celle-ci a eu lieu au XXe siècle et elle est achevée.
Les migrations constituent le deuxième mécanisme des évolutions démographiques. Ces mouvements sont liés à une combinaison de facteurs sociopolitiques, de différentiels économiques et de déséquilibres démographiques (17). Pour le géographe Gérard-François Dumont, les phénomènes de globalisation, d’internationalisation et de mondialisation rendent les migrations beaucoup plus aisées par l’abaissement des frontières, le développement des technologies qui facilitent les contacts, les transferts d’argent, l’accès à l’information et les stratégies mondialisées des entreprises. Ce triptyque, qui facilite et encourage les déplacements, a un impact fort sur les mouvements migratoires.
Une population globalement en croissance, mais avec de fortes disparités régionales
Selon les prédictions de l’ONU (18), la population mondiale devrait atteindre 8,5 Md d’individus en 2030, entre 9,4 et 10,1 Md en 2050 et entre 9,4 et 12,7 Md en 2100 (19). Cet accroissement global appelle plusieurs remarques.
Redisons-le, parler d’explosion démographique est une erreur. Nous allons vers une stabilisation de la population mondiale : son taux de croissance est deux fois plus faible aujourd’hui qu’à la fin des années 1960 et il continue à diminuer. Selon les hypothèses, il pourrait être proche de zéro, voire négatif (20) à la fin du siècle.
Ensuite, même si tous ceux qui auront plus de 30 ans en 2050 sont déjà nés, des incertitudes demeurent. En effet, les projections sont fondées sur le raisonnement selon lequel la transition démographique va continuer à se déployer de façon semblable à ce qui a déjà été constaté et sur des hypothèses de fécondité (21). Des évolutions à la hausse ou à la baisse sont possibles en fonction notamment de la survenue de conflits meurtriers, des impacts du changement climatique, des politiques appliquées localement (22), des risques d’insuffisance sanitaire et hygiénique ainsi que des politiques mises en œuvre pour faire face à la sous-alimentation et à la malnutrition.
Enfin et surtout, on relève une grande diversité de situations selon les régions et pays. L’Europe se dépeuple et semble entrée dans un « hiver démographique » durable (23). Le taux moyen de fécondité y est bien inférieur à celui nécessaire pour le renouvellement de la population. À l’inverse, l’Afrique connaît un vrai dynamisme démographique. Sa population devrait augmenter de 110 % entre 2020 et 2050, pour atteindre 2,5 Md à cet horizon et entre 3,1 et 6,2 Md en 2100. La situation est toutefois très contrastée. Par exemple, sur la période 2020-2050, si la population du Niger doit augmenter de 350 %, celle de l’Afrique du Sud ne devrait progresser que de 13 %. Les clivages vont ainsi s’accentuer, dessinant un continent où les « géants » démographiques du XXIe siècle seront le Nigeria, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, la Tanzanie et l’Égypte (voir tableau).
Évolutions des populations des « géants » africains, exprimées en millions d’habitants
Source : ONU (https://population.un.org/wpp/)
L’Asie, quant à elle, devrait connaître une inversion de positionnement entre la Chine et l’Inde dès 2030 avec un début de diminution de la population chinoise vers 2035. La Chine devrait perdre près d’un tiers de sa population d’ici 2100 avec 1,05 Md d’individus soit quelque 400 M de moins que l’Inde. Troisième pays le plus peuplé au monde, les États-Unis bénéficient d’un taux de fécondité élevé et d’une immigration internationale importante. Ils devraient rester au quatrième rang en 2050 et en 2100 avec respectivement 380 et 434 M d’habitants. La population de l’Amérique latine va croître encore durant les quarante prochaines années. Peuplée de 169 M d’habitants en 1950, cette partie du monde en compte aujourd’hui 648 M et devrait atteindre 758 M à l’horizon 2060. Si Cuba a vu le nombre de ses habitants décroître en 2017, ce ne sera le cas pour le Brésil qu’au milieu du siècle et pour le Mexique vers 2060, année qui devrait marquer le début de la contraction démographique de cette région du monde. Enfin, le programme de redressement mis en place en 2005 (24) par Vladimir Poutine pourrait enrayer le dépeuplement qui touche la Russie. Cette perspective, pour l’instant peu partagée, devra toutefois être confirmée dans les dix prochaines années.
Les déséquilibres s’accentuent donc à mesure que la population mondiale croît. Dans l’avenir, si l’on accepte un regard schématique, des espaces surpeuplés vont côtoyer des régions vides, ce qui ne manquera pas de générer des pressions, voire des bouleversements comme cela pourrait être par exemple le cas pour l’Europe et l’Afrique.
Une population globalement vieillissante
Phénomène sans précédent dans l’histoire, la population mondiale vieillit : tendance forte et pérenne dans les pays du Nord, ce vieillissement est appelé à rapidement s’intensifier, ou selon les cas débuter, dans les pays du Sud. Le vieillissement est un processus automatique et inéluctable qui s’enclenche avec la fin de la seconde étape de la transition démographique. Il s’opère à la fois par le haut, avec une longévité accrue des personnes âgées, et par le bas (25), avec la diminution du nombre de jeunes, liée à la baisse de la natalité.
Le vieillissement de la population mondiale revêt quelques caractéristiques notables. Tout d’abord, le nombre des plus de 65 ans dans le monde va doubler d’ici 2050, selon l’ONU (26) : il atteindra 1,5 Md à cette échéance et 2,5 Md en 2100. Ainsi, les plus de 65 ans, qui représentent aujourd’hui 9 % de la population mondiale, en représenteront 16 % en 2050 et 23 % en 2100. Par ailleurs, la plus forte progression concerne le nombre de personnes de plus de 80 ans qui devrait tripler d’ici 2050 puis à nouveau doubler d’ici 2100 pour atteindre près de 900 M, soit plus de 8 % de la population mondiale. De plus, la géographie du vieillissement est très inégale. En Asie orientale et sud-orientale, ainsi qu’en Europe, une personne sur quatre aura plus de 65 ans en 2050. Le phénomène est particulièrement marqué au Japon et constitue, pour la troisième puissance économique mondiale, un véritable défi. En revanche, l’Afrique subsaharienne est pour l’instant peu concernée : les plus de 65 ans représenteront 5 % de la population en 2050. Enfin, l’âge médian confirme ce phénomène mondial. En constante augmentation, il sera en 2050 de 36 ans avec les disparités suivantes : 22 ans au Nigeria, 42 ans aux États-Unis, 46,5 ans en Europe et 47 ans en Chine.
Là encore, des bouleversements vont inévitablement s’opérer, à la fois au sein des pays « vieux », confrontés à des enjeux majeurs de société, mais aussi entre les blocs démographiques manquant d’actifs et ceux dans l’incapacité d’employer une population trop jeune et trop nombreuse.
Une tendance constante à l’urbanisation, ou métropolisation
La dernière caractéristique démographique majeure est le phénomène d’urbanisation. Celui-ci a débuté dès le début du XXe siècle à la faveur notamment de la révolution industrielle. Ainsi, entre 1900 et 2000, le nombre de citadins a été multiplié par 11 alors que dans le même temps la population mondiale a été multipliée par 3,8. Aujourd’hui, il y a plus de 4 Md de citadins : il y en avait 2,8 en 2000 ! Même si le taux de croissance de la population urbaine diminue d’ailleurs au même rythme que celui de la population mondiale (27), la proportion des citadins, aujourd’hui égale à 57 %, dépassera les 68 % à l’horizon 2050 (28).
Quelques caractéristiques méritent là aussi d’être soulignées. L’urbanisation se déploie, tant en nature (29) qu’en nombre, de façon différente selon les territoires, les politiques d’aménagement mises en œuvre ou encore l’état de développement des pays. Il y a aujourd’hui plus de trente mégapoles (30) et le monde devrait en compter cinquante en 2050. Ce sont l’Inde et l’Afrique qui devraient être les prochaines zones d’« explosion urbaine » (31) avec Lagos, Onitsha (Nigeria), Le Caire, Kinshasa ou encore Addis-Abeba. L’Amérique latine et l’Amérique du Nord vont tendre vers un taux d’urbanisation de 90 % en 2050, l’Europe vers 85 % alors que l’Afrique et l’Asie vont atteindre respectivement 59 et 66 % d’urbanisation avec une augmentation très forte de ce taux et, vont présenter, au sein de ces continents, des situations très contrastées. Enfin, le phénomène d’urbanisation recouvre celui de la littoralisation. Aujourd’hui, si, selon l’UICN (32), plus de 60 % de la population vit à moins de 150 km du rivage, ce taux devrait a minima se maintenir compte tenu du développement et de l’apparition des mégapoles donnant sur la mer.
Paradoxalement, malgré une augmentation sensible du nombre d’êtres humains, les mouvements démographiques qui sont à l’œuvre n’annoncent pas une modification flagrante de la répartition des populations. Les villes vont croître, se densifier et, à terme, vieillir selon des rythmes différenciés. Sauf surprise ou changement radical des modes de vie ou des politiques locales, les zones rurales vont se désertifier.
Conséquences stratégiques possibles
Des tensions croissantes sur les ressources
Comme le rappelle Bruno Tertrais (33), il faut se garder de la collapsologie, qui annonce notamment la perpétuelle crise imminente des ressources et ses conséquences en termes de conflictualité. En effet, les réserves prouvées de nombreuses ressources énergétiques naturelles non renouvelables évoluent constamment à la hausse (34). En revanche, il semble que les ressources hydriques et notre capacité à nourrir une humanité de taille croissante soient des enjeux qui pourraient conduire à des tensions, lesquelles émergent déjà.
Quand l’agriculture devient stratégique
La Terre sera-t-elle capable de nourrir entre 9 et 11 Md d’habitants ? Pour faire toujours mentir les thèses malthusiennes (35), il faudra, d’ici 2050, augmenter la production agricole mondiale de l’ordre de 60 à 70 % (36). Afin d’atteindre cet objectif, et améliorer également le sort des quelque 1 Md de personnes (37) dans le monde souffrant actuellement de sous-alimentation, la croissance agricole doit prendre de vitesse la croissance démographique. Pour cela, il faut continuer d’accroître les rendements des terres déjà exploitées (38) et favoriser l’agriculture vivrière locale, tout en mettant en production de nouvelles terres arables. Celles-ci sont, dès à présent, l’objet d’une concurrence internationale croissante, mise en lumière par l’acquisition de vastes surfaces de terre par des États (Chine, Inde, Émirats arabes unis…) et des investisseurs privés, essentiellement chinois. En 2015, la Chine a signé un contrat de location de 115 000 hectares de terres arables en Sibérie (39), et on estime que les montants des investissements chinois mondiaux dans le domaine agricole (terres et bétails) représenteraient 94 Md de dollars sur la période 2010-2017, dont la moitié réalisée sur les années 2016-2017 (40).
Les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) se veulent rassurantes : « si certains pays ou régions en Afrique du Nord, Asie du Sud et Moyen-Orient, ont atteint la limite des terres disponibles, à l’échelle mondiale, il reste suffisamment de ressources en terres pour nourrir la population mondiale dans un avenir prévisible (41) ». Toutefois, la crise alimentaire de 2007-2008 doit rester en mémoire : provoquée par une multitude de facteurs, dont une augmentation sensible de la demande, elle a généré de graves émeutes dans de nombreux pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
L’accès à l’eau, source de tensions
Selon l’économiste Bruno Parmentier, une dizaine de pays concentrent près de 60 % des réserves mondiales d’eau douce (42). Quatre-vingts autres, principalement situés en Afrique et au Proche-Orient et représentant 40 % de la population mondiale, souffrent, quant à eux, d’importantes pénuries (43). Partout, les réserves d’eau douce se raréfient. C’est le fait des déforestations (44), de la pollution et de la salinisation affectant les cours et plans d’eau (45), de l’amélioration du niveau de vie qui augmente fortement la consommation de chaque individu et, bien sûr, du dérèglement climatique. Aujourd’hui, un individu sur quatre vit dans un pays en situation de stress hydrique sévère et dix-sept pays utilisent déjà 80 % de leurs ressources en eau (46). Les dynamiques démographiques risquent donc d’accroître la pénurie en eau avec des répercussions mondiales en termes d’insécurité alimentaire, de conflits et de migrations.
L’accès à l’eau est donc plus que jamais stratégique. 269 rivières et fleuves importants étant partagés par deux pays au moins, les désaccords régionaux peuvent se multiplier. La Turquie contrôle l’Euphrate qui irrigue le Moyen-Orient ; l’Égypte entièrement tributaire du Nil pour ses ressources hydriques entretient un différend important avec l’Éthiopie qui construit un gigantesque barrage sur le Nil Bleu (47). Des tensions identiques, autour de la construction de barrages, existent entre l’Inde et le Pakistan (48), l’Inde et la Chine (49), la Chine et le Vietnam ou encore entre les pays du lac Tchad (Nigeria, Cameroun, Niger et Tchad).
Alors que, d’ici à 2030, le monde devrait faire face à un déficit hydrique global de 40 % (50), il est probable que l’accès à l’eau soit l’un des facteurs des conflictualités futures.
Une probable forte montée en puissance de l’islam
Selon le rapport du Pew Reserch Center (51), le christianisme devrait rester la religion majoritaire jusqu’en 2050, période à laquelle elle pourrait être quasiment rattrapée par l’islam dont le taux de croissance, de l’ordre de 73 %, est le plus fort de toutes les religions (52). Au milieu du siècle, l’Inde abritera la plus grande communauté musulmane au monde, même si les hindouistes y resteront majoritaires. En Europe, les musulmans devraient constituer plus de 10,2 % de la population, contre 5,9 % en 2010. Enfin, à cet horizon, 40 % des chrétiens du monde vivront en Afrique subsaharienne.
Pour Gérard-François Dumont (53), la démographie modifie la géographie des religions. Elle a pour conséquences un processus de mondialisation de l’islam, un phénomène d’homogénéisation religieuse des pays majoritairement musulmans, au profit de l’islam, et à l’inverse, une hétérogénéité religieuse croissante des pays de culture chrétienne, là aussi au profit de l’islam.
La part plus importante que devrait prendre l’islam durant ce siècle pourrait contribuer à un accroissement des tensions interreligieuses en Afrique subsaharienne, à la faveur d’une population jeune, facilement mobilisable et portée à la radicalité ; cette tendance, s’opposant aux besoins de développement, favoriserait les guerres civiles dans les pays hétérogènes ou les guerres interétatiques entre pays plus homogènes. La société indienne pourrait être fragilisée par des rivalités croissantes entre hindouistes et musulmans, rivalités qui pourraient par ailleurs alimenter les tensions entre l’Inde et le Pakistan. Enfin, la cohésion sociale et politique des sociétés occidentales pourrait également être affectée. Cette fragmentation, décrite par Jérôme Fourquet (54), porte en germe un puissant facteur de déstabilisation interne.
Ces prévisions ne doivent bien évidemment pas être tenues pour sûres. De forts mouvements de conversion sont par exemple tout à fait possibles, le christianisme connaissant notamment un dynamisme important dans les pays asiatiques.
Des Nations fragilisées
Par des mouvements migratoires amplifiés
Si l’intensité réelle des mouvements migratoires futurs reste une énigme, il est vraisemblable qu’elle ne faiblira pas, voire s’amplifiera sous le coup des facteurs migratoires classiques, d’une mobilité facilitée, mais aussi des changements climatiques à venir (55). Qu’ils soient intrarégionaux, transrégionaux ou transcontinentaux, les phénomènes migratoires ont concerné, selon l’ONU, de l’ordre de 250 à 300 M de personnes en 2019, soit environ 4 % de la population mondiale (56). Si ce chiffre devait rester constant, le nombre de migrants s’élèverait à environ 380 M en 2050.
La crainte de l’immigration, fondée ou non, est un phénomène désormais mondial (57), et son impact sur la solidité des Nations constitue un sujet chaque jour plus politique. Lorsqu’il est soudain, massif et brutal, parce que provoqué par exemple par un conflit, le phénomène migratoire est un facteur de crise : pression aux frontières, création de camps de déplacés ou de réfugiés, rejet des populations de destination, « ethnisation » d’une partie du pays peuvent être des sources de déstabilisation politique des pays soumis à la pression migratoire. Lorsqu’il est fluide, le phénomène migratoire pose moins de difficultés, car les pays de destination ont la possibilité de le réguler et possèdent normalement la capacité d’absorber le flux migratoire par des dispositions d’intégration ou d’assimilation. En revanche, si cette immigration cumulée devient trop forte ou insuffisamment diversifiée et assimilée, elle peut engendrer, elle aussi, des tensions sociales et politiques dans les pays de destination, participant à la fragmentation progressive d’une société (58).
Dans les deux cas, la gestion de ces flux migratoires devient une question sensible, qui doit faire l’objet de beaucoup d’attention pour prévenir les crises humanitaires et politiques.
Par des villes qui s’autonomisent et concentrent la violence
Concentrant un fort pouvoir culturel et économique, des réseaux de logistique, de transport et de finance, de très grandes villes peuvent trouver opportun d’acquérir une forme d’indépendance toujours plus avancée vis-à-vis des États. Des réseaux et une diplomatie des grandes villes se mettent en place, qui court-circuitent les traditionnelles discussions interétatiques (59) (60). Les États, parfois affaiblis par une autorité politique qui tend à s’exercer au niveau supranational, pourraient l’être encore davantage en laissant trop d’autonomie aux villes, favorisant les cités-États et une régionalisation, qui, trop poussée, affaiblirait la structure même de la Nation.
Par ailleurs, plus les villes sont grandes et plus les inégalités qui s’y développent sont importantes (61). Les métropoles peuvent alors être confrontées à des phénomènes de fragmentation et de communautarisation, menant à l’apparition de gated communities (62), sources de tensions et de convoitises. Bien des villes, notamment dans les pays en développement, attirent, réceptionnent puis concentrent une population rurale souvent pauvre, pouvant constituer une masse prolétaire et déracinée sensible aux idéologies et à l’endoctrinement (63).
Par une économie à la peine
Plus une économie abrite de personnes dépendantes, au sens où elles ne sont pas actives et ne créent pas de richesse, plus elle connaît des tensions et des déséquilibres économiques (64). De fait, la persistance de la sous-fécondité et le vieillissement peuvent marquer profondément les économies des pays concernés. La diminution des actifs raréfie la main-d’œuvre, ce qui augmente son coût, affectant la compétitivité et encourageant les délocalisations avec des conséquences inévitables sur l’emploi. Parallèlement, les budgets affectés aux dépenses de santé augmentent de même qu’une tension forte s’exerce sur le financement des retraites avec des effets d’évictions possibles sur les budgets concurrents et une augmentation de la pression fiscale. Au Japon, où les seniors représentent plus de 30 % de la population, les dépenses dans la santé ont progressé de 70 % entre 2008 et 2018 (65). Ces phénomènes grèvent la croissance via un redoutable cercle vicieux dans lequel l’Europe semble d’ores et déjà être rentrée.
Par de nouvelles tensions générationnelles
« Le vieillissement des populations dans les pays développés a renforcé la puissance et l’influence politique des couches plus âgées, au détriment des jeunes (66) », estime le chercheur Philippe Bourcier de Carbon. Les corps électoraux ont vieilli sous le coup de la démographie, et dans beaucoup de pays, les plus jeunes se détournent de la vie démocratique. Les seniors pèsent alors davantage en politique avec un risque évident d’éviction sociale et politique des jeunes, par ailleurs appelés à consentir des efforts importants pour la prise en charge des plus âgés.
Par une jeunesse facilement mobilisable dans les pays en transition démographique
Il existe un lien avéré entre la proportion importante de jeunes gens dans un pays et l’occurrence de révolutions ou de convulsions internes (67) (68), tant les jeunes, surtout s’ils sont dans une phase d’accession au savoir, sont plus facilement sensibles aux idéologies et portés à la radicalité. Pour Youssef Courbage, « les Occidentaux veulent oublier que leurs transitions démographiques furent émaillées de troubles et de violences nombreuses (69) ». Ainsi, les Printemps arabes trouvent leur origine dans des facteurs sociodémographiques (70). La fin de la transition démographique a en effet bouleversé le système familial traditionnel, ce qui, avec une scolarisation de masse (71), a contribué à remettre en cause l’autorité paternelle et plus largement celle des élites. Inexorablement, l’Afrique subsaharienne, où la transition démographique est balbutiante, et où la proportion de jeunes de moins de 25 ans va continuer à s’accroître, ne pourra pas rester étrangère aux phénomènes de type « Printemps arabes ». « Attendons-nous donc à voir pour bientôt cette succession de révolutions, éducative, démographique et politique, balayer le continent noir » (72).
Par l’érosion de l’esprit de défense
Le phénomène de vieillissement peut nuire à l’esprit de défense. En effet, une population âgée, parce qu’elle a un horizon globalement plus court, pourrait être encline à se référer au passé plutôt qu’à valoriser l’avenir et par conséquent, pour Jean-Claude Chesnais, « préférer la soumission à la rébellion ». Pour le démographe, « l’archétype est la France de 1940 : c’était la Nation la plus vieille du monde ; elle a perdu contre l’envahisseur allemand ». Il ne faut toutefois pas oublier que les causes de cette défaite sont évidemment multifactorielles et que par le passé, l’esprit de défense a pu être porté très haut par des hommes âgés !
De nouveaux types d’engagements et de missions pour les forces armées
Les mégapoles, champ de bataille du futur
La ville, et plus particulièrement la grande ville, semble se confirmer comme le champ de bataille moderne, « l’ultime champ de bataille » (73), celui qui réduit le déséquilibre technologique entre les forces en présence, qui prend au piège les armées, les entraînant « dans les échecs ou les excès » (74). La ville est donc « la meilleure arme du faible » (75), propice aux guérillas et aux insurrections. Elle met en difficulté les armées classiques, structurellement et techniquement peu adaptées (76) pour opérer efficacement et durablement au milieu de la densité urbaine.
Il faut certainement s’emparer du sujet par une réflexion extrêmement poussée, sans penser le combat urbain comme l’un des combats possibles, mais comme celui de demain. La mobilité dans l’espace urbain, l’utilisation des moyens d’appui, aérien notamment, l’acquisition de renseignements, les moyens de communication, la cartographie des espaces, des bâtiments et des sous-sols, le développement de nouvelles technologies pour combattre, comme les robots ou des drones capables d’évoluer dans des espaces restreints, sont autant de sujets et problématiques qui nécessitent non pas une approche seulement interarmées, mais aussi interagences. Les armées françaises s’entraînent au combat urbain, tirant parti des expériences somaliennes, afghanes et irakiennes. Toutefois, le combat urbain de demain risque d’être d’une autre nature, prenant place dans des cités surpeuplées et nous obligeant peut-être à repenser l’utilité et la faisabilité du siège ou à développer des manœuvres de contournement ou d’« encagement » plutôt que d’engagement (77).
L’importance du combat depuis la mer ou vers la mer réaffirmée
La littoralisation signifie la densification croissante des hommes et des richesses à proximité des littoraux. Si ce phénomène favorise la productivité, les échanges et le commerce, participant ainsi à la puissance d’un pays, il fragilise également ceux qui n’auront pas su penser la défense de leur littoral dans la profondeur, c’est-à-dire de la côte jusqu’au large. Pour cela, la possession de moyens de déni d’accès est essentielle afin d’interdire les espaces aérien et maritime. Ces moyens doivent être complétés par une surveillance des approches et par une capacité suffisante d’intervention hauturière.
À l’inverse, le maintien d’une forte occupation de la bande littorale confirme la pertinence de posséder d’importantes capacités de projection de puissance et de force depuis la mer. Elle rappelle aussi la nécessité de développer des solutions pour surveiller et pénétrer la bande littorale adverse, tout comme l’importance de disposer de moyens capables d’effectuer des évacuations de ressortissants depuis la mer.
La pérennité des besoins de prévention et d’intervention en Afrique subsaharienne
L’Afrique, épicentre de la révolution démographique, va connaître des bouleversements à la mesure des défis que le continent – singulièrement, sa partie centrale – va être amené à relever : secousses liées à la transition démographique, à une urbanisation anarchique, aux migrations internes, aux problématiques de nutrition, mais aussi à tous les défis sécuritaires auxquels elle est déjà confrontée, sans compter les conséquences du changement climatique. Il faudra encore longtemps venir en aide militairement aux pays de la bande sahélo-saharienne pour contribuer à leur stabilité et leur développement, être capable de défendre nos intérêts en Afrique et protéger nos ressortissants.
Un besoin accru des armées sur le territoire national
Corollaire de l’urbanisation croissante et de la dépopulation de certains pays, une désertification d’une part importante des territoires peut lentement s’opérer. Il est dès lors moins aisé d’en assurer le contrôle et la défense, vis-à-vis de menaces tant internes qu’externes ou encore pour faire face à une catastrophe naturelle d’ampleur. Ce phénomène milite pour maintenir ou s’assurer d’une répartition équilibrée et bien distribuée des forces armées sur le territoire national, en mesure d’intervenir plus facilement sur l’ensemble du pays.
L’accroissement des tensions internes lié aux conséquences évoquées supra des évolutions démographiques pourrait conduire à des phénomènes extrêmes de fragmentation. En cas d’émeutes ou de révoltes de très grande ampleur et dépassant les capacités des forces de sécurité intérieure, les forces armées pourraient être mises à contribution, comme ultima ratio. Ces scénarios, aussi extrêmes soient-ils, doivent être envisagés, notamment sous l’angle à nouveau du maillage territorial et des capacités, en particulier en termes de mobilité des forces et d’équipements.
Enfin, dans un contexte possible de flux migratoires importants, mais non souhaités, les forces armées pourraient être sollicitées pour renforcer la surveillance et le contrôle des approches terrestres et maritimes, sécuriser des points sensibles ou contribuer à la gestion de crises humanitaires de grande ampleur (78).
La tentation de l’arme de destruction massive et la fuite en avant technologique
Si le déséquilibre démographique entre deux pays est perçu par le pays le plus faible comme un déséquilibre de puissance qui menace sa survie, ce « petit pays » cherchera, outre la protection d’une grande puissance, l’acquisition d’armes lui permettant de dissuader son adversaire. Des scénarios de développement d’armes du faible au fort, notamment en Asie du Sud, ne doivent donc pas être exclus.
Par ailleurs, si elles veulent maintenir une supériorité opérationnelle sur leurs compétiteurs stratégiques, les puissances en infériorité numérique devront toujours davantage développer des armes et équipements capables de contrebalancer le déséquilibre du nombre, tout en cherchant des effets de mutualisation entre alliés. Cette course technologique est risquée. Parce qu’elle est coûteuse, elle nécessite notamment des efforts budgétaires croissants, à moins d’avoir une armée dont le format la disqualifie d’emblée dans un engagement majeur. Il faut donc refuser de se laisser entraîner vers un modèle trop technologique et chercher sans cesse la zone d’efficacité optimale qui restera un compromis entre le nombre d’unités pour combattre et leur niveau technologique.
Des rapports de force modifiés dans les structures internationales
La révolution démographique déclasse peu à peu les superstructures politiques, juridiques et économiques mises en place après la Seconde Guerre mondiale (79). Elle redessine une carte stratégique différente de celle qui prévalait en 1945 avec un glissement continu, aujourd’hui vers l’Asie et certainement demain vers l’Afrique. Dans ce contexte, de plus en plus de Nations, fortifiées par une démographie dynamique et encouragées par la loi des nombres, réclameront un partage du pouvoir dans les grandes institutions politiques, militaires et financières. C’est déjà le cas au sein de l’ONU, où de nombreux pays membres souhaitent une représentativité plus conforme aux nouveaux équilibres mondiaux (80). Pour beaucoup, l’élargissement du Conseil de sécurité est la seule perspective réaliste, à moins d’un discrédit croissant de cette organisation (81). Au sein de l’Union africaine, dotée pour l’instant d’une gouvernance paritaire, il est également probable que des équilibres nouveaux se dessineront dans les trente prochaines années en fonction des poids démographiques croissants de certains pays de ce continent.
* * *
La révolution démographique atteint d’ores et déjà tous les pays et aura inévitablement des répercussions sur leur place dans le monde, leurs ambitions et leur épanouissement. Le repositionnement des principaux acteurs stratégiques, déjà commencé, continuera à s’opérer. Indubitablement, la puissance américaine restera soutenue par un fort dynamisme démographique. À l’inverse, la Chine risque d’être déstabilisée. Les dynamiques démographiques, sur lesquelles elle n’a que peu de leviers, menacent sa croissance économique et peuvent contrarier ses ambitions d’hégémonie. L’Inde bénéficie en revanche d’une situation très favorable. Son poids démographique croissant lui donne une place centrale : les grands problèmes contemporains comme ceux relatifs à l’énergie, l’environnement, le commerce international ou encore à la sécurité ne pourront en effet être résolus sans elle (82). Toutefois, son accroissement démographique tend à annihiler les progrès effectués en matière de développement : tout en avançant, l’Inde fait du surplace.
L’Europe, quant à elle, se trouve dans une situation inconfortable. L’« hiver démographique » que traverse le Vieux Continent semble davantage annoncer un automne qu’un printemps stratégique, et d’ici un redressement souhaitable, l’Europe sera confrontée à une déprimante sensation de déclin et de déclassement dans la majorité des champs qui fondent la puissance. La Russie se trouve dans une situation comparable. Son arsenal nucléaire et sa capacité à nouer des alliances resteront donc des cartes essentielles. Bien des incertitudes subsistent toutefois quant aux différentes dynamiques des populations. L’histoire rappelle que des ruptures peuvent subvenir et modifier profondément les mouvements engagés ou prévus. Qu’elles soient de nature sociétales, politiques, religieuses, sanitaires ou encore conflictuelles, ces surprises stratégiques peuvent provoquer des retournements majeurs et des dynamiques nouvelles. Malgré tout, beaucoup des bouleversements démographiques à venir sont déjà écrits. Il reste à « voir ce que l’on voit » et peut-être aussi à retrouver une faculté d’agir sur le très long terme.
Pour la France, ce que l’on voit n’est guère enthousiasmant : la population vieillit et la natalité, si elle reste la plus forte en Europe, n’est pas suffisante pour permettre le simple renouvellement des générations. Ce mouvement est un cercle vicieux. Il risque de durablement affaiblir la puissance économique, l’influence et la cohésion sociale de notre pays. Cependant, le déclin n’est pas une fatalité, et notamment en matière de démographie. Il est possible d’agir pour le temps long en adoptant notamment des politiques créant les conditions d’un dynamisme démographique futur. La France doit aussi saisir l’opportunité extraordinaire qui s’offre à elle avec le développement sans précédent de l’espace francophone. Fort aujourd’hui de 300 M d’habitants, il a dépassé le monde arabophone et pourrait réunir près de 750 M d’êtres humains à l’horizon 2070 (83). Véritable héritage du passé, capitale pour l’avenir, cette richesse démographique s’accompagne d’un formidable potentiel économique et culturel pour une France qui ne représentera que 0,35 % de la population mondiale en 2050. Promouvoir la langue française et investir massivement dans la sphère francophone permettraient de tirer parti de la révolution démographique plutôt que de subir le déclin qu’elle semble annoncer. ♦
(1) Organisation des Nations unies, « 2019 Revision of World Population Prospects », 2019 (https://population.un.org/wpp/).
(2) Chesnais Jean-Claude, « Démographie et stratégie : le crépuscule de l’Occident », Revue Défense Nationale, avril 1996, p. 69.
(3) Dufourcq Jean et Kempf Olivier, « L’impact démographique », La Vigie, 29 janvier 2019.
(4) Ministère des Armées, Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017, 2017, articles 63 à 65 (www.defense.gouv.fr/).
(5) DAS, Horizons Stratégiques, 2012, 25 pages (www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr/).
(6) Plus exactement : « Or, il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens : vu qu’il n’y a de richesse que d’hommes… ».
(7) Bodin Jean, Les Six Livres de la République, Livre V, 1576.
(8) Bulher Pierre, « Puissance et démographie : la nouvelle donne », Annuaire français des relations internationales, Bruylant, 2004, p. 3-33.
(9) Aron Raymond, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1962, 794 pages.
(10) Accession liée à une forte croissance démographique puisque la population britannique a été multipliée par plus de trois entre 1800 et 1900 (de 12 à environ 40 millions d’habitants) tout en produisant un flux d’émigration vers les colonies d’environ 8 M de personnes. Voir Wikipédia, « Démographie du Royaume-Uni » (https://fr.m.wikipedia.org/).
(11) De 9,6 M d’habitants en 1820, la population américaine passe ainsi à 23 M en 1850, à 76 M au tournant du siècle, pour atteindre 106 M en 1920 et 266 M en 1995. Voir Wikipédia, “Demographics of the United States” (https://en.wikipedia.org/wiki/Demographics_of_the_United_States).
(12) Cité dans Buhler Pierre, op. cit.
(13) Voir Dufourcq Jean et Kempf Olivier, op. cit., et Buhler Pierre, op. cit.
(14) Plus grande espérance de vie à la naissance, diminution des morts en couche, etc.
(15) 1,6 Md en 1900 et 7 Md en 2011. Voir Wikipédia, « Population mondiale » (https://fr.m.wikipedia.org/).
(16) Dumont Gérard-François, « Le monde en 2050 : 8 ou 11 milliards d’humains ? », Mondes et cultures : comptes rendus trimestriels des séances de l’Académie des sciences d’outre-mer, Tome LXXII vol. 1, 2012, p. 221-235.
(17) La structure en âges d’une population peut être favorable à l’attraction d’une main-d’œuvre.
(18) ONU, op. cit.
(19) Ces chiffres et fourchettes, fondées sur la population actuelle et des méthodes de projections statistiques, sont donnés pour sûres à 95 %.
(20) Selon l’étude de l’ONU, il y a 30 % de chances que le taux d’accroissement de la population soit négatif avant 2100.
(21) Dumont Gérard-François, Géographie des populations. Concepts, dynamiques, prospectives, Armand Colin, 2018, 254 pages.
(22) Niveau de liberté économique, utilisation de l’aide publique, structuration de l’économie agricole, etc.
(23) Dumont Gérard-François, « Quelles relations entre dynamiques des populations et perspectives stratégiques ? », Diploweb.com, 16 octobre 2019 (www.diploweb.com/).
(24) Dumont Gérard-François, Géographie des populations. Concepts, dynamiques, prospectives, Armand Colin, 2018, p. 79-80.
(25) Ibid., p 179-180.
(26) ONU, op. cit.
(27) Dumont Gérard-François, Géographie des populations. Concepts, dynamiques, prospectives, Armand Colin, 2018, p. 147.
(28) ONU, op. cit.
(29) Gérard-François Dumont distingue les architectures macrocéphales et polycéphales qui caractérisent les différents pays : ainsi la France ou la Russie qui ne comptent qu’une très grande zone urbaine ; l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, pour n’évoquer que les pays européens, où il existe des capitales régionales au poids équivalent à celui de la capitale économique et politique, et qui peuvent développer une certaine forme d’indépendance.
(30) Villes de plus de 10 millions d’habitants.
(31) Terme employé par le chercheur François Mariconi-Ebrard, dans Cailloce Laure, « Des villes toujours plus grosses », CNRS Le Journal, 1er juin 2017 (https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-villes-toujours-plus-grosses).
(32) Union internationale pour la conservation de la nature, ONG fondée en 1948.
(33) Tertrais Bruno, Le choc démographique, Odile Jacob, 2020, 137 pages.
(34) Ainsi, les réserves prouvées de pétrole et de gaz ont globalement été multipliées par 1,5 au cours des trente dernières années, consommation comprise, selon le BP Statistical Review of World Energy, paru en juin 2018 (www.bp.com/content/).
(35) Pour Malthus, « the power of population is indefinitely greater than the power in the earth to produce subsistence for man (…) Population, when unchecked, increase in a geometrical ratio. Subsistence increases only in an arithmetical ratio » (Malthus Thomas, An essay on the Principle of Population, 1798). De même, pour Ehrlich, « The battle to feed all of humanity is over. In the 1970s, hundreds of millions of people will starve to death (…). At this late date nothing can prevent a substantial increase in the world death rate » (Ehlrich Paul, The population bomb, 1968).
(36) Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, Comment nourrir le monde en 2050 ?, octobre 2009, p. 2 (www.fao.org/).
(37) Rendements par ailleurs en hausse régulière.
(38) La FAO estime que cette augmentation permettrait, à elle seule, de couvrir 80 à 90 % de la croissance nécessaire de la production agricole. Comment nourrir le monde en 2050 ?, op. cit., p. 10.
(39) Laboratoire européen d’anticipation politique, « Russie–Chine : mutations d’avenir en Sibérie », 26 juillet 2016 (www.leap2040.eu/russie-chine-mutations-davenir-en-siberie/).
(40) Agence France-Presse, « La Chine, acheteuse vorace de terres agricoles à l’étranger », Le Point, 23 février 2018 (www.lepoint.fr/economie/la-chine-acheteuse-vorace-de-terres-agricoles-a-l-etranger-23-02-2018-2197292_28.php).
(41) FAO, L’agriculture mondiale à l’horizon 2050, octobre 2009, p. 3 (www.fao.org/).
(42) « Pénurie mondiale d’eau : pourquoi l’aggravation du phénomène pourrait mener à un conflit généralisé », Atlantico, 14 août 2019 (www.atlantico.fr/). Bruno Parmentier y cite le Brésil, la Russie, les États-Unis, le Canada, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, la Colombie et le Pérou.
(43) Ibid.
(44) Capacité moindre des sols à retenir l’eau.
(45) FAO, État des ressources en terres et en eau pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde, 2011 (www.fao.org/).
(46) Arabie saoudite, Bahreïn, Botswana, Émirats arabes unis, Érythrée, Inde, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Pakistan, Qatar, Saint-Martin et le Turkménistan. Voir Hofste Rutger Willem, Reig Paul et Schleifer Leah, « 17 Countries, Home to One-Quarter of the World’s Population, Face Extremely High Water Stress », World Ressources Institute (www.wri.org/blog/2019/08/17-countries-home-one-quarter-world-population-face-extremely-high-water-stress).
(47) En octobre 2019, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, « avait assuré qu’“aucune force” ne pouvait empêcher la construction du barrage et averti que des “millions” de personnes pouvaient être mobilisées pour le défendre si besoin était ». Voir « Barrage sur le Nil : l’Éthiopie demande à l’Afrique du Sud de faciliter un accord avec l’Égypte », Le Monde, 13 janvier 2020 (www.lemonde.fr/).
(48) Vingt projets de barrages sur la seule rivière Chenab, affluent de l’Indus, inquiètent le Pakistan alors qu’Islamabad et la ville de Rawalpindi manquent déjà d’eau. Voir « Et si Delhi arrêtait les eaux de l’Indus pour assécher le Pakistan ? », The Indian Express, repris dans Courrier International, 23 septembre 2016 (www.courrierinternational.com/).
(49) New Delhi a dû, sous la menace, déplacer le site d’un projet de barrage en Uttar Pradesh qui mécontentait la Chine, tandis que Pékin a des projets de détournement vers le sud des eaux du Brahmapoutre qui irritent l’Inde. Voir l’entrevue d’Atlantico avec Bruno Parmentier, op. cit.
(50) Voir ONU, « Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2020 : l’eau et les changements climatiques », 2020, p. 24 (https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000372941.locale=fr).
(51) Pew Research Center, « The Future of World Religions: Population Growth Projections, 2010-2050 », 2 avril 2015 (www.pewforum.org/2015/04/02/religious-projections-2010-2050/).
(52) Progression de 1,6 Md de musulmans en 2010 à 2,76 en 2050, soit 30 % de la population mondiale contre 23 % en 2010.
(53) Dumont Gérard-François, « Analyse stratégique et enjeux géodémographiques du XXIe siècle », Agir, revue générale de stratégie, 2010, p. 97-110 (https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00761707/document).
(54) Fourquet Jérôme, L’Archipel français : naissance d’une nation multiple et divisée, Seuil, 2019, 384 pages.
(55) Dumont Gérard-François, Agir, op. cit.
(56) Voir Organisation des Nations unies, « Migrations » (www.un.org/fr/sections/issues-depth/migration/).
(57) Tertrais Bruno, op. cit.
(58) Chesnais Jean-Claude, op. cit.
(59) Voir Cailloce Laure, op. cit.
(60) Le Gales Patrick et Vitale Tommaso, « Les défis des métropoles : ce qui est gouverné et ne l’est pas », Sciences Po, 9 octobre 2017 (www.sciencespo.fr/).
(61) Voir Cailloce Laure, op. cit.
(62) Les gated communities sont des résidences ou des quartiers fermés et sécurisés, sortes d’enclaves au sein des cités.
(63) Huntington Samuel, Le choc des civilisations, Odile Jacob, 1996, p. 89.
(64) Trainar Philippe, « Les évolutions démographiques internationales et leurs conséquences économiques », Association d’économie financière (www.aef.asso.fr/).
(65) Filoche Adrien, « Avec 900 000 naissances en 2019, l’Archipel perd la bataille de la natalité », Le Figaro, 24 décembre 2019 (www.lefigaro.fr/).
(66) Bourcier de Carbon Philippe, « Les variations démographiques et leurs implications globales », Démographie et sécurité – Actes d’un atelier tenu à Paris le 14 novembre 2000, Rand–Population Matters, p. 17 (www.rand.org/).
(67) Fage Anita, « La Révolution française et la population », Population, n° 8-2, 1953, p. 311-338 (www.persee.fr/).
(68) Huntington Samuel, op. cit.
(69) Pellegrin Clément, « Le Printemps arabe au prisme de la démographie », Les clés du Moyen-Orient, 18 février 2015 (www.lesclesdumoyenorient.com/Le-printemps-arabe-au-prisme-de-la.html).
(70) Todd Emmanuel, Allah n’y est pour rien ! Sur les révolutions arabes et quelques autres, Le Publieur, 2011, 96 pages.
(71) Taux d’alphabétisation qui induit une évolution des rapports d’autorité, tant dans la sphère familiale que la sphère publique. « Quand on sait lire et écrire on peut lire un tract ! On peut même en écrire un ! », écrit Emmanuel Todd dans Allah n’y est pour rien !, ibid.
(72) Courbage Youssef, « Printemps arabes, l’arrière-plan démographique dans le contexte mondial », Raison présente, n° 182, 2012, p. 76 (www.persee.fr/doc/raipr_0033-9075_2012_num_182_1_4391).
(73) Chamaud Frédéric et Santoni Pierre, L’ultime champ de bataille : Combattre et vaincre en ville, Pierre de Taillac, 2019, 310 pages.
(74) La Maisonneuve (de) Éric, « La guerre : de la campagne à la ville », Démographie et sécurité – Actes d’un atelier tenu à Paris le 14 novembre 2000, Rand–Population Matters, p. 21.
(75) Firode Pierre, « La guerre urbaine, arme du faible ? », EurAsia Prospective, 30 décembre 2019
(https://eurasiaprospective.net/2019/12/30/guerre-urbaine/).
(76) La Maisonneuve (de) Éric, op. cit., p. 21-22.
(77) DAS, Horizons stratégiques, op. cit., p. 124.
(78) Ibid, p. 124.
(79) Dufourcq Jean et Kempf Olivier, op. cit.
(80) La France plaide pour l’intégration comme membre permanent de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde, du Japon et de plusieurs pays africains. Voir Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, « La France et le Conseil de sécurité des Nations unies », septembre 2019 (mise à jour) (www.diplomatie.gouv.fr/).
(81) Voir l’entrevue du professeur Guillaume Devin dans D’Alançon François, « L’élargissement du conseil de sécurité de l’ONU est la seule perspective réaliste », La Croix, 29 novembre 2018.
(82) Lamballe Alain, « L’Inde est-elle une grande puissance ? », Outre Terre, n os 54-55, 2018, p. 77-97.
(83) Organisation internationale de la francophonie, La langue française dans le monde, Gallimard, 2019, p. 37-38 (http://observatoire.francophonie.org/).